Les luttes sociales, féministes,
culturelles qui se poursuivent en Tunisie, en Egypte et ailleurs dans la région
ont irrigué cette onzième édition du Forum social mondial, creuset,
certainement, de convergences futures propres à renforcer le camp démocratique dans
le monde arabe.
Parmi
les participants venus d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, se trouvaient de
nombreuses femmes, déterminées à poursuivre le combat pour le respect, la
liberté et l’égalité des sexes. En fait, les luttes sociales, féministes,
culturelles qui se poursuivent en Tunisie, en Égypte et ailleurs dans la région
ont irrigué cette onzième édition du FSM, creuset, certainement, de
convergences futures, propres à renforcer le camp démocratique dans le monde
arabe. Le campus d’El-Manar, où se tenait l’événement, accueillait aussi le
troisième Forum mondial des médias libres. Au cœur de ce rendez-vous, la
conviction que l’information est un bien commun, à préserver des pouvoirs,
qu’ils soient économiques ou politiques. Là encore, les expériences nées des
soulèvements populaires de 2011 étaient à l’ordre du jour, avec l’essor de
radios associatives ou communautaires au Maghreb et au Machrek.
Alors
que le système capitaliste en crise n’en finit plus de broyer les peuples, les
participants tunisiens ont insisté sur le lien, dans leur pays, entre crise
économique et crise politique. «Je saisis ce FSM pour m’adresser à la
communauté internationale qui nous rend visite. Je veux l’informer de la
dégradation des libertés, de l’économie et de la situation sociale en Tunisie»,
s’alarmait Sami Aouadi, syndicaliste et professeur d’économie. Pour lui, le
risque existe que son pays soit abandonné en pleine transition démocratique,
livré à un pouvoir néolibéral. Avec un pouvoir tunisien prêt à soumettre de
nouveau le pays au FMI, l’emprise des institutions financières internationales
était au cœur des débats. Signe des temps, parmi les ateliers qui ont fait le
plein, beaucoup concernaient la lutte contre l’austérité en Europe et les plans
d’ajustement structurel sur la rive sud de la Méditerranée. Au Nord comme au
Sud, la paupérisation des sociétés a été unanimement pointée. La députée
grecque Theano Fotiou (Syriza) a ainsi rappelé que ces politiques d’austérité
menaient, dans son pays, à une véritable «catastrophe humanitaire» qui risque
de mener au repli sur soi. Pour cette élue, «il faut convaincre les gens qu’ils
ont une destinée commune face aux problèmes et qu’ils souffriront davantage si
l’Union européenne explose».
Dans
le fond, les participants semblent convaincus qu’une nouvelle géographie se met
en place dans le monde. «Le modèle européen tel qu’il a été construit n’existe
plus, la place de l’Europe a changé», remarque Geneviève Azam, porte-parole
d’Attac. Se pose donc, avec toujours plus d’acuité et à tous les échelons, la
question du partage et de la construction de nouvelles solidarités.
Singulièrement pour l’Europe, qui reste l’un des principaux créanciers à
l’échelle internationale.
L’émergence
de luttes communes entre les travailleurs du Nord et ceux du Sud constitue
aussi une étape indispensable dans la recherche d’un nouveau type de
développement, dépassant les logiques de concurrence. Certaines sont déjà en
marche. Les ateliers consacrés aux centres d’appels implantés de part et
d’autre de la Méditerranée ont ainsi permis de construire des initiatives
communes pour de meilleurs salaires, pour des droits communs. Face aux menaces
de délocalisations, des syndicalistes ont pu débattre, créer des réseaux,
envisager de futures batailles communes pour l’emploi. L’objectif est clair:
permettre un développement harmonieux entre le Nord et le Sud. «Un modèle
alternatif est un modèle qui permet de construire l’économie et le social sur
l’accès aux droits pour tous», à rebours des logiques néolibérales, résumait
samedi Gustave Massiah, membre du conseil international du FSM, lors d’une
cérémonie donnée par le président tunisien, Moncef Marzouki. Mais, précise
Dominique Plihon, «nous ne pensons pas que nous puissions parachuter d’en haut
un modèle alternatif». C’est, pour cet économiste, dans une perspective de
luttes que doivent s’inscrire les transformations de la société. Le débat au
sein du FSM aura aussi concerné le rapport avec les partis politiques. Bouba
Diop, professeur à l’université de Dakar, a expliqué comment, au Sénégal, se
sont bâtis de solides liens entre mouvements sociaux et politiques, autour de
forums thématiques. Une démarche qui a rendu possible l’alternance politique,
dans un contexte de vives tensions attisées par la présidence d’Abdoulaye Wade.
«Les coalitions marquent des points là où elles travaillent sur les contenus
pour construire des alternatives au néolibéralisme», a insisté Pierre Laurent,
pour le PGE et le PCF.
En
dépit de ces contradictions, le FSM reste un carrefour de convergences, utile à
la recherche d’alternatives dans un contexte de crise globale qui attise les
violences, les conflits, les logiques de concurrence et de prédation. «Nous
intéressons moins les médias dominants. Maintenant que ce système économique
s’effondre, Davos nous a volé une partie de nos thématiques. Mais entre Porto
Alegre en 2001 et Tunis en 2013, la souffrance n’a pas changé de camp, elle
s’est généralisée, constate l’altermondialiste malienne Aminata Traoré. Comment
comprendre, par exemple, la grave crise que traverse le Mali sans la relier à
la crise systémique? À partir du moment où le seul horizon des responsables
politiques est de demander les bonnes grâces des bailleurs de fonds, plus aucun
débat démocratique n’est possible.»
L’alter
summit en débat au FSM Alors que
l’Europe est en crise depuis six ans et que les dirigeants de l’Union
européenne, au fil des sommets, ne cessent d’imposer des politiques
d’austérité, différents mouvements se lèvent contre cette offensive néolibérale
sans précédent. Les 7 et 8juin se tiendra à Athènes un «alter summit», un autre
sommet, visant à rassembler toutes les forces qui s’opposent aux politiques
actuelles. Les contours en ont été précisés lors d’un atelier tenu pendant le
FSM à Tunis. Ce sommet alternatif est porté par des associations et des
syndicats, soutenus par des partis politiques dont le Parti de la gauche
européenne. Il sera l’occasion de manifestations, réunions de réseaux, qui
élargiront les perspectives de luttes. Avec une ambition: rendre la
souveraineté aux peuples.
Par
Rosa Moussaoui et Fabien Perrier - Source de l'article l'Humanité
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