Président du Parlement européen depuis
janvier 2012, le député socialiste allemand (SPD) Martin Schulz, 58 ans, a
réussi à réunir le premier sommet des 43 présidents des parlements de l'Union
pour la Méditerranée. Plus qu'un succès, une refondation démocratique de l'UpM,
et peut-être une perspective de forte relance, dès 2014.
En décembre dernier, alors qu'il participe à
une conférence-débat organisée à Paris par l'Institut de prospective économique
de la Méditerranée (Ipemed), Martin Schulz, le président du parlement européen,
déclare sans détour que « l'Europe est encore en train de rater une chance
historique. Au Sud, ils essaient de transformer leurs sociétés sur la base de
valeurs que nous partageons, [alors qu'à Bruxelles] on réduit les moyens, c'est
la triste réalité (...) L'Union pour la Méditerranée [UpM] doit se transformer
en instrument de développement durable. Il faut donner à l'UpM des moyens
comparables à ceux dont bénéficient les pays de l'Est - Ukraine, Russie... -
dans le cadre de la politique dite de voisinage ».
Cette
vision d'un partenariat plus affirmé entre les deux rives de la Méditerranée,
Martin Schulz l'a à nouveau exprimée à Bruxelles, le 12 avril, dans son
discours d'ouverture de la IXe session plénière de l'assemblée parlementaire de
l'Union pour la Méditerranée (AP-UpM) : « Les gouvernements ne s'engagent pas
assez pour faire de la Méditerranée un espace de coopération », affirmait-il.
Une
refondation parlementaire de l'UpM
Un
message qui avait atteint son point d'orgue une semaine plus tôt, à Marseille
où, le dimanche 7 avril, Martin Schulz avait réuni le sommet des présidents des
parlements de l'Union pour la Méditerranée. Un événement sans pareil depuis le
sommet fondateur de l'UpM, à Paris, le 12 juillet 2008. Un événement encore
plus significatif, car tandis que Nicolas Sarkozy avait convié les gouvernants
- dont certains dictateurs de l'époque, ce qui a nui à la crédibilité de l'UpM
- Martin Schulz a rassemblé des élus. Et si certains le sont éventuellement
mieux que d'autres, du fait de systèmes d'élection démocratiquement plus ou
moins aboutis, tous sont bel et bien des élus.
C'est
pourquoi la Déclaration finale de ce sommet des présidents de l'AP-UpM de
Marseille revêt une légitimité jusqu'ici unique. Deux points essentiels peuvent
en être retenus, l'un politique et l'autre d'ordre économique.
D'abord,
si les présidents appellent globalement à renforcer les coopérations de toutes
sortes (économiques, universitaires, régionales, culturelles...), ils
inscrivent leurs propos dans le cadre par eux incontesté de l'UpM. Loin de
proposer une quelconque refonte de l'institution, ils appellent son Secrétaire
général - le diplomate marocain Fathallah Sijilmassi - à persévérer dans ses
efforts, car « la flexibilité [les coopérations à géométrie variable, ndlr] de
l'UpM fait de cette dernière un forum indispensable pour la promotion des
réseaux, des structures et de la coopération aux niveaux régional et
sous-régional », affirment-ils dans la Déclaration.
C'est
un premier acquis, politique : l'UpM, si décriée ces dernières années pour être
née d'une assemblée de gouvernants, a donc reçu lors de ce sommet l'onction
démocratique des présidents des 43 parlements qui la composent.
Tenir les - modestes - engagements
financiers
Concernant
cette fois la question du financement du partenariat Euromed, les présidents
invitent « les gouvernements à assurer les financements nécessaires et à
honorer les engagements qu'ils ont pris lors du sommet de l'UpM à Paris en
2008, et dans le cadre du partenariat de Deauville ».
Cette
invitation, pour sembler aller de soi, souligne en réalité le constat d'un
échec. En effet, on se rappelle que lors du sommet fondateur de 2008, sous la
pression d'Angela Merkel - qui s'était dès 2007 opposée radicalement à la
création de l'Union "de" la Méditerranée, le "de" renvoyant
aux seuls pays riverains - l'Europe n'avait consenti à l'UpM aucun financement
supplémentaire à ceux déjà engagés dans le cadre sa politique de voisinage. En
appeler au respect des engagements de 2008, c'est donc se référer à une
obligation pour le moins minimaliste.
Quant
au partenariat de Deauville lancé par le G8 au sommet de mai 2011, confirmé et
précisé au sommet de Camp David en mai 2012, il est censé mobiliser quelque 78
milliards de dollars (40 provenant du G8, et 38 des institutions
internationales) de financements pour le développement des six pays alors
labellisés « en transition démocratique » : Maroc, Jordanie, Libye et Yémen,
mais surtout Tunisie et Égypte, qui capteraient à eux seuls la moitié des
fonds.
Deux
ans plus tard, rien de vraiment concret n'a encore abouti, à l'exception d'un
fonds de transition de 250 millions de dollars. Et s'il est vrai que les
ministres des Affaires étrangères du G8 ont réaffirmé, jeudi 11 avril à
Londres, leur engagement en faveur des « pays en transition », il faudra encore
attendre la conférence de haut niveau de septembre prochain (après le sommet
2013 du G8, en juin) pour voir si l'on passe enfin réellement de la parole aux
actes - et à condition aussi que les pays concernés veuillent bien, car des
voix s'élèvent, notamment en Tunisie, pour dénoncer l'absence de débat
démocratique sur les conditions du partenariat, et l'excès de mainmise des
institutions internationales que celui-ci impliquerait sur la gouvernance du
pays, tant au plan économique que politique.
Un scenario optimim de relance de l'UpM
Dans
ce contexte, le fait que Martin Schulz ait réussi son sommet des présidents de
l'AP-UpM, donc en quelque sorte refondé l'Union pour la Méditerranée par la
voie - et la voix - parlementaire, lui confère-t-il un rapport de forces
suffisant pour faire bouger les lignes en faveur de l'Euromed, alors même qu'il
a désormais statutairement cédé sa place de président de l'AP-UpM au Jordanien
Saed Hayel Srour ?
La
question reste ouverte, car l'ami allemand de la Méditerranée passe
actuellement pour le favori de la future élection à la présidence de la
Commission européenne, en 2014. Une élection particulière, car pour la première
fois, conformément au Traité de Lisbonne de 2009, le « patron » de la
Commission ne sera pas nommé par les représentants des États, mais élu par les
parlementaires - ceux qui seront issus des élections prévues en mai 2014.
C'est
d'ailleurs là un autre signe de la montée en puissance du Parlement européen
qui, en mars dernier, a retoqué, pour la première fois, le projet de budget
européen. Certes, il ne s'agit encore que d'une simple résolution négative, le
vote définitif devant intervenir en juillet prochain, et sans doute d'ici là
beaucoup de compromis auront été actés. Il n'empêche : c'est ce Parlement dont
Martin Schulz est le président en exercice qui, s'opposant à un projet de
budget européen rétréci, a osé dire non aux gouvernants, usant pleinement ses
nouvelles prérogatives.
Martin
Schulz élu l'année prochaine président de la Commission, voilà un scenario
optimum pour une relance de l'UpM. Fort, car légitimé par le vote du Parlement
européen, "l'ami allemand" a encore déclaré récemment être «
profondément convaincu que l'avenir prospère de l'Europe passe également par
celui de la Méditerranée ». Et aussi qu'il est de ces élus qui croient que « la
politique a encore la capacité d'être une force de changement ».
Par
Alfred Mignot – Source de l’article La Tribune
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