De retour de Bruxelles, les femmes candidates aux
prochaines législatives sont déterminées encore plus à mener leur combat
jusqu’au bout pour intégrer l’hémicycle. Même si elle s’oppose à la prorogation
du mandat du Parlement, Women in Front – l’ONG qui soutient les femmes
candidates aux législatives – est convaincue que cette période est en leur
faveur dans le sens où elle augmente leurs chances de réussite.
Quinze femmes libanaises ont assisté à l’assemblée annuelle plénière de l’Union pour la Méditerranée, tenue récemment à Bruxelles. |
«
Une expérience enrichissante. » C’est par ces mots que quinze femmes
libanaises, dont onze sont candidates aux prochaines législatives, résument
leur récente visite au Parlement européen, à Bruxelles. Une visite « fructueuse
» au cours de laquelle elles ont assisté à l’assemblée annuelle plénière de
l’Union pour la Méditerranée, et rencontré des représentants des pays du Nord
et du Sud de la Méditerranée, des membres de diverses commissions au sein du
Parlement européen, des parlementaires, des fonctionnaires spécialistes de la
parité hommes-femmes, et la délégation pour les relations avec les pays du
Machrek.
Cette
visite leur a d’ailleurs « redonné confiance » en leurs « capacités »,
renforçant encore plus leur détermination à mener jusqu’au bout leur bataille
pour faire leur entrée à l’hémicycle.
La
visite à Bruxelles a été « une belle expérience qui a enrichi celle dont nous
jouissions », déclare Dalal Rahbany. « Le Liban est un pays démocratique, et
nous sommes familiers des règles parlementaires et de la liberté d’expression,
à une seule différence qu’à Bruxelles, on les applique, souligne-t-elle. Nous
avons pu en outre constater le nombre important de femmes au sein du Parlement.
Certaines commissions sont même présidées par des femmes. J’ai remarqué que la
présence féminine donnait une valeur ajoutée aux débats. Même en cas de sérieux
conflits, les discussions se déroulent calmement. Là-bas, les femmes prennent
aussi les décisions. Une chose que nous n’avons jamais observée au Liban. »
Dalal
Rahbany déplore ainsi « les efforts visant à écarter la femme des prises de
décision ». « Au Liban, la femme peut étudier et travailler, mais
malheureusement, elle ne peut jamais accéder à un poste de responsabilité,
affirme-t-elle. Or la femme qualifiée peut exceller dans son domaine. »
Général
de brigade à la Sûreté générale, Dalal Rahbany est candidate au siège
évangélique de Beyrouth. « Je suis dans la fonction publique depuis plus de
trente-cinq ans, indique-t-elle. Durant mon enfance et mon adolescence, je
faisais aussi partie des scouts. C’est dès son jeune âge qu’on apprend à servir
les autres. »
Pourquoi
a-t-elle décidé de se présenter aux élections législatives ? « Au cours de mes
années de service à la Sûreté générale, j’ai constaté que la majorité des lois
sont bonnes, répond-elle. Ce qui est encore plus surprenant, c’est que les
anciennes lois sont plus précises et plus claires dans la façon d’aborder un
thème déterminé que les lois actuelles, même si elles ne sont plus adaptées à
notre situation présente. Elles doivent être réactualisées. Par exemple, c’est
en 1953 qu’on a octroyé à la femme le droit de vote et le droit de présenter sa
candidature. Tout au long des soixante années qui se sont écoulées, nous
n’avons rien fait dans ce sens. Aujourd’hui, nous nous retrouvons en train de
réclamer le quota parlementaire ! »
Pour
Dalal Rahbany, « il ne faut pas changer l’État, mais l’améliorer ». Pour cela,
il suffit simplement « d’appliquer d’une manière efficace les lois dont nous
disposons ». « C’est à ce moment-là que nous réussirons à édifier un État de
droit et à accorder au citoyen son droit d’une manière respectueuse et
civilisée, insiste-t-elle. D’ailleurs, l’État se doit de respecter le citoyen.
Les députés sont des employés chez le citoyen et non le contraire. »
Œuvrer
pour le développement de ma région
« J’ai été impressionnée par la modestie des
parlementaires, par l’efficacité des discussions, le civisme des débats, la
rapidité avec laquelle les décisions sont prises, renchérit pour sa part Roula
el-Mourad. Rien à voir avec le snobisme libanais. Ce qui m’a également frappée,
c’est l’absence d’une délégation parlementaire libanaise aux sessions, et
pourtant celles-ci portaient sur des questions qui concernent directement le
Liban, comme la question des réfugiés syriens, l’économie, les droits de la
femme... », poursuit-elle.
