Marché majeur du Maghreb, l'Algérie a une dimension économique plus qu'appréciable pour la France. Autant pour les grandes entreprises que pour les petites.
La France reste le premier investisseur hors hydrocarbures de l'Algérie, selon l'ambassade de France à Alger, et le premier employeur étranger en Algérie,avec 40 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects, pour environ 400 sociétés implantées – dont une trentaine de grandes entreprises. Les principaux secteurs porteurs d'emplois et d'activité : la finance (avec la Société générale et BNP Paribas), les transports (avec notamment la présence d'Air France), le domaine maritime (CMA-CGM, emploie 400 personnes), l'hôtellerie-restauration (Accor, Sodexo, Newrest) ou encore la distribution automobile à travers Renault et Renault Trucks.
Des échanges commerciaux encore limités
En revanche, comme le souligne l'économiste Abderrahmane Mebtoul, « les échanges entre l'Algérie et la France se limitent essentiellement aux hydrocarbures pour la partie algérienne, et aux services, notamment bancaires, l'agroalimentaire, les produits pharmaceutiques et les produits issus de l'industrie automobile pour la partie française ». « Il y a effectivement des aspects politiques qui freinent ces échanges. Certes, les échanges commerciaux sont en hausse, mais demeurent figés dans leurs structures et sont dérisoires comparés aux exportations et importations des deux pays. La France, dans bon nombre d'affaires en Algérie, est devancée par l'Espagne, l'Italie et la Chine qui prennent des parts de marché de plus en plus en plus importantes. »
Omar Berkouk, expert en investissements, sollicité par Le Point Afrique, replace les données dans leur contexte : « Il est normal que la Chine soit mieux classée que la France : l'Algérie devait importer de manière très diverse et massive pour satisfaire des besoins importants, mais aussi lancer des grands projets d'habitat et d'infrastructures, comme les routes par exemple. À part les Chinois, rares sont les pays qui peuvent répondre à ses demandes aussi vite et à un coût aussi concurrentiel. »
L'industrie reboostée par Renault et Peugeot
Grâce à l'ouverture récente des usines de montage Renault et Peugeot, l'expert relève que « la France en Algérie est au top dans l'industrie, c'est pour cela que l'approfondissement de la relation économique avec l'Algérie dépend de notre propre stratégie industrielle. Nous devons dire clairement à nos partenaires français ce que nous voulons faire dans ce domaine, ou dans le domaine des technologies de pointe. Pour résumer, si vous voulez construire des milliers de logements très vite et pas cher, adressez-vous aux Chinois, mais si vous voulez lancer une station spatiale, adressez-vous aux Français. »
Cette dynamique industrielle devrait pouvoir capter l'intérêt d'un plus grand nombre d'investisseurs. Car l'Algérie, malgré un environnement juridique jugé instable et un régime bancaire désuet, peut, selon les analystes, se prévaloir d'atouts non négligeables. La proximité géographique des marchés potentiels d'Europe, d'Afrique et du Moyen-Orient, la taille du marché intérieur estimé à environ 41 millions de consommateurs en 2017, des richesses naturelles importantes (pétrole, gaz), ainsi que d'autres ressources minérales non négligeables, peu ou pas exploitées, notamment le phosphate, le fer et l'or, des ressources humaines en grande partie jeunes, qualifiées et abondantes, et de confortables réserves de change à plus de 100 milliards de dollars. À tout cela, il faut encore ajouter… la langue commune, souligne Omar Berkouk. « Le français est un facteur de proximité entre les deux pays, les deux sociétés. »
La carte PME pour consolider les échanges
Mohamed Skander, 36 ans, chef d'entreprise et président de Jil'FCE (la section jeunesse du Forum des chefs d'entreprise) en est persuadé : « Le grand défi du partenariat Algérie-France, c'est le développement du tissu des PME, véritable créateur d'emplois. Malheureusement, les PME françaises ne s'intéressent pas à Algérie, car elles ne connaissent pas ce pays, contrairement à la Tunisie ou au Maroc. Il y a une appréhension de l'Algérie, bâtie souvent sur des mythes. Il est urgent que, du côté français, on lève ces a priori », poursuit le jeune entrepreneur.
À ses yeux, il faudrait aussi que les PME algériennes se mettent à niveau pour devenir des partenaires solides pour leurs homologues françaises. Mais cet effort devra aussi s'accompagner de réformes plus profondes. « La réussite du partenariat national et international entre l'Algérie, la France ou d'autres pays, n'est pas réalisable sans une gouvernance centrale et locale rénovée, une vision cohérente se fondant sur des réformes structurelles politiques, sociales, économiques dont le marché financier, le marché du foncier, celui du travail et surtout la réforme du système socio-éducatif pilier de tout processus de développement, à l'aube de la quatrième révolution technologique », insiste Abderrahmane Mebtoul. Une refonte profonde donc, pas seulement du côté algérien : l'économiste Ferhat Aït Ali pointe la vision de Paris qui ne voit en l'Algérie qu'un « marché captif », saturé de « faux investissements qui parasitent un véritable partenariat ». « Un partenariat otage du rôle de faire-valoir qu'assume la France vis-à-vis du système politique algérien en manque de reconnaissance. »
Par Adlène Meddi - Source de l'article Le Point Afrique
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