Invité aux Tables rondes de l'Arbois,
Jean-Louis Guigou estime que "demain les fonds d’investissement du Maghreb
sauveront des PME européennes, en organisant le rapatriement de la part
d’activités non rentables". « N’ayons pas peur d’une prétendue invasion
immigrée » soutient de son côté Hervé Le Bras.
« Dans vingt ans le Maghreb sera la Californie de l’Europe. Les
Européens auraient tort de ne pas y investir dès maintenant » assure le délégué général de l’Ipemed, Jean-Louis
Guigou. Ce penseur de la planification française, ex délégué général de la
Datar, était un des invités phares des Tables Rondes de l’Arbois, qui ont
débattu à Aix-en-Provence les 10 et 11 avril 2013, de la problématique des
crises et des risques et des opportunités de changement.
Pour
Jean-Louis Guigou, l’Union Européenne doit se déterminer comme partenaire
majeur du Maghreb, malgré, ou à cause de la crise économique actuelle. « Martin
Schulz, le président du Parlement européen en est persuadé, tout comme la
réunion des Parlements de l’UPM, qui vient de se tenir à Marseille sous sa
présidence ».
Un
sondage mené par l’institut Gallup avant et après les printemps arabes sert la
démonstration de Jean-Louis Guigou. « Les sondeurs ont demandé aux Arabes
pourquoi ils se battaient. Ils ont répondu : « pour la dignité, la liberté,
l’égalité hommes femmes, et celle des individus en général ». Puis ils leur ont
demandé quels étaient leurs référents majeurs, et ils répondent : « nous
voulons nous ancrer à l’Europe ».
Les
succès islamistes aux premières élections post révolutionnaires ne doivent pas
masquer ce contexte moral favorable au partenariat, selon Jean-Louis Guigou. «
Les révolutions arabes sont des processus au moins aussi complexes que le fut
la Révolution française, et si les islamistes radicaux ont gagné, c’est qu’ils
étaient les mieux organisés. Toutefois, comme nous le voyons en Tunisie, les
fissures commencent à se créer sous les effets d’une crise économique à
laquelle ils n’apportent pas de solution. La réalité, c’est-à-dire la nécessité
de créer des emplois, va s’imposer ».
Le salut européen viendra
d'investisseurs maghrébins
Pour
le conférencier, l’économie va révéler le Maghreb, et plus généralement
l’Afrique du Nord. « L’énergie renouvelable y sera moins chère et le capital se
concentre de préférence là où l’énergie est bon marché. »
La
création de fonds d’investissement au Maroc, et leur important développement
après 2005 – ils dépassent désormais les 10 mrds de dirhams (1 mrd€) favorisera
l’acquisition d’entreprises en Europe. « Les investisseurs maghrébins vont en
profiter pour former leurs ingénieurs, puis rapatrieront uniquement les
productions non rentables en Europe. Ils maintiendront ainsi des emplois en
France ou ailleurs, tout en en créant au Maroc ou en Tunisie ». Le même
phénomène mettrait les investisseurs algériens en mesure d’acquérir également
des entreprises en Europe avant d’en rapatrier environ 30%, créant des
partenariats solides de fait. Bref, Jean-Louis Guigou se montre optimiste.
Il
trouve un allié avec le démographe Hervé Le Bras, professeur à l’Ined. Pour lui
une immigration massive qu’imposerait une natalité débridée alliée au manque
d’emploi, n’est pas à craindre. « Le meilleur contraceptif reste le
développement. Tous les cas le montrent, la natalité baisse autour de deux
enfants par femme quand le niveau de vie monte. »
Démographie maîtrisable et coopération
nécessaire
L'exemple
iranien illustre son analyse. Les projections démographiques misaient sur
175
millions d’Iraniens pour 2050, dans les années 1970. Au milieu des années 1990,
une fantastique baisse de la fécondité réduisaient ces prévisions de moitié, au
moment où le pays confortait son développement.
«
Il faut que l’Europe investisse au Maghreb insiste de son côté Jean-Louis
Guigou. Ces économies nous demandent du transfert de technologie plus que de
l’argent, et une aide pour que ces états démocratiques en herbe se
maintiennent. Payer les fonctionnaires, c’est le meilleur moyen d’éviter la
charia ».
Ce
choix de l’investissement au Sud, selon lui, les Allemands l’ont fait. En dépit
des peurs nées en Europe de l’islamisme radical provisoirement triomphant au
Sud, les Français devraient les imiter.
La
peur d’une « invasion » immigrée souvent agitée au nord de la Méditerranée,
constitue selon Hervé Le Bras une crainte sans fondement réel. « Ils désirent
pouvoir rester chez eux et se trouvent eux-même confrontés aux mouvements
migratoires d’une Afrique de l’Ouest à la démographie forte ».
Par
Michel Neumuller – Source de l’article Econostruminfo
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