Les réformes économiques visant à revitaliser l'économie tunisienne prennent forme ; le gouvernement tente aujourd’hui d’atténuer les résistances tout en travaillant à concilier les exigences des acteurs nationaux et des prêteurs internationaux.
Ces réformes, qui comprennent entre autres un nouveau code d'investissement et l’augmentation des dépenses d'infrastructure, offrent une chance de stimuler une reprise économique plus importante et d’augmenter le niveau d'emploi, en particulier chez les jeunes tunisiens.
Un ciblage des investissements
Le gouvernement a déployé mi-septembre son Plan Stratégique du Développement 2016-2020 (PSD), incluant des réformes économiques et budgétaires radicales, et visant une croissance annuelle du PIB de 5 % au cours de cette période, alors qu’elle était en moyenne de 1,9 % lors du plan quinquennal précédent.
Le nouveau PSD prévoit une reprise progressive au cours des deux prochaines années et s’attend, sur la base d’estimations ambitieuses, à ce que la croissance du PIB connaisse une accélération à partir de 2018.
Le PSD prévoit une augmentation des investissements publics de 50 % d'ici à 2020, pour atteindre 45 milliards de dinars tunisiens (20,5 milliards d’euros). L'investissement privé local augmenterait de 65 % pour atteindre 62 milliards de dinars tunisiens (28,3 milliards d’euros) et l'investissement direct étranger de 80 % et s’élèverait alors à 18 milliards de dinars tunisiens (8,2 milliards d’euros).
Un nouveau code des investissements, qui sera présenté avant la fin de l'année selon le Premier ministre Habib Essid, pourrait aider à susciter l'intérêt des investisseurs. La modernisation de l'administration du gouvernement et l’accent mis sur les partenariats public-privé devraient également lever les obstacles en matière d’activités commerciales.
Une approche à court terme
Générer de tels niveaux d'investissement prendra probablement du temps, mais d'autres sources de financement devraient pouvoir combler l'écart à court et moyen terme.
Début octobre, la Banque mondiale a annoncé un prêt de 500 millions de dollars destiné à financer les réformes économiques proposées, et dont l’accent portera sur la restructuration de ses prêteurs publics. Ce prêt fait suite aux 867 millions de dinars tunisiens (395,3 millions d’euros) de capital injecté plus tôt cette année dans la Société Tunisienne de Banque et dans la Banque de l'Habitat.
La Banque mondiale a également accordé à la Tunisie début octobre des conditions de crédit favorables sur 178 millions d’euros destinés à financer des projets de construction de routes dans plusieurs gouvernorats, ainsi que près d’1 million de dollars pour du conseil technique sur le projet, selon le ministère du développement, de l’investissement et de la coopération internationale.
Les investissements pourraient également être renforcés par la signature d'un nouvel accord de libre-échange avec l'UE. Celle-ci a lancé mi-octobre avec la Tunisie des négociations qui pourraient aboutir à une expansion de l’Accord Euro-méditerranéen d'Association (AEMA), signé il y a près de deux décennies.
Contrairement à l'AEMA, qui concerne plutôt le commerce de marchandises, un nouvel accord de libre-échange pourrait apporter à la Tunisie des conditions préférentielles pour les échanges de services, ainsi que des réglementations plus souples pour les produits agricoles.
Modérer les demandes
Le gouvernement tunisien pourrait faire face à un difficile exercice d'équilibre des intérêts internes et externes au fur et à mesure de la mise en place de son programme de réforme.
Le FMI a demandé à plusieurs reprises à la Tunisie de réduire les dépenses de l'Etat, attirant l’attention sur les 13,5 % du PIB consacrés aux salaires du secteur public (l'une des parts les plus élevées dans le monde).
Selon Philippe Trape, économiste principal chargé de la Tunisie auprès de la Banque africaine de développement, le recrutement dans le secteur public depuis le soulèvement de 2011 a augmenté les coûts salariaux d’environ 75 %, ce qui équivaut à 38 % du budget du gouvernement. Alors que l'emploi public a été perçu comme un moyen de répondre à la demande sociale, P. Trape soutient que l’administration pourrait fonctionner plus efficacement avec la moitié du personnel actuel.
Cependant, le gouvernement est également confronté à des pressions des acteurs nationaux tels que l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), le plus grand syndicat du travail du pays, pour augmenter les salaires.
Après un nouveau cycle de négociations ces derniers mois avec le syndicat, le gouvernement a décidé d'augmenter les salaires de 800 000 employés du secteur public en septembre, la deuxième augmentation de ce type cette année. Selon les rapports des médias, cela devrait coûter environ 1,2 milliard de dollars.
Dans une déclaration faite aux médias en octobre, H. Essid a précisé : « Nous sommes conscients que les réformes ont un prix, mais nous avons besoin de paix sociale dans la période à venir afin de pouvoir instaurer les changements urgents requis par une situation économique critique. »
Le FMI continuera à jouer un rôle clé dans le débat sur la réforme, la Tunisie souhaitant obtenir un nouveau programme de crédit de la part du prêteur à hauteur d’au moins 1,7 milliard de dollars, et qui pourrait être subordonné à de nouvelles réformes fiscales.
Lors d'une visite en Tunisie en septembre, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a exhorté le pays à réduire son déficit budgétaire, qui a atteint un montant estimé à 5,8 % du PIB l'an dernier, et de diminuer la masse salariale du secteur public.
Témoignant d’un pas dans cette direction, H. Essid a déclaré aux médias en septembre que le gouvernement envisage d'augmenter l'âge de la retraite en le faisant passer de 60 à 65 ans, ce qui pourrait aider à résoudre le déficit croissant du système de retraite.
Source de l'article Oxford Business Group
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