La Chambre Algérienne de Commerce et d’Industrie en France (CACIF) vient d’organiser le premier colloque France/Algérie à Marseille, à la Villa Méditerranée.
Une rencontre placée sous le haut patronage des autorités algériennes. Ce premier événement avait pour objectif de permettre d’identifier le marchés porteurs, de prendre en compte les évolutions de ce pays... et, comme un électrochoc, une invitation, une attente : quand la France se réveillera... parce que, pendant ce temps, la Chine est passé devant la France en termes de parts de marché, avec 13%.
Le forum organisé par la CACIF a montré qu’il existait nombre d’opportunités à saisir rapidement en Algérie (Photo Robert Poulain) |
Bernard Valero, le directeur de la Villa Méditerranée, souhaite la bienvenue « dans cette maison où nous construisons la Méditerranée de demain et, où vous-même, au cours de votre rencontre, allez poser des jalons ». Il évoque une ville, un territoire, une région « occupant une place particulière. C’est la porte d’entrée naturelle du marché français, européen, c’est aussi un territoire remarquablement connecté avec le grand port, deux aéroports, Nice et Marseille-Marignane. C’est aussi un territoire d’intelligence avec l’Amu, première université francophone avec ses 70 000 étudiants ».
« Se rapprocher de l’Algérie »
Rafik Belhadj Amara, délégué régional du CACIF, donne le ton du Forum en quelques mots : « Chefs d’entreprise osez », car la situation évolue en Algérie, des opportunités existent et de citer un proverbe algérien : « Un feu lointain ne réchauffe pas ». Il invite alors « à se rapprocher de l’Algérie ». Jean-Louis Levet, haut responsable à la coopération industrielle franco-algérienne insiste sur l’importance de cette dernière : « Nous sommes là pour construire des ponts et non des murs ». « Il nous faut échanger, plaide-t-il, conscients que nous sommes, des dangers qui nous guettent : l’indifférence, la résignation, l’exclusion. Il est donc important de nous retrouver, en particulier ici, à Marseille, en Paca, pour construire ensemble ». Et de développer des pistes de réflexion. Il revient en premier lieu sur les impacts positifs de la déclaration d’amitié de 2012 entre la France et l’Algérie, à la suite d’une rencontre entre les deux présidents. Un document qui avance notamment, dans son volet économique : « Les deux parties entendent valoriser leurs atouts et développer une stratégie visant à promouvoir les partenariats industriels entre opérateurs algériens et français. Cette stratégie devrait être mutuellement bénéfique et se traduire par le développement de l’investissement et la préservation ou la création d’emplois sur le territoire de chacune des parties, ainsi que par des transferts de compétences et de technologies. Les opérateurs économiques seront étroitement associés à sa définition et au suivi de sa mise en œuvre ».
« La Méditerranée est la zone la plus dérégulée de la planète »
Pour Jean-Louis Levet « Il importe donc d’avoir une ambition concrète de progrès d’une part . Et, d’autre part, nous avons besoin d’un nouveau mode de pensée et d’action sachant que nous avons des intérêts et des défis communs ». Et de mentionner à ce propos : « La Méditerranée est la zone la plus dérégulée de la planète. Nous devons en faire un espace régulé, un espace de prospérité. En matière de défis, ceux de la mondialisation nous ont appris que pour les affronter il vaut mieux être deux que seul ». Et de citer le défi du passage d’un développement carboné à un développement décarboné. Avançant : « L’Algérie doit passer d’une économie centralisée à une économie décentralisée, le gouvernement algérien fait nombre d’efforts en ce sens ». De noter parmi les atouts : « La fin des illusions. En France, pendant 20 ans nous avons eu tendance à tomber dans une société post-industrielle, dans le mythe de la finance, de l’économie sans usine, dans la délocalisation. L’Algérie pour sa part ne pourra pas asseoir un développement à long terme sur la rente des hydrocarbures. La conscience existe tout comme la volonté de s’inscrire dans une démarche qualité, à nous d’être à la hauteur des enjeux. A chacun de prendre conscience que nous pouvons et devons travailler ensemble ». Un facteur pour y parvenir réside à ses yeux dans le fait de « remplacer le triptyque passé, instantané, futur par histoire, présent et avenir. Il s’agit de comprendre l’histoire avec sérénité tant du côté français qu’algérien. Il ne faut plus travailler dans l’instant mais le présent afin de construire l’avenir. Nous avons, en effet, besoin d’un mode d’action fondé sur des perspectives. Pour cela, il importe de passer de relations basées sur le commerce à une relation fondée sur des projets structurants, le long terme et l’excellence ».
« Nous assistons à un embrasement de la peur, un développement du racisme »
Michel Vauzelle, député, ancien président de la région Paca, vice-président de la commission des Affaires Étrangères à l’Assemblée Nationale revient sur les thèmes qui lui sont chers et notamment la notion de « l’espace méditerranéen qui a une communauté de destin ». Il rappelle les attentats de Bruxelles qui font suite à ceux de Paris : « Nous assistons à un embrasement de la peur, un développement du racisme ». Pour lui : « Face à cette crise de civilisation nous avons besoin de l’Algérie, nos deux pays doivent peser de tout leur poids ». Et d’ajouter, s’adressant, aux organisateurs de la Journée, la Chambre Algérienne de Commerce et d’Industrie en France : « C’est grâce à des structures telle que la vôtre, le rôle que peuvent jouer les personnes originaires d’Algérie, de nationalité française, les binationaux qui ont la chance considérable de bénéficier de deux cultures, que peut naître l’espoir attendu sur les deux rives de la Méditerranée ».
Moussa Benhamadi, ancien ministre, président du groupe Condor considère pour sa part : « Nous devons reconsidérer notre approche économique. Il faut qu’un équilibre s’instaure dans nos relations avec l’Europe. Il faut des investissements massifs en Algérie de nos partenaires européens et en premier lieu françai ». Medhi Bournissa apporte son expertise et lance : « Venez, on vous attend, les équipements sont là, la population est jeune, formée. Le pays dispose d’une énergie peu chère, tout est là pour réussir ». Il est également mis en avant le fait que le SMIC est peu élevé en Algérie : 165 euros contre 170 en Bulgarie, 190 en Roumanie et 200 en Chine. « Cela avec le taux d’alphabétisation le plus élevé du monde arabe ».
« L’Algérie a un potentiel considérable »
Pour l’économiste Alexandre Kateb : « Nous sommes tous conscients que l’Algérie a un potentiel considérable et qu’elle doit changer de modèle économique et sortir de la dépendance aux hydrocarbures. Aujourd’hui l’impératif est de passer à un modèle de plus en plus diversifié, basé sur l’investissement privé plus que sur l’investissement public et la commande publique ». Une évolution qu’il juge d’autant plus possible que : « les infrastructures algériennes permettent une connexion de l’ensemble du territoire alors que les barrages accroissent le potentiel agricole du pays avec aujourd’hui des excédents, notamment de pomme de terre, ce qui pose la question de la transformation agroalimentaire ». Il met l’accent « sur le monde qui change, de nouveaux partenaires arrivent, la Chine est devenue le premier partenaire économique de l’Algérie ». Le propos fait réagir Jean-Louis Levet qui reconnaît que la Chine est passée devant la France « mais, les productions chinoises sont encore de mauvaise qualité même si leur qualité va progresser. Les productions françaises sont de meilleure qualité et, de plus, la France reste le premier investisseur en Algérie ».
Par Michel CAIRE - Source de l'article Destimed
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