Nous avons suffisamment déploré les
lenteurs de la coopération intergouvernementale en Méditerranée Occidentale
pour ne pas nous féliciter des rencontres dans les deux organisations, au cours
des semaines écoulées.
Réunion des ministres des Affaires étrangères du dialogue 5+5 à Nouakchott, le 17 avril. |
Qu'on
en juge : pour le 5+5 une réunion des ministres de l'Intérieur à Alger les 8 et
9 avril, une réunion des ministres des Affaires étrangères à Nouakchott le 17
avril, ainsi qu'une réunion parlementaire l'avant-veille, également dans la
capitale mauritanienne.
Pour
l'Union du Maghreb arabe (UMA): une réunion des ministres de l'Enseignement
supérieur et de l'Education à Alger et une réunion des ministres des Transports
à Nouakchott ainsi que l'annonce par la Tunisie qu'elle organisera une réunion
des ministres des Affaires étrangères.
Certes,
la presse surtout au nord de la Méditerranée, a été assez discrète, mais
l'activité intergouvernementale semble bien reprendre. Qu'en est-il au juste ?
Une priorité aux discussions sur la
sécurité
D'abord
le 5+5. Le fait que les ministres de l'Intérieur se soient à nouveau réunis
constitue en soi un évènement : en dépit de la règle non écrite qui veut que
les rencontres soient organisées sur une base annuelle, il n'y avait pas eu de
réunion depuis 2009. Alors qu'ils avaient été à l'origine de la relance du 5+5
dans les années 1990, les ministres de l'Intérieur semblaient s'être
désintéressés de l'exercice au cours des dernières années. L'importance de la
dimension sécuritaire dans la région explique largement l'intérêt d'une
relance, et d'ailleurs la réunion d'Alger s'est inscrite dans une série de
rencontres régionales. On rappellera aussi la priorité que le gouvernement
algérien accorde aux discussions sur la sécurité dans son calendrier
international.
Presque
tous les ministres ont assisté à la réunion d'Alger et ce niveau de
participation souligne l'importance politique accordée au 5+5 Intérieur. Seuls
Malte et la France n'ont pas été représentés par leur ministre. Paris
privilégie actuellement les contacts bilatéraux; on peut toutefois penser que
les réunions de suivi qui devaient se tenir au niveau des administrations
permettront à la France de rester en phase avec les orientations données à Alger.
La
présidence algérienne a insufflé une incontestable ambition à la réunion et
ceci se reflète dans la déclaration publiée à l'issue des travaux. Le texte
adopté constitue en effet une sorte de charte pour orienter les activités à
venir. Le renforcement de la coopération a été envisagé à travers cinq grands
thèmes: la lutte contre le terrorisme, la lutte contre le crime organisé, la
circulation des personnes et la lutte contre l'immigration illégale, la
protection civile et les collectivités locales. Un mécanisme de suivi doit
maintenant permettre la mise en œuvre d'actions concrètes dans chacun de ces
secteurs.
Le dialogue s'ouvre à de nouveaux
secteurs
Venant
peu après la réunion du 5+5 intérieur, celle des ministres des Affaires
étrangères s'inscrit dans une certaine normalité: le 5+5 Affaires étrangères a
en effet pris l'habitude de se réunir à la fin de l'hiver ou au début du
printemps. Il s'agit toutefois de la première réunion depuis le sommet de Malte
de 2012, ce qui est en soi important. Le fait que les ministres se soient
réunis dans la capitale mauritanienne est également significatif, compte tenu
de l'atmosphère de crise politique qui règne dans le pays. Pour ajouter à
l'intérêt de la réunion on peut également remarquer qu'elle a été précédée par
une réunion des ministres africains sur la situation au Mali. Les pays du 5+5
ont tous participé au niveau des ministres ou des secrétaires d'Etat.
Bien
que la déclaration finale ne soit pas accessible sur le site officiel
mauritanien, le communiqué de presse publié à Nouakchott montre que la réunion
s'est inscrite dans le fil des précédentes. Sur la base de la relance voulue
par le sommet de Malte, elle a aussi innové avec une annonce d'ouverture à la
société civile, aux hommes d'affaires et aux jeunes.
