La gestion des ressources a tenu une place fondamentale lors de la conférence qui s'est tenue récemment sur les politiques environnementales mises en place au Liban.
Une réflexion sur les enjeux environnementaux actuels au Liban et la mise en place de solutions pour amoindrir les effets du dérèglement climatique, notamment au niveau des ressources hydrauliques, tels étaient les objectifs d'une conférence intitulée « Au-delà du Sommet de Paris (COP21 : les politiques d'adaptation dans la région méditerranéenne », tenue il y a quelques jours à Dbayé, à l'initiative de la direction générale du ministère de l'Énergie et de l'Eau. Des objectifs qui ont été fixés par le directeur général, Fadi Comair, par ailleurs président d'honneur de l'Organisation du bassin méditerranéen, dans son discours d'inauguration.
Différents experts des politiques environnementales mises en place dans le monde méditerranéen, et plus particulièrement au Liban, ont exposé la capacité du pays à s'inscrire dans une logique de durabilité, en travaillant avec des partenaires sur la route tracée par la COP21, qui va être complétée par la COP22 à Marrakech en novembre prochain. Sur la liste des partenaires, on trouve l'Union européenne (UE), qui injecte chaque année 180 milliards d'euros dans le domaine de l'environnement, dont une partie au Liban, a précisé la déléguée de l'UE, Christina Lassen.
L'ambassadeur de France, Emmanuel Bonne, a estimé pour sa part que « l'accord de Paris est un consensus historique qu'il faut transformer en résultat opérationnel pour sauvegarder les ressources hydriques, qui vont devenir de plus en plus importantes au fur et à mesure de l'augmentation de la démographie et du réchauffement climatique. L'impact économique et humain sera de taille ».
Tous les intervenants se sont accordés pour dire que la hausse des températures va immanquablement entraîner un renforcement des sécheresses et des inondations extrêmes, ce qui mènera à des conflits de ressources et à des déplacements de population. Selon Jean-François Donzier, directeur général de l'Office international de l'eau, le problème d'approvisionnement en eau représente une véritable « bombe à retardement », dont les effets les plus dévastateurs se feront ressentir dans quelques années si la situation n'évolue pas rapidement. C'est donc dès maintenant qu'il faut mettre en place des politiques durables et économiquement viables.
Le tri des déchets a également tenu une place importante à la conférence, car il joue un rôle majeur dans la préservation de l'eau.
Par ailleurs, M. Donzier a indiqué que le réchauffement climatique prive le Liban d'une partie de sa neige hivernale, qui constitue une part importante des réserves d'eau du pays. Aujourd'hui, l'objectif est de composer avec toutes ces contraintes pour préparer l'avenir. « Le mouvement enclenché à Paris lors de la COP21 est ambitieux et puissant », a souligné M. Bonne, encore faut-il avoir la volonté de lui emboîter le pas.
L'exemple du bassin de la rivière de Nahr el-Kalb a été exposé : le manque de régulation y est tel que le plus grand et le plus riche bassin d'eau douce libanais est menacé. Sans la mise en place d'une autorité réglementant la pollution par les pesticides, les stations d'essence, les fosses septiques et les déchets en tous genres, les ressources de la rivière pourraient bien devenir inutilisables. Le Liban, qui est pourtant qualifié de « château d'eau du Moyen-Orient », est en train de se tirer une balle dans le pied.
