Nous publions ci-dessous, une contribution d'Issad Rebrab, président fondateur du groupe Cevital, parue dans le dernier numéro d’“Afrique-Tribune”, qui rappelle que Cevital est “le premier groupe privé algérien hors hydrocarbures, avec plus de 4 milliards de dollars de chiffre d'affaires et plus de 18 000 collaborateurs”.
Après des années d'“afro-pessimisme”, nombreux sont les analystes et les économistes à faire le pari d'une émergence et d'une croissance durable de l'Afrique. Ces dix dernières années, les taux de croissance annuels de nombreux pays sont passés à plus de 6%, voire 8%. Mais il reste encore à faire transformer les promesses en développement économique durable. L'essor du Continent ne doit plus passer par des aides publiques qui ont montré les limites de leur efficacité, mais par de véritables partenariats économiques et techniques qui s'enrichissent mutuellement.
L'Europe doit désormais pleinement inscrire sa relation avec le Continent dans une logique gagnant-gagnant qui nécessite autant la mobilisation des gouvernants africains que des dirigeants européens.
L'Afrique a besoin d'affirmer un choc de croissance pour stimuler la diversification de son économie, réussir une politique d'industrialisation et résoudre les paradoxes de son abondance. Grenier aux terres fertiles, l'Afrique compte 60% des terres arables mondiales inexploitées et dispose de plus de 30% des ressources minières de la planète. Mais son taux d'industrialisation n'est que de 11%. L'expansion économique des pays est freinée par l'enclavement d'une partie de leurs territoires et à leur éloignement des centres névralgiques.
Pour réussir le pari de sa transformation économique, l'Afrique dispose de ressources financières allouées par des investisseurs de premier plan. Elle doit maintenant affirmer une volonté politique forte pour mettre en œuvre d'ambitieux programmes de transports transnationaux, avec l'appui de partenaires solides. Seul un maillage d'infrastructures ferroviaires, portuaires, routières et aéroportuaires modernes garantit la circulation des hommes et des marchandises, le commerce intra-africain et, par-delà, l'intégration pleine et entière du Continent dans l'économie mondiale. Ces programmes doivent porter une vision continentale intégrée. Alors que les capacités du transport routier actuel sont à bout de souffle, il est impératif d'opter pour de véritables alternatives durables. Parmi les programmes viables, la solution que je propose est la construction de trois lignes de chemin de fer transcontinentales, modernes et économes en énergie : l'une partant de Cap Djenet en Algérie jusqu'en Afrique du Sud en passant par le Niger, le Tchad, la Centre-Afrique et la République démocratique du Congo ; l'autre de Béchar à l'ouest de l'Algérie jusqu'au Nigeria en passant par Bamako au Mali ; enfin la troisième, sur un axe horizontal de Djibouti à l'Atlantique.
Ces tracés repensent les axes de transport de façon aussi révolutionnaire et innovante pour le commerce mondial que le canal de Suez lors de son ouverture en 1869. Il s'agirait bien entendu d'interconnecter ces nouvelles lignes avec les infrastructures ferroviaires existantes.
Mon projet ferroviaire repose sur des études de faisabilité solides et une évaluation budgétaire précise. Les réductions attendues de coûts de transport avoisinent 30%. Grâce à ce raccordement aux ports méditerranéens d'où elles pourront exporter leurs productions ou importer des biens, les pays de l'hinterland, ainsi désenclavés, verront leur attractivité territoriale grimper et leur PIB doubler en moins de dix ans.
En décembre 2013, lors de la conférence de Bercy “Pour un nouveau modèle de partenariat économique entre l'Afrique et la France”, la ministre nigériane des Finances, Ngozi OkonjoIweala, avait enjoint investisseurs et politiques européens à s'engager efficacement pour le développement des pays africains :
“Ceux qui ne sont pas encore sur le terrain doivent commencer maintenant. Si vous manquez le bateau, si vous n'êtes pas en Afrique maintenant, vous allez rater l'occasion de toute une vie.”
Plus que jamais, cette formule doit se traduire concrètement. Le programme “Compact avec l'Afrique”, proposé par l'Allemagne et soutenu par la France lors du dernier G20, doit être le socle du nouveau partenariat Europe-Afrique. Ce programme encourage les réformes structurelles menées par chaque pays africain, tout en soutenant l'expertise technique proposée par leurs partenaires internationaux. Il facilite les investissements durables du secteur privé dans les infrastructures et lutte contre le chômage.
Les deux continents ont tout à y gagner pour générer de la croissance de part et d'autre de la Méditerranée. Aujourd'hui, près de 40% des jeunes d'Afrique subsaharienne expriment une forte volonté d'émigrer. L'Europe, première destination de cette immigration du désespoir, doit être un acteur engagé et engageant de la transformation économique du continent.
Source de l'article Liberté Algérie
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