L'Italie,
qui assurait la co-présidence, est ainsi parvenue à imprimer un dynamisme qui
devrait se refléter dans les travaux à venir. La secrétaire d'Etat, Mme Dassu,
a proposé que le 5+5 s'ouvre à de nouveaux secteurs: jeunesse, culture, soutien
aux PME, santé, mobilité; et envisagé que les représentants de la société
civile soient invités aux réunions «Affaires étrangères». Elle s'est également
prononcée en faveur d'un mécanisme de coordination entre les différents
secteurs du 5+5. Ce point concerne certes la «tuyauterie», mais la mise sur
pied d'un tel mécanisme constituerait un gage d'efficacité pour le
fonctionnement de l'ensemble du 5+5.
Pour
sa part, le ministre algérien a annoncé l'organisation d'une réunion sur
l'agriculture et la sécurité alimentaire en Algérie, sans toutefois en préciser
la date.
Deux
thèmes ont plus particulièrement été abordés au titre du dialogue politique: la
situation au Mali et la crise syrienne. Compte tenu d'une actualité
particulièrement lourde dans ces deux secteurs, les échanges informels entre
les ministres retrouvent ainsi un intérêt qu'ils avaient largement perdu au
cours des dernières années. Plusieurs commentaires ont souligné l'utilité de
ces échanges.
Le
Portugal assure désormais la coprésidence. L'annonce par le ministre portugais
de l'organisation d'une rencontre de jeunes et d'une rencontre d'hommes
d'affaires permet d'augurer l'engagement de Lisbonne à conforter la dynamique
constatée à Nouakchott.
Réunion des ministres de l'Intérieur de l'UMA à Rabat, les 20 et 21 avril 2013. |
Passer du stade déclaratoire à celui
des réalisations
Moins
visible que les deux réunions ministérielles, la réunion des parlementaires des
pays du 5+5, à Nouakchott, marque la reprise des rencontres de ce type, après
une éclipse de plusieurs années. Le contexte politique actuel dans les pays du
Maghreb, tout autant que le besoin de définir une nouvelle relation de
coopération avec les pays européens, rend d'autant plus utile le dialogue entre
les élus. Une relance était souhaitée depuis plusieurs années et même si on
peut s'interroger sur le contenu des discussions, on peut supposer que d'autres
réunions seront organisées à l'avenir. La présidence portugaise s'est
d'ailleurs engagée à réunir les parlementaires en 2014.
Du
côté de l'UMA, les ministres de l'Enseignement supérieur et de l'Education se
sont réunis à Alger, les 18-20 mars 2013.
La
coordination et la coopération dans le secteur de l'enseignement supérieur
reste bien une priorité, avec notamment une réflexion sur la reconnaissance des
diplômes. Les ministres ont également évoqué la possibilité d'un plan d'action
dont l'exécution serait suivie par un comité technique.
Les
ministres des Transports se sont réunis à Nouakchott les 27 et 28 mars pour
évoquer un certain nombre de grands dossiers techniques: projet ciel ouvert,
transports des matières dangereuses par la route, harmonisation des permis de
conduire.
Enfin,
le Maroc vient d'annoncer une réunion des ministres de l'Intérieur. Son ordre
du jour tel qu'il est évoqué dans la presse permettra de prolonger les
discussions dans le cadre du 5+5 d'Alger, illustrant le souhait partagé sur les
deux rives de la Méditerranée d'une cohésion dans les travaux engagés dans
chacun des deux processus.
Les
différentes réunions organisées dans le cadre du 5+5 et de l'UMA témoignent
donc d'une reprise, mais ni l'une ni l'autre organisation n'a encore retrouvé
sa vitesse de croisière. Les perspectives évoquées sont importantes mais elles
doivent encore être traduites de manière concrète. Seule une véritable volonté
politique permettra de faire passer du stade déclaratoire à celui des
réalisations.
Par
Michel Roche - Consultant indépendant, associé au groupe d'analyse de JFC
Conseil. Source de l’article Kapitalis
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire