La dépendance de la région aux importations agricoles peut atteindre 50 % d’ici à 2050, selon l’Inra. L’ampleur du changement climatique aggravera la situation.
Si rien ne change, les pays d’Afrique du Nord, du Proche-Orient et du Moyen-Orient pourraient devoir importer la moitié des denrées indispensables à leur alimentation à l’horizon de 2050. Avec une population amenée à augmenter de 50 % d’ici là, cette région à la géopolitique complexe, déjà l’une des plus dépendantes des importations agricoles dans le monde, fait face au défi de la sécurisation de ses besoins alimentaires. Et encore ne s’agit-il que du scénario tendanciel d’une étude menée par les chercheurs de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique), et réalisée pour le compte de Pluriagri, association française formée par des acteurs des filières des grandes cultures et par Crédit Agricole.
Si les effets du changement climatique s’accentuaient dans cette vaste zone plus exposée que d’autres, la dépendance alimentaire risquerait d’être encore plus importante. Le Maghreb serait très fortement touché, l’Inra y décrit une « situation préoccupante » : les pays du nord de l’Afrique verraient les perspectives de rendement plonger et perdraient 50 % de leurs surfaces cultivables. En 2050, leurs importations nettes approcheraient les 70 %. Tous les produits agricoles seraient affectés, et les productions animales encore davantage, souligne la directrice de recherche Chantal Le Mouel.
Ampleur des volumes en jeu
« On sait les risques qu’il y a, pour les Etats comme pour les économies, à atteindre de tels niveaux de dépendance : déséquilibre des balances commerciales, alourdissement potentiel des dettes d’Etat, exposition forte aux fluctuations des marchés mondiaux, crises alimentaires récurrentes, etc. », avisent les auteurs de l’étude. Ils estiment en outre que l’ampleur des volumes de produits agricoles en jeu risque de peser sur les marchés internationaux et sur les prix auxquels s’échangent des matières premières agricoles essentielles comme le blé. Dans le cas d’un changement climatique plus violent, les chercheurs jugent en effet possible de voir doubler le volume de blé importé.
Au cours des cinquante dernières années, les importations de blé, premier produit agricole importé par l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, ont déjà grimpé de 5 à 44 millions de tonnes. Les autres produits phares des régimes alimentaires ont connu des tendances similaires. Le volume de plantes sucrières achetées à l’international a été multiplié par 15, celui des produits oléo-protéagineux, par 30. La production végétale de la région a beau avoir quadruplé, elle n’a pas suivi l’explosion de la demande due en large part à l’accroissement démographique et aux changements des habitudes alimentaires lié au développement économique et à une urbanisation très rapide.
Réduction du gaspillage
« Freiner l’évolution de cette dépendance devient donc impératif », conclut l’Inra. Comment ? Avec des politiques publiques et des investissements mettant l’accent simultanément sur les progrès techniques, sur la réduction des gaspillages et des pertes présents tout au long de la chaîne en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, ainsi que sur une incitation des habitants à opter pour un régime méditerranéen plus pauvre en viande . Toutefois, la façon la plus efficace de lutter serait, d’après l’Inra, de limiter le changement climatique, ce qui suppose, là encore, un engagement politique.
Par Muryel Jacque - Source de l'article les Echos
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