La situation n'est toutefois pas sans remède, comme l'a fait remarquer M. Comair, en citant l'écrivain Amin Maalouf : « À de nouveaux défis de nouvelles solutions. »
M. Donzier propose dans le cadre de la COP21 des solutions pour adapter les politiques de gestion des ressources en eau, via les aquifères. Les bassins naturels, dans lesquels l'eau des montagnes s'écoule en surface ou sous terre, constituent une réserve colossale dont on peut tirer parti. À partir d'une bonne connaissance de ces bassins, il est possible de gérer les réserves correctement et en adéquation avec les évolutions climatiques. Il convient également de mettre en place un mécanisme de financement durable et des organismes de gestion responsables autour de ces bassins. À condition, pour les réserves transfrontalières qui peuvent s'étendre sous de nombreux pays (jusqu'à 18), que les États s'entendent sur la politique à suivre. La résolution du problème passera donc en partie par la paix.La conférence était organisée sous le parrainage (et en présence) du ministre de l'Énergie et de l'Eau, Arthur Nazarian, et en collaboration avec le ministère de l'Environnement, l'Office international de l'eau, le Réseau international des organismes de bassins (RIOB) mondiaux et méditerranéens, l'Escwa, le Centre libanais pour la conservation de l'énergie et le Centre régional de l'énergie renouvelable et l'efficacité de l'énergie.
L'opposition de Green Globe aux incinérateurs
Soixante millions de dollars : c'est le coût avancé par Samir Skaff, président de Green Globe, une association environnementale, pour une solution viable et durable à la crise des déchets. À l'occasion de la conférence sur les politiques environnementales mises en place au Liban après la COP21, à Dbayeh, Samir Skaff s'est exprimé en présence du directeur général du ministère de l'Énergie et de l'Eau, Fadi Comair. Sur ces 60 millions de dollars, 38 millions seraient consacrés à la création de 25 centres de traitement et usines de tri et 22 millions à la réhabilitation de décharges pour les déchets non recyclables. Des constructions réalisables en moins d'un an, de fabrication libanaise, ce qui pourrait entraîner la création de milliers d'emplois, selon lui.
« Si nous voulons résoudre la crise des déchets, il faut investir dans le recyclage », lance Samir Skaff à l'assemblée, rappelant aussi que plus de 50 % des déchets sont de nature organique et peuvent donc être compostés pour servir de fertilisants agricoles. Il propose des subventions aux écoles techniques pour développer le recyclage des déchets électroniques. Les matières premières récupérées comme les métaux deviennent ainsi une source de revenu et d'exportation.
Aujourd'hui, la priorité du Green Globe est d'assainir les rues de la capitale gorgées par près de 400 000 tonnes de déchets et de protéger les habitants des risques sanitaires. En accord avec le plan du gouvernement publié le 12 mars dernier, Le président de l'association propose de rouvrir la décharge de Naamé pour stocker temporairement les déchets durant l'été avant de les trier et d'enfouir les déchets organiques. Les carrières abandonnées doivent aussi servir de décharge. Afin de laisser la fermentation naturelle se faire et d'éviter la prolifération des bestioles, les déchets devraient être enfouis dans des sacs hermétiques.
Une feuille de route titrée « le recyclage », signée par plus de 250 ONG et groupes, a été récemment remise au gouvernement pour proposer une alternative plus efficace et écologique au plan des pouvoirs publics jugé insuffisant par l'association Green Globe. « Ce plan ne mentionne aucun tri des déchets ni à la Quarantaine ni à Amroussiyé », s'insurge l'écologiste. Samir Skaff se dit fermement opposé à la construction d'incinérateurs d'un point de vue économique, avec un coût de construction considérable, près d'un demi-milliard de dollars pour traiter 2 500 tonnes de déchets par jour et une installation qui nécessite 3 à 4 ans.
« Ce projet serait responsable d'un choc environnemental fort dû aux émissions de gaz rejeté », affirme t-il.
Pour imposer le recyclage immédiat et le tri au secteur privé, au secteur public et aux citoyens, Samir Skaff souhaite « de nouvelles lois environnementales » et un suivi judiciaire pour s'assurer de leur application. Un conseil national indépendant pour la gestion des déchets devrait également voir le jour, selon lui, pour lutter contre la corruption. En parallèle, il préconise des campagnes de sensibilisation nationales et locales visant la population et surtout la jeunesse.
Par Maylis DARRAS et Benoît DURAND - Source de l'article l'Orient le Jour
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