C’était en janvier 2011, il y a quatre ans, au World Economic Forum. La Tunisie était en ébullition, son peuple venait d’évincer le dictateur Ben Ali et de sonner le début du Printemps arabe.
A Davos, des ministres à peine nommés étaient accourus, à la sauvette, pour dire au monde leurs espoirs, leur programme, leur envie d’avenir et de démocratie. Certains venaient de laisser en plan de brillantes carrières, du jour au lendemain, pour rentrer au bercail et servir un pays qu’ils avaient fui. Leur conférence de presse, dans une salle bien trop petite, transpirait les aspirations d’une génération qui se sentait soudain prête à mener la Tunisie vers une nouvelle ère. L’émotion était palpable.
Très vite, pourtant, il a fallu déchanter. L’équipe de Davos, si on peut l’appeler ainsi, n’a pas résisté aux luttes intestines nées sur les cendres du pouvoir déchu. Puis est venu l’épisode Ennahdha, la domination d’un parti religieux aux visions étriquées. La Tunisie a traversé un nouveau désert, instable, violent parfois, inquiétant même. Mais la Tunisie a tenu bon. Elle a rédigé sa Constitution, elle a poursuivi son processus démocratique, contre vents et marées. Mercredi, un tsunami de terreur et de haine l’a frappée.
«Notre pays est en danger», a dit le premier ministre tunisien, quelques heures après l’attentat perpétré au Musée du Bardo, berceau de la culture méditerranéenne. Il n’exagère pas. A droite sur la carte, la Libye n’en finit pas de se décomposer, et de faire le lit du fascisme qui se réclame de l’islam. Sur l’autre frontière, le pouvoir algérien, arc-bouté à la santé vacillante de son président, ressemble à un couvercle sur une marmite prête à sauter.
Mercredi, les messages de soutien habituels ont afflué vers Tunis. Aussi solennels et sincères soient-ils, ils ne remplaceront pas les actes nécessaires pour que la Tunisie puisse poursuivre le chemin entamé voici quatre ans, et ne céder ni au chaos ni aux sirènes de l’autoritarisme.
Comment aider la Tunisie démocratique? En lui allouant des moyens, en la soulageant de quelques créances, en soutenant son économie et ses représentants élus. L’Europe est aux premières loges. A elle de considérer non pas le Maghreb mais la Méditerranée et sa communauté d’intérêts millénaire. A nous de ne pas annuler nos vacances tunisiennes. La Tunisie, c’est aussi notre affaire.
Thierry Meyer, Rédacteur en chef de 24 Heures
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