Candidate
au siège sunnite du Akkar, Roula el-Mourad refuse de se présenter en tant que
telle. « Je suis pour l’abolition du confessionnalisme et pour la séparation de
l’Église et de l’État, affirme-t-elle. Il n’est plus permis de continuer à
élire les représentants sur base de leur confession. Les élections doivent
avoir lieu sur base des qualifications. »
Pour
Roula el-Mourad, « la politique n’a jamais été un but en soi ». Active au
niveau social depuis plus de vingt-trois ans, elle a décidé de se présenter aux
législatives, estimant que « la politique complétait son travail, notamment en
ce qui concerne la promulgation de nouvelles lois ». « Mon but principal est de
contribuer au développement de ma région, explique-t-elle. Akkar est une région
défavorisée à tous les niveaux. C’est l’une des régions les plus pauvres du
Liban et la majorité de la population locale est analphabète, sachant qu’elle
compte le plus grand nombre d’écoles publiques du pays. »
Gagner
aux législatives constitue ainsi pour Roula el-Mourad un moyen pour améliorer
l’éducation au Akkar, « en commençant par améliorer le niveau des professeurs,
parce qu’il n’est plus permis de désigner dans cette région des professeurs
incompétents ». C’est aussi pour elle un moyen d’améliorer l’infrastructure,
encourager l’écotourisme, « d’autant que la région regorge de sites
touristiques ». Il s’agit également de sensibiliser les futures générations au
travail social, de créer de nouvelles opportunités pour les populations
locales...
Roula
el-Mourad est optimiste. « Les gens me connaissent et connaissent mon travail,
assure-t-elle. Au Akkar, la gent féminine est opprimée. Elle a besoin qu’une
femme la représente et parle en son nom. Chez nous, les gens respectent leurs
engagements. Jusqu’à présent, j’ai de bons échos. »
(Pour
mémoire : Participation des femmes à la vie politique : le Liban à la traîne)
Le soutien de WIF
Ces
femmes sont soutenues par l’ONG « Women in Front (WIF) – Femmes pionnières »
qui, depuis sa fondation en 2012, œuvre pour « changer l’image de la femme
libanaise, en mettant en avant celles qui sont expertes dans différents
domaines ». Les législatives constituant une échéance importante, les
cofondatrices de l’ONG, Joëlle Abou Farhat Rizkallah et Nada Saleh Anid, ont
ainsi décidé de canaliser leurs efforts dans ce sens. La stratégie « Women
Towards Parliament – Femmes vers le Parlement » a ainsi vu le jour. Elle
consiste à soutenir la candidature de soixante-quatre femmes aux prochaines
législatives à travers une large campagne médiatique insistant sur le rôle de
la femme dans la vie publique. Le but est, en outre, de leur assurer les outils
nécessaires pour bien mener leur bataille.
C’est
ainsi que WIF, représentée à Paris par Pascale Abdallah et Sylvie Mouradian, a
obtenu le soutien du Parlement européen par le biais du groupe PPE (Parti
populaire européen, qui regroupe les partis de droite des 27 États membres) et
grâce à l’appui inconditionnel de la députée européenne Marie-Thérèse
Sanchez-Schmid. Ce soutien s’est traduit par l’invitation de quinze femmes
libanaises à Bruxelles.
«
Bruxelles a été une opportunité de faire connaître WIF et de faire parvenir les
revendications de la femme libanaise, notamment en ce qui concerne le quota
parlementaire, explique Nada Saleh Anid. Les candidates ont pu, quant à elles,
connaître les rouages et les mécanismes de la démocratie et d’une assemblée
plénière. Elles ont pu exposer leurs programmes, comme elles ont rencontré
d’autres parlementaires avec qui d’ailleurs elles maintiennent le contact. »
«
La visite à Bruxelles a permis à la femme libanaise de montrer qu’elle est
sérieuse dans sa revendication de jouer un rôle dans la vie publique, affirme
pour sa part Joëlle Abou Farhat Rizkallah. Ceux qui s’opposent au quota sont
priés de nous donner l’alternative. La femme forme plus de 50 % de la
population au Liban. Par conséquent, nous avons droit à la moitié des sièges
parlementaires. Nous sommes réalistes et savons que cela ne se produira pas de
sitôt. Mais notre ONG a vu le jour pour prouver que les femmes savent s’imposer
et elles sont nombreuses à vouloir jouer un rôle dans la vie publique. Nous ne
pouvons plus rester les bras croisés devant cette mascarade. Quelle que soit la
loi électorale adoptée, le système de quota peut être appliqué. Et la femme libanaise
compte bien faire ses preuves. »
Et
Joëlle Abou Farhat de poursuivre : « À WIF, nous sommes contre la prorogation
du mandat du Parlement. Nous comptons toutefois profiter de cette période pour
augmenter le nombre des femmes candidates et trouver les moyens susceptibles
d’assurer leur réussite. »
En
ce qui concerne l’après-Bruxelles, Nada Saleh Anid et Joëlle Abou Farhat
Rizkallah confient que WIF prépare « un grand projet, avec le soutien du
Parlement européen en faveur de la femme libanaise ». Les deux femmes n’en
diront pas plus. Elles affirment attendre le moment opportun pour en dévoiler
les grandes lignes. À suivre...
Source de
l’article l’Orient le Jour
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