La secrétaire nationale du PS français pour les droits de l'homme et les affaires humanitaires, Rita Maalouf, souligne, dans une interview à « L'Orient-Le Jour », que tout renflouement de Bachar el-Assad aggraverait le conflit syrien.
La dernière journée du 5e forum social-démocrate arabe, qui s'est tenu ce week-end à l'hôtel Le Bristol et qui a achevé ses travaux samedi, a été marquée par la participation de représentants du Parti socialiste européen (PSE), et de partis socialistes, et sociaux-démocrates de France, d'Allemagne (SPD), d'Italie, de Grande-Bretagne, de Belgique et des Pays-Bas. La séance de samedi a été axée sur le dossier des réfugiés en général, notamment syriens. Dans l'après-midi, les délégués européens et arabes, accompagnés du leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt (qui a organisé ce 5e forum), ont visité un camp de réfugiés syriens ainsi qu'un centre d'enseignement scolaire mis sur pied par une fondation créée par Mme Nora Joumblatt.
Le forum social-démocrate arabe a été créé en 2013, dans le sillage du printemps arabe. Il regroupe les partis progressistes du Liban (le PSP), du Maroc, d'Algérie, de Tunisie, d'Égypte, de Jordanie, ainsi que le Fateh, l'opposition syrienne et des délégués des partis kurdes. Il se tient chaque six mois et, une fois par an, il accueille des représentants du PSE et de partis socialistes et sociaux-démocrates européens. Ces assises élargies euro-arabes ont été organisées l'an dernier à Tunis et ont été axées sur le thème du terrorisme. L'année précédente, elles ont eu lieu au Caire et ont porté sur le printemps arabe. Cette année, à Beyrouth, la question des réfugiés a été au centre des débats.
La séance de samedi matin a été ouverte par une allocution du secrétaire général du groupe socialiste au Parlement européen (PSE), Guacomo Philibeck, et par des interventions de Walid Joumblatt et du ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas.
Les travaux du premier débat ont porté sur les principales causes de la crise des réfugiés. Le commissaire européen pour l'aide humanitaire et la Gestion des crises, Christos Stylianides, a exposé la position de l'Union européenne sur ce plan. La deuxième table ronde a tenté de définir comment l'UE pourrait aider les pays de premier accueil. Mme Nora Joumblatt a exposé dans ce cadre son projet de centre de formation scolaire lancé par sa fondation Kayany et qui prend en charge dans les camps de réfugiés près de 2 000 élèves syriens.
Le forum a clôturé ses travaux par une allocution du président du PSE et ancien Premier ministre hongrois, Sergei Stanishev. Le communiqué final publié au terme des débats met l'accent sur l'importance d'une « solution globale » au problème des flux migratoires clandestins.
Rita Maalouf : Pour une approche globale
Les grandes lignes d'une telle solution globale ont été évoquées dans une interview accordée à L'Orient-Le Jour par la secrétaire nationale du Parti socialiste français pour les droits de l'homme et les affaires humanitaires, Mme Rita Maalouf.
D'emblée, Mme Maalouf relève que « les causes du problème des réfugiés sont multiples ». « Ce problème, perçu dans son ensemble, souligne-t-elle, est dû à trois facteurs principaux : la guerre, la pauvreté et les effets du changement climatique. Il est donc illusoire de régler un aspect sans s'attaquer aux deux autres, d'où la nécessité d'avoir une approche globale de la question. C'est sur cette base que le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean Christophe Cambadelis, a préconisé dès 2014 la tenue d'une conférence mondiale sur les réfugiés et il a réitéré cette proposition cette année car il a vu venir le fait qu'un nouveau " front " allait s'ouvrir, en l'occurrence celui des réfugiés. »
« L'idée de cette conférence internationale est que tous les aspects du problème devraient être pris en compte dans le cadre d'un effort global à l'échelle mondiale, indique Rita Maalouf. Cette proposition a été avalisée par le président François Hollande lors de son dernier point de presse, en septembre dernier. La conférence internationale devrait être organisée en 2016 et le président Hollande a suggéré qu'elle se tienne à Paris, suite à la démarche du PS. Dans cette optique, notre participation au forum euro-arabe de Beyrouth avait pour but, entre autres, d'initier une réflexion commune sur ce plan, d'être à l'écoute de toutes les parties concernées, de tâter le pouls, en quelque sorte, d'un pays de premier accueil comme le Liban. »
S'attaquer aux racines du problème
Dans ce contexte, Rita Maalouf souligne la nécessité d'agir aussi bien « sur le court terme que sur le long terme afin de régler les causes des flux migratoires ». « À court terme, précise-t-elle, il faudrait avoir une politique migratoire commune au plan européen. Cela pose évidemment la question du droit d'asile. Au niveau du contour européen, il faut en outre s'attaquer au problème des passeurs. Il nous est apparu à ce sujet que des passeurs ont été récemment actifs à Tripoli, au Liban-Nord. Cette approche du court terme implique également la nécessité d'apporter une aide aux pays de premier accueil comme le Liban, la Turquie et la Jordanie. »
« À long terme, ajoute Mme Maalouf, il est impératif de trouver une solution politique en initiant un Genève 3. D'une manière plus générale et plus globale, cela doit s'accompagner d'une politique visant à contenir la pauvreté et favoriser des investissements dans les pays d'accueil, notamment au niveau des écoles et de l'infrastructure de base afin d'éviter que les réfugiés ou les migrants soient amenés à traverser la Méditerranée pour regagner l'Europe. Ainsi, si les causes des flux migratoires ne sont pas réglées à la base, cela risque de provoquer une radicalisation du national-populisme, de l'extrême droite, et de susciter une montée de l'islamophobie. »
Afin de favoriser une telle approche globale, Mme Maalouf indique que le PS français préconise de mettre tous les acteurs concernés à contribution, que ce soit les États, les gouvernements, ou les ONG humanitaires et de défense des droits de l'homme. « Il faut établir un équilibre entre la solidarité et la charité, entre l'accueil et la gestion des flux », précise la responsable PS aux droits de l'homme et aux affaires humanitaires.
