Face à l'urgence de la catastrophe humanitaire qui meurtrit les pays du Sud, le développement de l'économie sociale et solidaire (ESS) appara^it comme l'une des pistes d'action à privilégier pour acter un développement plus inclusif qui profite au plus grand nombre, et faire que la création de la valeur ajoutée économique ait lieu dans le respect des principes de durabilité et de solidarité. Par Gérard Andreck, Jean-Louis Bancel, Philippe Da Costa et Amal Chevreau, membres du CA de l'Association MedESS.
Ratio des coopératives pour 10 000 personnes, des deux côtés de la Méditerranée. (Crédits : DR) |
Les images de certains pays du Sud de la Méditerranée et d'Afrique montrent des hommes, des femmes et des enfants en détresse, prêts à braver tous les dangers pour trouver asile et refuge dans des pays qu'ils considèrent stables, sûrs et surtout porteurs d'espérance. Devant cette crise humanitaire, tous les pays semblent démunis, car sans un traitement du mal à la racine, cette crise humanitaire risque de s'aggraver et la déferlante de réfugiés et de migrants que craignent l'ensemble des décideurs politiques d'Europe et des pays du Sud ne va pas s'arrêter.
L'urgence de l'inclusion et d'une démarche de droit pour un développement durable
Cette catastrophe humanitaire qui intervient dans un contexte de crise économique et sociale en Europe, de transitions multiformes (politiques, économiques, sociales, culturelles et cultuelles) au Sud et de montée du terrorisme intégriste qui frappe sans distinction les populations du Nord et du Sud, rappelle que l'urgence est à l'amélioration des conditions de vie des populations, en adoptant une approche de droit et de respect de l'humain. Et aussi à la nécessité d'assurer une stabilité durable par la voie démocratique dans les pays du voisinage Sud de l'Europe.
L'urgence est double : rendre plus inclusif le développement afin qu'il profite au plus grand nombre et faire que la création de la valeur ajoutée économique ait lieu dans le respect des principes de durabilité et de solidarité.
L'économie sociale et solidaire (ESS) agit, de par son objet, son mode de fonctionnement et ses outils, en faveur d'un développement social et sociétal, tout en apportant de la valeur ajoutée économique. C'est un secteur qui a historiquement corrigé les fortes inégalités économiques et sociales que produisent toutes les sociétés humaines. En France, c'est un secteur en pleine expansion (10% du PIB et plus de 2 millions de salariés) avec une loi qui l'encadre, spécifiquement depuis juillet 2014 et des institutions et des réseaux dédiés au niveau national et reconnues au niveau international. La loi est porteuse d'acquis multiples : reconnaissance institutionnelle du secteur, développement des territoires, pérennisation des activités, entre autres acquis qui confirment la place de l'ESS en tant que secteur porteur de changements.
Les pays du Sud s'organisent pour créer des écosystèmes sociaux et solidaires
L'ESS permet d'inventer de nouvelles voies de création et de répartition de la richesse, de nouvelles manières de consommer et surtout de nouvelles formes de participation des citoyens au processus de production de la richesse. Elle contribue à apporter des réponses multiples aux défis du développement, à condition que soit mis en place l'écosystème institutionnel, légal et financier permettant son émergence et son essor.
Selon les rapports produits par IPEMED et le FEMISE , si le poids de l'ESS est encore faible dans les pays du Sud de la Méditerranée (1 % à 2% du PIB), il n'en demeure pas moins que c'est un secteur fortement créateur d'emplois (4 % de la population en emplois directs) et marqué par l'activité des coopératives agricoles, ce qui le rapproche en ce qui concerne ce dernier point, de ce qui se passe encore en Europe.
De plus, les transitions politiques et économiques en cours au Sud, semblent favoriser l'essor de l'ESS du fait de l'émergence d'une pluralité d'acteurs qui souhaitent s'investir dans ce champ et de par l'urgence de créer des emplois pour les jeunes.
Le Maroc est le pays le plus avancé dans cette voie, en raison de la structuration des activités du secteur par des lois spécifiques aux acteurs historiques telles que les mutuelles, les assurances, les coopératives et les associations et du fait d'initiatives visant à lutter contre la pauvreté (Initiative de développement humain, INDH). Une réflexion a également été menée par le CESE du Maroc qui a abouti à une recommandation suivie par le gouvernement du Maroc, à savoir le lancement du processus de mise en place d'une loi cadre.
Son expérience en matière d'ESS, le Maroc en fait un élément de soft power en Afrique subsaharienne, dans le cadre d'une coopération Sud-Sud et par le biais d'accords signés avec différents pays africains.
Bâtir des ponts sociaux et solidaires entre l'Europe et les pays du Sud
L'ESS peut être un formidable levier de coopération entre l'Europe et les pays du Sud. Plusieurs structures sociales et solidaires européennes se sont internationalisées et se sont fortement implantées ces dernières années au Sud. C'est un secteur qui peut bâtir des ponts sociaux et solidaires entre l'Europe et les pays du Sud mais pour cela, il est nécessaire d'envisager d'inclure l'ESS comme axe de collaboration clé de la nouvelle Politique Européenne de Voisinage (PEV) et de proposer aux pays du Sud de partager un référentiel commun, notamment autour du statut de l'entreprise sociale et solidaire pour permettre la mobilisation de fonds européens et locaux.
Des structures de financement propres au secteur de l'ESS pourraient également contribuer fortement à développer ce secteur au Sud en raison de leur gouvernance, de leur résilience face aux chocs externes et de leur connaissance des besoins des entreprises sociales et solidaires notamment dans les phases d'amorçage et de consolidation. Telle est la mission du nouveau fonds de développement, intitulé CoopMed.
De même qu'une action de plaidoyer permanent pour sensibiliser les décideurs politiques et économiques et favoriser la mise en pace de projets est un axe majeur qui permet de faire converger l'Europe et les pays du voisinage Sud autour de l'ESS.
C'est tout le sens de l'initiative MedESS, qui vise à promouvoir et à développer l'ESS sur le bassin méditerranéen.
Par Amal Chevreau - Source de l'article La Tribune
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