Terrorisme, Libye, commerce parallèle... voici quelques uns des fléaux de l'économie tunisienne. Au lendemain des attaques de Tunis qui ont visé le tourisme, secteur clé du pays, L'Express s'est entretenu avec Wided Bouchamaoui, patronne des patrons tunisiens.
24 heures après les attaques au musée du Bardo à Tunis, le pays se mobilise. Les autorités font preuve de fermeté pour montrer que la vie continue, et le milieu des affaires n'échappe pas à la règle. Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica, seule organisation patronale du pays (150 000 entreprises adhérentes) se projette sur les défis de la jeune démocratie tunisienne.
Entretien avec l'une des femmes les plus influentes du continent.
Quelle est la situation au lendemain de l'attaque du musée Bardo à Tunis?
Wided Bouchamaoui: La vie reprend, on est là, au travail. Mais je pense qu'il faut se poser la question du pourquoi ces terroristes ont touché la culture et le tourisme, deux secteurs qui font vivre beaucoup de gens ici. Nous sommes une exception dans le printemps arabe, la seule vraie démocratie.
Alors oui, c'est un coup dur porté à l'économie tunisienne mais nous resterons toujours forts. Nous avons besoin d'être solidaires, que l'on oublie nos divergences. Mais nous avons aussi besoin de la solidarité internationale pour que réussisse cette démocratie. Il faut que les touristes et les investisseurs reviennent.
Parce qu'ils ont déserté le pays?
Non, mais il est important qu'ils ne partent pas. Nous avons sur notre territoire 3 300 entreprises étrangères. Un petit nombre a quitté le pays, essentiellement pour des raisons économiques. Mais la majorité continue d'investir et croit dans la situation géographique du pays, ainsi que dans sa main d'oeuvre qualifiée. Depuis la Révolution, nous n'avons pas senti un véritable fléchissement des investissements. Nous avons un gouvernement stable, pour cinq ans, et des réformes sont en cours sur le plan économique.
On craint beaucoup pour le tourisme, un des piliers de l'économie tunisienne. Quels autres secteurs peuvent être impactés avec ces attaques?
Derrière le tourisme, il y a d'autres secteurs qui risquent de souffrir. A commencer par l'artisanat qui fait vivre 400 000 personnes (soit autant que le tourisme, ndlr). Et justement, le client ''number one'' de l'artisanat, c'est le touriste. Ce secteur est très important car il fait travailler des gens dans leurs régions et pas que dans la capitale. L'artisanat, c'est vraiment le premier secteur de l'économie tunisienne.
Quels sont les difficultés de cette économie?
Depuis la Révolution, jusqu'ici, nous avons une meilleure transparence mais il reste des failles, comme la qualité de nos services ou la productivité. Il nous faut prendre conscience que l'on doit améliorer ces points.
A côté de la baisse du pouvoir d'achat, notre fléau c'est l'essor du commerce parallèle. Nous avons besoin d'une autorité forte de l'Etat. Cette économie parallèle, c'est 50% des échanges commerciaux, c'est énorme. De plus, il est impératif de trouver une solution sur ce qui se passe en Libye. La communauté internationale n'en fait pas assez. Nous n'avons pas de moyens pour lutter contre la contrebande, pour surveiller nos frontières. Nous voulons du concret.
Quelle est la situation au sein des entreprises?
Il faut moins de tension sociale. C'est le moment ou jamais de ne pas alourdir la facture, de ne pas être trop exigeant sur les revendications, même si certaines sont réelles et nécessaires. Il faut patienter un peu, ne pas couper l'élan économique.
Où se situe l'avenir de l'économie tunisienne, vers l'Europe ou vers l'Afrique?
Le marché traditionnel, c'est l'Europe et on va essayer de le conserver malgré la crise. Pour nous, c'est un acquis important, mais il ne faut pas rester les bras croisés. On oublie parfois que nous sommes africains et que l'on peut devenir un hub des échanges entre l'Europe et l'Afrique. Nous voulons être des partenaires, une passerelle entre les deux continents. Pour le tourisme d'affaires bien sûr, mais aussi pour la santé qui est un enjeu important. Ça bouge en Afrique. Les Turcs et les Chinois investissent beaucoup, chacun prend sa part, pourquoi pas nous?
Par Sébastien Pommier - Source de l'article l'Express
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