Une telle aide ne devrait pas se limiter aux seuls pays d'accueil, mais elle doit aussi englober les déplacés qui sont restés en Syrie. Rita Maalouf souligne à ce sujet la nécessité d'aider les communes libérées en Syrie. « Les élus français, précise-t-elle, ont ainsi été appelés à apporter une aide à Alep dans le cadre d'une sorte de projet de partenariat. Jean-Christophe Cambadelis et le président du groupe parlementaire socialiste, Pierre Cohen, ont lancé un appel en ce sens pour que les élus français aident Alep. Ils ont notamment adressé des messages à ce propos aux maires, ce qui a permis de former un réseau de plusieurs centaines de villes solidaires. À la lumière de ce que j'ai vu et entendu ces deux jours à Beyrouth, poursuit Rita Maalouf, je vais proposer au premier secrétaire du PS d'initier un projet semblable de partenariat avec les localités libanaises d'accueil ou de soutenir des projets ponctuels comme celui qui a été lancé par Nora Joumblatt. »
Le problème de Bachar el-Assad
Pour Rita Maalouf, la ligne de conduite du PS concernant l'affaire des migrants doit être perçue sous l'angle du « débat sur les valeurs ». « Telle est l'approche de la gauche, qui, sur ce plan, axe le débat sur les valeurs, souligne-t-elle. Nous avons à cet égard rendez-vous avec l'histoire, et nous devons affiner notre approche et l'expliquer à l'opinion publique, de manière à clarifier le fait que notre action n'est pas seulement de la générosité, mais qu'elle s'inscrit dans le cadre de l'intérêt même de l'Europe et de la défense de ses valeurs qui sont connues pour être l'essence même de la construction européenne. »
Dans l'optique d'une solution en profondeur du problème des réfugiés, Rita Maalouf souligne que « nous nous employons à attirer l'attention des Français sur le fait que tout dialogue avec Bachar el-Assad ou tout accord visant à le renflouer aurait pour effet d'exacerber davantage et d'aggraver la guerre civile, et donc de provoquer un nouveau afflux de réfugiés ». Mais il s'agit aussi à cet égard d'un problème d'ordre fondamentalement moral. « On ne discute pas avec un dictateur, relève sans détour Mme Maalouf. Telle est la position du président Hollande. Il est inconcevable d'envisager le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad alors qu'il est responsable de la mort de plus 250 000 civils, sans compter les dizaines de milliers de prisonniers et de disparus, et les millions de déplacés. La paix civile en Syrie passe par un Genève 3. Cela implique, certes, une action concertée avec les Russes, mais pas aux conditions des Russes », affirme Rita Maalouf qui indique à ce propos qu'il existe en France « une sorte de parti russe, perceptible dans les milieux de la droite, de l'extrême droite et d'une partie des médias, qui apprécie les positions du président Vladimir Poutine ».
Sur le plan de la solution politique qui devrait être mise en place pour non seulement mettre un terme à la crise syrienne mais aussi pour faire face au problème des migrants, Rita Maalouf met en évidence l'importance du pluralisme libanais comme projet pilote. « Le pluralisme constitue pour nous l'essence même de l'existence du Liban et il représente également une sorte de laboratoire pour contrer la montée du populisme et de la xénophobie, affirme-t-elle. Le pluralisme est plus que jamais d'actualité pour lutter contre les extrêmes, dans un sens ou dans l'autre. La crise des réfugiés alimente la montée aux extrêmes alors que ces réfugiés fuient Daech et le régime dictatorial. Comme l'a souligné le Premier ministre Manuel Valls, il n'y a pas de guerre de civilisation entre l'Occident et l'Orient, mais plutôt entre ceux qui, croyants ou non, sont humanistes, et ceux qui sont dogmatiques et qui rejettent l'autre. »
Par Michel TOUMA - Source de l'article l'Orient le Jour
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