La valorisation des déchets peut-elle jouer un rôle prépondérant dans le développement économique des pays méditerranéens ? Une approche originale, mais non dépourvue d'effets. C'est l'objet du programme Med 3, examiné à la Villa Méditerranée de Marseille, lors de la récente Semaine économique de la Méditerranée.
Des étudiants jordaniens visitent l'exposition de déchets plastiques "Sea, la dernière étape" organisée en novembre 2014 dans la capitale, Amman, afin de sensibiliser la population à la protection de l'environnement marin. (Crédits : Reuters) |
Il y a les statistiques, et il y a les actions. Niveau chiffre, en voilà un plutôt significatif : les déchets municipaux sont deux fois plus importants en Europe qu'au Maghreb. Sauf que la proportion de production de ces déchets dans les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée, a augmenté de 15 % en dix ans, majoritairement causée par l'évolution des économies de ces pays. Se pose alors une question évidente : comment les traiter ?
Un programme euroméditerranéen initié par la métropole niçoise
D'où la mise en place d'actions : plutôt que de chercher à valoriser, chacun, tout seul dans son coin, c'est le dialogue et l'échange qui ont été préférés. L'objectif est d'encourager bien sûr la valorisation mais d'y ajouter également une dimension économique plus large qui prend en compte le développement des territoires.
C'est ainsi la philosophie du programme Med 3, piloté par la Métropole Nice-Côte d'Azur et qui rassemble pas moins de 33 partenaires venus de 11 pays différents et dont le budget - 4,7 millions d'euros - est financé à hauteur de 90 % par l'Union européenne. Son objectif est simple : mettre en place des initiatives innovantes, capables - et c'est bien là le plus important - de se pérenniser.
En Tunisie, la ville de Sfax se lance dans le recyclage
C'est comme cela qu'a été organisée la réhabilitation d'un site de recyclage à Sfax, deuxième ville et centre économique de la Tunisie, pays où 68 % des déchets sont d'origine organique.
La municipalité, associée au laboratoire d'analyses et de recherche de l'Institut préparatoire aux Études d'ingénieurs de Sfax (IPEIS) a acquis une ligne de tri, l'IPSEIS prenant en charge son exploitation. Conséquence : 50 % des déchets ménagers sont ainsi traités par extraction de la fraction organique, permettant de mettre au point un plan de gestion global desdits déchets.
« Il y a une vie après le programme, lorsque celui-ci s'arrête »,précise Mounir Medhi, le président de la commission de la santé, de la propreté et de la protection de la municipalité de Sfax, venu début novembre à Marseille pour participer à la Semaine Economique de la Méditerranée, et qui ne cache pas que l'étape suivante est de « passer à la privatisation » de l'outil.
En Jordanie, la chasse aux sacs plastiques
Autre exemple : à Aqaba, en Jordanie, c'est un vaste plan de réduction de la consommation des sacs plastiques qui a été entrepris. Deux chiffres illustrent bien la problématique : dans le monde, 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, et seules 5 % sont recyclés ; en Jordanie, pays touristique, ce sont 30 millions de sacs qui sont distribués annuellement.
Prenant le problème à bras-le-corps, l'Autorité de la Zone économique spéciale d'Aqaba a mis en place ApreWaM (pour Aqaba Preventive Solid Waste Management), soit un plan de gestion préventif des déchets et des sacs plastiques, qui s'est traduit par la distribution de sacs réutilisables dans les grandes surfaces et surtout par un soutien logistique aux chiffonniers.
Cette prise en compte globale du fonctionnement des déchets a porté ses fruits, l'Autorité de la Zone économique spéciale d'Aqaba préparant sur le sujet une réglementation pour faire de la cité jordanienne une ville sans sacs plastiques. Ambitieux. Mais en même temps révélateur d'un réel potentiel, si tant est que l'on éduque, encourage, explique et accompagne les bonnes volontés.
D'ailleurs, les exemples dans d'autres villes du pourtour méditerranéen sont pléthore. Cela montre surtout, comme l'a souligné à Marseille, Isabelle Raeser présente elle aussi à la Semaine économique de la Méditerranée, qu'il y a plus que l'action de recycler dans ces démarches. Et la directrice de la collecte et de la gestion des déchets de la Ville de Nice de préciser que désormais, « aux 3 R habituels - recycler, réduire, réutiliser - il faut désormais ajouter reconcevoir et redesigner ».
Par Laurence Bottero - Source de l'article La Tribune
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