Le crash de l'avion russe dans la péninsule du Sinaï, qui a fait 224 morts, est un nouveau coup dur porté à l'industrie du tourisme en Egypte. La menace terroriste n'épargne aucun pays du sud du bassin méditerranéen. Terrorisme contre tourisme, une arme efficace entre les mains des groupes jihadistes.
« Les vacanciers font la différence entre un risque fort, associé aux destinations du Maghreb, et un risque plus limité vers les destinations occidentales. Il y a une vraie défiance qui s’accentue mois après mois, à l’égard des pays arabes du pourtour méditerranéen. » Le constat de Didier Arino, directeur de Protourism, est sans appel. L’industrie du tourisme est clairement une cible et le crash de l'Airbus russe A321 en Egypte risque d'anéantir tout espoir de reprise du secteur.
Car si l'hypothèse d'un attentat se confirme, la situation va s'aggraver pour son industrie touristique, activité qui représente environ 10% de son PIB, et emploie 12% de la population active. Depuis le crash, les professionnels ont déjà enregistré 40% d'annulation. Un coup dur pour l'Egypte, pays d'origine de l'écrivain Robert Solé : « L’Egypte a beaucoup investi pour le tourisme ces dernières années, des hôtels, des aéroports, des autoroutes. Or le nombre de touristes a baissé depuis les évènements depuis 2011, date du printemps arabe. En 2014, il y a eu dix millions de touristes seulement contre quinze millions en 2010. »
Une crise de confiance qui risque de perdurer
Le tourisme n'est pas le seul secteur affecté. Le climat des affaires souffre également de l'instabilité provoquée par les actes terroristes, et les investissements en pâtissent. David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique, redoute des répercussions à long terme : « Il faut être réaliste, l’industrie touristique de la rive méridionale de la Méditerranée est très compromise, à échéance d’une décennie. Tant que la situation ne s’est pas plus ou moins stabilisée, et c’est loin d’être le cas, il faudra attendre longtemps avant de voir de nouveau de nombreux touristes, européens notamment, visiter ces pays, comme c’était le cas avant. »
L'Egypte n'est pas le seul pays concerné, ses voisins de la rive sud-méditerranéenne le sont également. C’est le cas de la Tunisie. Le pays qui a misé sur le tourisme de masse a enregistré une forte chute de ses fréquentations depuis l'attentat de Sousse où 38 touristes ont été tués. Selon les autorités tunisiennes ce drame a coûté 500 millions de dollars au secteur du tourisme.
Une clientèle européenne indispensable à l'économie
En revanche, le Maroc fait figure d'exception, bien qu'il ait déjà été touché par le passé. Le tourisme qui représente 8% du PIB se porte plutôt bien. Du fait des problèmes dans la zone, le royaume bénéficie de report des réservations, mais cela ne veut pas dire que le pays soit une destination sans risque. « On peut penser que les services de sécurité marocains bénéficient d’une compétence qui leur permet pour l’instant de circonscrire le risque potentiel, tout en sachant qu’en terme d’effectifs, il y a une représentation importante des Marocains d’origine dans l’Etat islamique, puisqu’ils sont juste derrière les Tunisiens. Si le Maroc fait figure de havre de paix, on ne peut pas exclure qu’il soit également touché un jour ou l’autre par ce type de phénomène », estime David Rigoulet-Roze.
L'Egypte et la Tunisie ont perdu plus du tiers de leur fréquentation en deux ans, et près de 50% des vacanciers provenant des pays occidentaux. Selon Didier Arino, la clientèle perdue ne peut pas être remplacée par un tourisme régional : « On n’est pas du tout sur les mêmes segments, sur les mêmes marchés, et aujourd’hui rien ne remplacera la clientèle moyenne gamme européenne pour ces destinations. En aucune manière ces clientèles ne peuvent représenter un tel volume, et de telles retombées économiques, pour faire vivre le tourisme. »
Les attentats à répétition poussent les vacanciers à se tourner vers des destinations plus sûres comme les pays du sud de l’Europe, et pour les plus lointaines : l’Asie, l’Amérique du sud et la zone des Caraïbes.
Par Patricia Lecompte - Source de l'article RFI
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