La note de synthèse du rapport de l’institut pour la prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED), propose dans son rapport, récemment rendu public, intitulé « Vers une communauté euro-méditerranéenne de l’énergie » de « passer de l’import-export à un nouveau modèle énergétique régional ». Une « sortie audacieuse » qui remet à l’ordre du jour les croisements capitalistiques nord-sud.
Au cœur du« nouveau modèle » d’intégration énergétique nord sud méditerranée deux mouvements déjà engagés: une dépendance énergétique croissante de l’Europe et une transition énergétique qui va s’accélérer.
Un troisième phénomène, l’explosion de la demande énergétique dans les pays du sud, vient donner un autre contenu au partenariat euro-méditerranéen classique : « La demande d’électricité dans les pays de la rive sud pourrait tripler d’ici 2030 » estime la note de synthèse du rapport cosignée par Mourad Preure expert algérien et Jean-Louis Guigou délégué général de l’IPEMED. C’est à la fois le déficit structurel européen et la forte hausse de la demande de la rive sud qui devront construire les éléments d’un partenariat qui dépasse le modèle classique fournisseur-client. D’abord le déficit européen : le rapport de l’IPEMED voit la dépendance gazière européenne passée de 53% aujourd’hui à 80% en 2030. Elle devrait croître dans des proportions comparables vis-à-vis de deux des principaux fournisseurs de l’Europe en Gaz, la Russie - 23% des fournitures actuellement- et le Qatar (8%). Le rapport n’évoque pas le risque d’une plus forte dépendance à l’égard du gaz algérien, ce risque est implicitement inexistant, l’Algérie ayant des difficultés sérieuses à maintenir ses parts de marchés sur son marché traditionnel du sud de l’Europe. Facteur de précarité supplémentaire, la part des approvisionnements européens en gaz provenant du marché spot du gaz sera plus forte avec la montée en puissance des livraisons en GNL sur un marché mondial décloisonné. La volatilité des prix et l’insécurité des volumes disponibles seront plus importants dans une telle configuration en dépit de la multiplicité des offreurs. La note de synthèse du rapport insiste sur la préservation des contrats de long terme dans la construction des partenariats commerciaux dans le gaz naturel. « Dans ce type de contrats le risque volume est supporté par le producteur et le risque marché par le pays consommateur. Si les logiques de court terme dominent, le producteur supportant et le risque volume et le risque marché pourrait renoncer à investir pour créer les capacités nécessaires satisfaisant la demande future. Cela aurait pour conséquence de graves ruptures d’équilibre à long terme » conclut la note de synthèse.
La demande énergétique du sud, nouvelle donne
La recommandation de l’IPEMED pour la préservation d’une part importante de contrats à longs terme pour l’approvisionnement de l’Europe en énergie propose de transposer le modèle vertueux du gaz naturel vers l’électricité verte. La nouveauté dans le partenariat future est que les énergéticiens européens peuvent être associés au risque industriel sur l’amont producteur d’énergie sur la rive sud méditerranée. En effet les acteurs de l’énergie du sud auront du mal à faire face seuls aux besoins de leurs marchés domestiques en plein expansion. « D’importants investissements seront nécessaires pour générer de nouvelles capacités de production au sud (environ 200GW) ». C’est la que se trouve donc la nouvelle opportunité historique de la communauté euro-méditerranéenne de l’énergie. Le processus d’investissement pour la génération de nouvelles capacités électriques dans les pays sud méditerranée « doit s’accompagner par l’acquisition d’un savoir-faire technologique, et l’impulsion d’une dynamique de développement scientifique et technologique dans les énergies renouvelables englobant solidairement les entreprises de la rive nord et celles du sud de la Méditerranée occidentale ». La note de synthèse du rapport de l’IPEMED propose de prolonger ces dynamiques « dans l’émergence de nouveaux types d’acteurs énergétiques, champions industriels, PME innovantes, etc. implantées dans les deux rives ». Le rapport de l’IPEMED pense tenir dans la forte connexion des entreprises européennes avec les disciplines scientifiques fondamentales des métiers de l’énergie un avantage par rapport à leurs concurrents asiatiques. Elles ont besoin d’atteindre plus rapidement une taille critique de marché que la rive sud Méditerranée est en mesure de leur offrir. « Le sud de la méditerranée offre un ensoleillement unique en même temps qu’un marché exceptionnel nourri par la forte croissance attendue des besoins électriques. Le Maghreb peut ainsi devenir la pile électrique de l’Europe tout en créant un cercle vertueux qui entrainerait entreprises et universités des deux rives. Ce partenariat se traduirait par le déploiement de chaines de valeur entre les deux rives, impliquant énergéticiens du nord, compagnies pétrolières et électriciens du sud, PME et universités des deux rives ».
Sonatrach et l’intégration croisée avec un énergéticien du nord
La communauté euro-méditerranéenne de l’énergie tiens donc son cap sur la feuille de route. Elle peut se doter de sa pile électrique au Maghreb, dans une démarche séquentielle souhaitée par Mourad Preure « partir de l’occident méditerranéen puis aller vers l’Orient avec des modèles vertueux ». Reste le moteur qui transmet le mouvement à tout l’espace. L’IPEMED le voit clairement entre Alger et Paris. « l’Europe gagnerait à équilibrer ses besoins à long terme en agrégeant les sources et le potentiel solaire du sud méditerranéen.
Dans cette perspective stratégique, la France pourrait jouer le rôle de leader en jetant les bases d’une filière énergétique algéro-française ».
Les illustrations du nouveau partenariat plus inclusif que propose le rapport de l’IPEMED sont franco-algériennes. Exemple dans un rapprochement entre l’Institut Français du Pétrole et des Energies Nouvelles (IFP EN) et l’Institut Algérien du Pétrole de Sonatrach dans le cadre d’un partenariat stratégique dans des domaines en plein essor (production du gaz naturel (conventionnel et non-conventionnel), liquéfaction du gaz, centrales hybrides, centrales solaires, etc) ».
Le rapport va plus loin et propose de « prolonger les perspectives de dynamiques d’intégrations croisées entre une compagnie nationale comme Sonatrach et des énergéticiens de la rive nord ». Les arguments pour cela sont évidents : « L’Algérie disposant en même temps de l’ensoleillement et des réserves en gaz pourrait développer dans le cadre de ce Nouveau Partenariat Énergétique avec l’Europe des centrales hybrides solaire/gaz »
Par El Kadi Ihsane - Source de l'article Maghrebemergent
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