Du 28 septembre 2016 au 1 octobre 2016
C´est en 1995, lors de la conférence euro-méditerranéenne qui a réuni à Barcelone les ministres des affaires étrangères des pays membres de l’Union Européenne et ceux de ses voisins outre-méditerranéens, qu´est né le partenariat euro-méditerranéen. Celui-ci avait pour but de transformer le bassin méditerranéen en espace de paix, de stabilité et de prospérité commune.
Vingt ans plus tard, les objectifs formulés à cette occasion paraissent plus éloignés que jamais. En effet, la Méditerranée se présente à l´heure actuelle comme un espace de conflits multiples, la mer se voyant attribuer le rôle d´une barrière naturelle permettant à l´Europe de garder l´Afrique à distance. C´est la conclusion à laquelle arrive notamment l’historien David Abulafia dans son étude approfondie de l’Histoire de la Méditerranée : « Les mers unissent et séparent (les continents), à certaines époques elles sont lieux d’échanges, à d’autres lieux de conflits. La Méditerranée, qui a relié tout au long de son histoire trois continents, est aujourd’hui une frontière qui sépare ces continents. » (David Abulafia, Das Mittelmeer. Eine Biographie, 2014, 810)
Parallèlement aux politiques des années 1990 menées pour stabiliser et pacifier l´espace méditerranéen mais aussi intensifier les échanges entre ses rives Nord et Sud, un débat intense a été initié en France par des chercheurs en littératures et cultures. C´est dans ce contexte que le spécialiste de l´espace méditerranéen Thierry Fabre a publié son ouvrage clé intitulé La Méditerranée créatrice en 1994. Fabre s’y prononce en faveur d’une « renaissance de la Méditerranée », d’un avenirautre de cette région, qui résulterait d´une découverte ou prise de conscience de sa « dimension créatrice ». Le volume contient – en plus de l’introduction de Thierry Fabre – des articles d’autres ‘Méditerranéens’ comme Predrag Matvejevitch, Baltasar Porcel, Mohamed Kacimi et Salah Stétié. Malgré des approches différentes et des prises de positions bien marquées, les auteurs s´accordent sur le fait que la Méditerranée n´est pas uniquement une ligne de rupture, mais qu´elle représente aussi un espace de création commun disposant d´un potentiel qui lui est propre. Dans sa récente monographie Éloge de la pensée de midi (2007), Thierry Fabre n´hésite pas à évoquer les foyers de crise méditerranéens ou encore la « forteresse Europe » tout en défendant par ailleurs son utopie d’un monde méditerranéen polyphone qui se superposerait aux frontières nationales, continentales et culturelles : un « troisième monde, le monde méditerranéen », où fleurit l’« imagination créatrice ».
Sur fond d´événements politiques et de réflexions intellectuelles, des auteurs et cinéastes francophones des deux rives abordent, dans leurs œuvres, le thème de la Méditerranée et cela de façons très diverses. Nombreux sont les auteurs qui thématisent dans leurs fictions l’immigration illégale, ses causes et ses conséquences (p.ex. M. Binebine, T. Ben Jelloun), et qui questionnent la mise en place de frontières mais aussi leur modification et déconstruction. D’autres auteurs insistent davantage sur ce qui relie les deux rives de la Méditerranée (cultures, religions, traditions, nourriture, etc.) et développent la vision d´un « monde méditerranéen » pluriculturel et polyphone (p.ex. A. Maalouf, M. Mokeddem). Dépassant ces deux pôles, le roman de Mathias Énard Zone (2008) fait quant à lui des conflits historiques et actuels ainsi que des lignes de rupture de l´espace méditerranéen les éléments constitutifs de ce dernier.
La session se propose de discuter les mises en scène littéraires et filmiques de la Méditerranée, comme ligne de partage et espace d’échanges, telles qu´elles apparaissent dans certains textes et films francophones (= de langue française) des deux dernières décennies (1995-2016). Les particularités de la frontière que constitue la Méditerranée seront au centre de notre intérêt, particularités qui résultent de son état (une mer), de sa situation géographique (entre trois continents, cultures et religions) et de son histoire mouvementée. Les analyses iront de pair avec des réflexions théoriques sur la frontière en général et la Méditerranée en particulier.
Les questions suivantes guideront nos réflexions :
Quelles fonctions sont attribuées à la Méditerranée dans les textes littéraires et les films choisis mais aussi quel potentiel revêt-elle ? Quelles significations lui attribue-t-on encore en tant que frontière et espace frontalier ?
Comment les textes littéraires et les films discutent-ils la frontière ou la mise en place des frontières, comment mettent-ils en scène la traversée de la mer, comment négocient-ils le thème du passage des frontières mais aussi de leur déplacement jusqu’au cœur de l’Europe ?
Quelles images servent à traduire la Méditerranée comme espace frontalier ? Quels sont les moyens esthétiques dont se servent les auteurs et cinéastes pour le dépeindre, comment est racontée son histoire commune, comment sont représentées les identités méditerranéennes ?
À quelles stratégies esthétiques les auteurs et cinéastes recourent-ils pour mettre en scène la frontière et son caractère constructif, comment traduisent-ils l’espace frontalier ? De quels genres se servent-ils, les thèmes mentionnés sont-ils traités différemment dans le roman, le théâtre, la poésie, la chanson, le film ? Comment une frontière est-elle ‘construite’ au niveau textuel, comment se traduit sa déconstruction ?
Dans quelle mesure les textes et films contemporains se réfèrent-ils à des œuvres littéraires et filmiques ainsi qu´à des discours sur l´espace méditerranéen les ayant précédés ?
Les propositions de contribution d’environ 300 mots ainsi qu’une courte bio-bibliographie précisant la fonction et le rattachement institutionnel actuels devront parvenir par courriel aux responsables de l’atelier avant le 31 décembre 2015 : Birgit Mertz-Baumgartner, Institut für Romanistik, Universität Innsbruck (birgit.mertz-baumgartner@uibk.ac.at) / Beate Burtscher-Bechter, Abteilung für Vergleichende Literaturwissenschaft, Universität Wien (beate.burtscher-bechter@uibk.ac.at).
Les frais de déplacement et de logement sont à la charge des participant(e)s.
Source de l'article Fabula
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