Le Réseau maghrébin de l'économie
sociale et solidaire (Maghreb-Ess) est né début mars et regroupe la Tunisie,
l’Algérie et le Maroc. Retour sur un
mouvement d’essence mutualiste qui semble moins bien loti en Algérie que chez
ses voisins.
Le village rénové de Tajmaat N'jebla dans la wilaya de Béjaïa propose du tourisme solidaire |
Le Maghreb a dorénavant son réseau d'économie
sociale et solidaire. Créé à l'initiative de l'Union nationale des mutuelles de
Tunisie (UNAM), du Réseau marocain de l'économie sociale et solidaire (REMESS)
et du Comité algérien de l'économie sociale et solidaire, Maghreb-Ess rassemble
pour l'instant uniquement des membres de ces trois pays. Mais ses fondateurs
œuvrent à l'intégration d'organisations libyennes et mauritaniennes. « Cela
fait plus de vingt ans que nous nous rencontrons dans le cadre de séminaires et
conférences du réseau euro-méditerranéen », témoigne Mohamed Laddada, médecin
algérien à la retraite, fraîchement élu président de Maghreb-Ess. « Même si les
régimes sont différents, nous avons constaté que nous vivons tous les mêmes
problèmes de chômage et de paupérisation de la population liés à un système
économique libérale mal maîtrisé ». D'où l'utilité de se constituer en réseau
pour mutualiser les efforts, soutenir les initiatives et favoriser l'échange
d'expériences. « Maghreb-Ess nous permet de parler d'une seule voix au sein de
la Méditerranée », souligne l'ancien médecin chef de la Caisse nationale d'assurance
santé (CNAS). La déclaration de création du Réseau, datée du 2 mars, esquisse
d'ailleurs les principes fondateurs de cette nouvelle union maghrébine autour
de l'économie sociale et solidaire : « la primauté de la personne et de l'objet
sur le capital », « l'autonomie de gestion et d'indépendance par rapport aux
pouvoirs publics » et « la consécration de l'essentiel des excédents à la
réalisation d'objectifs de développement durable, solidaire et d'intérêt
général ». La préoccupation principale de l'économie sociale et solidaire est
le bien-être social de l'homme et de l'individu, résume Mohamed Laddada. Les premiers organismes membres de ce réseau
à but non lucratif en sont l'illustration parfaite.
L'économie sociale et solidaire génère de
l'emploi
« L'économie sociale, développée en Algérie
dans le cadre d'un système socialiste, n'existe plus », déplore Mohamed
Laddada. « Le contexte actuel de réformes structurelles instaure les conditions
des règles du marché et l'économie libérale », poursuit celui qui écorne, au
passage, le « capitalisme froid » et ses dérives. Face à cette évolution, le
mouvement mutualiste, composé en Algérie d'une trentaine de mutuelles
nationales regroupant plus d'un million d'adhérents et sept millions de
bénéficiaires, tente de proposer une alternative. « Grâce aux ressources
provenant des cotisations des adhérents, les mutuelles offrent des actions de
prévoyance, de solidarité et d'entraide au profit des adhérents et de leurs
familles », explique Abdelkader Harmat, secrétaire général de Maghreb-Ess et
actuel président de la mutuelle familiale. Et de citer pour exemple les centres
médicaux sociaux (CMS) ouverts par les mutuelles qui assurent un accès aux
soins aux plus démunis. « Au centre d'imagerie médicale de Belcourt, à Alger,
10 à 15 % des personnes reçues n'ont pas de revenu», souligne Mohamed Laddada.
Fonctionnant selon un modèle non lucratif, les excédents perçus sont
systématiquement investis au bénéfice des adhérents. « Par le fait qu'elle ne
recherche pas le gain, l'économie sociale et solidaire génère de l'emplois et
représente donc une réponse sérieuse au chômage », assure le président de
Maghreb-Ess. Autre maillon de l'économie
sociale et solidaire : le réseau associatif opérant dans différents domaines
mais toujours soucieux d'une amélioration du bien-être social. A cet égard, le
projet de l'association Tajmaat n'jebla, dans la wilaya de Béjaïa, représente
un bon exemple de mise en pratique réussie des principes de l'économie sociale
et solidaire. Constatant l'abandon de l'ancien village de Tajmaat n'jebla,
situé à deux kilomètres du nouveau village, de jeunes habitants entreprirent de
restaurer la vingtaine de maisons à moitié en ruine. L'initiative redonne vie
au village. Une « Fête du printemps » s’y tient désormais chaque année, offrant
l'occasion de mettre en valeur les traditions et produits du terroir de la
région. Le projet constitue, par ailleurs, une véritable opportunité économique
de développement local. La restauration des maisons, qui a bénéficié d'aides de
l'Union européenne, a ainsi permis à une dizaine de personnes de travailler à
plein temps pendant un an, indique le président de l'association, Farid Ahmed.
« Aujourd'hui, l'activité principale de l'association consiste à accueillir des
groupes de touristes mais nous sommes en train de réfléchir à la création d'un
réseau de coopératives autour du tourisme solidaire comprenant, outre le gîte
et le couvert, de l'artisanat, des visites guidées, etc. »
« Laissez la place aux initiatives collectives
! »
A défaut d'un soutien de l'Etat, l'évolution
de l'économie sociale en Algérie demeure limitée. Premier obstacle pointé par
les membres du réseau Maghreb-Ess : les difficultés conceptuelles et
méthodologiques de la définition des composantes de l'économie sociale. « Comme
le pouvoir public ne reconnaît pas l'intérêt général de l'économie sociale et
solidaire, il n'arrive pas à nous mettre dans une catégorie. Cette situation
nous pose d'énormes problèmes pour s'organiser et se structurer », tempête Mohamed
Laddada. Contrairement au Maroc et à la Tunisie, où l'économie sociale et
solidaire est aidée par l'Europe et soutenue par l'Etat, l'Algérie ne dispose
pas d'un cadre institutionnel et législatif favorisant les activités
économiques de personnes pour le caractère social. « Or le système économique
privé, public et social ne sont pas contradictoires. Chacun peut trouver son
compte et se compléter l'un, l'autre », défend le président de Maghreb-Ess, en
appelant les autorités à une plus grande considération de l'économie sociale et
solidaire. « Le développement de l'Algérie se fait avec tout le monde ».
Source
de l’article Maghrebemergent
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