Farouchement indépendante, l'Algérie refuse les solutions verticales à sens unique et sans concertation.
L'Union européenne a un voisin bien particulier à sa rive sud. C'est le plus grand en superficie, le plus puissant en termes militaires et le plus expérimenté en matière de lutte contre l'extrémisme violent. Pour autant, l'Europe n'est pas rassurée car ce voisin, l'Algérie en l'occurrence est un farouche opposant à la dictée des stratégies.
«On ne comprend pas certaines mesures. On ne suit pas certaines décisions.» Les services européens pour l'action extérieure sont dans l'expectative face à l'équation algérienne et ils l'ont fait savoir à une délégation de journalistes algériens en formation de quatre jours à Bruxelles depuis le 28 novembre dernier.
L'aspect économique qui intrigue. «Le gouvernement a entamé des mesures en 2016 à travers le nouveau modèle économique. C'est une vraie transformation avec un rôle plus accru et plus intéressant pour le secteur privé dans la sphère économique», fait remarquer Javier Fernandez Admetlla, analyste de données économiques et chargé géographique pour l'Algérie qui trouve la situation économique boostée par le choc pétrolier très intéressante.
«Cette situation a forcé le gouvernement à prendre un train de mesures.» Dans cette dynamique, il cite le cas de la loi de finances 2017 qui contenait tout un programme de consolidation consistant à étaler sur trois années. «Il y a des choses qui bougent», reconnaît-il, mais son satisfecit ne dure pas longtemps. A son appréciation positive succède l'expectative, l'incompréhension.
Le responsable européen estime que les réformes les plus profondes tardent à venir, notamment envers le secteur privé qui est censé prendre le relais, comme alternative au tout-hydrocarbures.
«Nous constatons que dans la loi de finances 2018 (votée dimanche dernier par le Parlement), il y a un total renversement des situations.»
Le paternalisme intentionné
Au lieu de continuer sur la voie de la réduction du déficit budgétaire qui était de 13% du PIB en 2016, il est de 4 à 6% actuellement, cette tendance sera en net recul en 2018 puisque ce déficit remontera à 9%.
Ce ralentissement reste incompréhensible pour les Européens. Ils s'interrogent d'ailleurs à quelle logique obéit-il, «social? Politique?». Aurait-il fallu supprimer les subventions? Réduire les transferts sociaux? Oui acquiesce-t-on. Les Européens sont comme heurtés pas le recours du gouvernement au financement non conventionnel. «Nous pensons que c'est une politique risquée. En d'autres termes, nous créons un précédent et on risque de s'y habituer avec une pareille solution de facilité.»
Comme si on a sauté un verrou et on ouvre la porte à l'inconnu «dans la mesure où on sera toujours tentés d'imprimer des billets à chaque fois que nous avons des difficultés économiques». Comme si l'Algérie qui venait de goûter à une friandise ne pourra plus s'en passer. Voilà ce qui s'appelle en termes clairs un paternalisme intentionné.
Les Européens trouvent également le montant à imprimer qui représente 11% du PIB «assez significatif» même si cet argent ne servira pas uniquement à réduire le déficit budgétaire, mais aussi à financer des projets d'investissement.
Ce n'est pas une nouveauté quand le responsable européen nous apprend que le recours au financement non conventionnel comprend en son sein le risque d'une inflation mais pour lui l'incidence sera directe sur la compétitivité des entreprises algériennes à l'international.
«Le financement non conventionnel est une nouveauté qui comprend un fort risque d'inflation pouvant impacter négativement la compétitivité des entreprises algériennes, notamment à l'international, il sera alors très difficile de rendre les entreprises algériennes compétitives sauf si on dévalue le dinar car à voir le taux de change qui s'effectue au marché parallèle, on comprend que notre monnaie est actuellement surévaluée. Pour ce responsable, la plupart des pays dans le monde ont des dettes et cela ne les empêche pas d'être compétitifs à l'international. Mais pour l'Algérie, l'option de l'endettement extérieur est exclue.
Le gouvernement algérien a une aversion pour la dette extérieure du fait de la très douloureuse expérience qu'a connue le pays durant les années 1990.
Cela, même si le financement non conventionnel porte en lui des germes de l'inflation. «L'Union européenne a fait ce choix, mais pas pour combler un déficit, c'était pour booster une déflation que subissait l'économie de l'union.» C'est donc l'exact contraire de l'équation algérienne.
L'Europe ne va pas se dédouaner
Mais à Alger on n'entend pas les choses de la même oreille. Très largement défavorables, les termes de l'Accord d'association avec l'Union européenne sont perçus comme étant une grande arnaque. Il ne s'agit pas d'une appréciation, mais de la froide réalité des chiffres.
Une évaluation de l'impact de cet accord depuis son entrée en vigueur en 2005 jusqu'à 2015 a montré l'ampleur et les dégâts de cette rapine organisée: Les exportations algériennes hors hydrocarbures vers l'UE n'ont pas dépassé les 14 milliards de dollars sur les dix années, alors que les importations algériennes auprès de l'UE se sont chiffrées à 220 milliards de dollars durant la même période, soit une moyenne de 22 milliards de dollars/an. Comment qualifier un pareil déséquilibre d'un deal qui, à l'origine, avait comme principal objectif de promouvoir les exportations algériennes hors hydrocarbures vers l'Europe et de développer les investissements européens en Algérie et la mise à niveau des entreprises pour les rendre performantes à l'international. Que du vent. N'est-il pas temps de stopper cette supercherie et de se dire les quatre vérités pour mieux avancer?
Farouchement indépendante, l'Algérie refuse les solutions verticales à sens unique et sans concertation. Le lancement du fonds fiduciaire de 1,8 milliard d'euros, pour financer des projets de développement et de gestion de la migration en Afrique est un exemple de cette froide réalité.
Ce fonds décidé en 2015 lors du sommet européo-africain sur l'émigration à Malte n'a suscité aucun enthousiasme de l'Algérie. Aussi, a-t-elle plaidé une approche globale, concertée et consensuelle. L'Europe ne va pas se dédouaner en appâtant l'Afrique avec une pareille cagnotte. Car l'immigration n'est pas le propre des seuls Africains. Il y a le pays de départ, le pays d'accueil et le pays d'arrivée.
C'est de cette manière qu'il convient d'aborder ce dossier et non pas de faire jouer aux pays de la rive sud le rôle de gendarme anti-migrant en érigeant des centres de détention fiancés par l'UE. Si le consensus s'est fait sur l'urgence d'agir, les divergences sont toujours béantes sur les moyens à mettre en oeuvre pour endiguer le flot des départs.
Par Brahim TAKHEROUBT -Source de l'article Lexpressiondz
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