Mostapha Bousmina: L’INSA, une valeur ajoutée pour l’enseignement supérieur national

L’UEMF et l’INSA peuvent jouer le rôle d’un vecteur de développement régional au niveau de la région Fès-Boulmane
Ce projet va au-delà d’un projet franco-marocain, c’est un projet avec un consortium de plusieurs pays européens

Mostapha Bousmina: L’INSA, une valeur  ajoutée pour l’enseignement supérieur nationalLe Groupe INSA et l’Université euro-méditerranéenne de Fès, en association avec un consortium d’universités européennes de premier plan dénommé EuroMedTech, viennent de lancer l’INSA Euro-Méditerranée qui constitue le 1er INSA international. 
Ce lancement a bénéficé du soutien de plusieurs ministères de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (Maroc, Tunisie, France, Espagne, Portugal, Italie...). 
Ce nouvel institut accueillera ses premiers étudiants en septembre 2015 et sera membre du Groupe INSA à part entière.Il sera intégré à l’UEMF et bénéficiera de ses infrastructures de recherche, de formations en sciences humaines, économiques et linguistiques et 
de ses infrastructures culturelles et sportives sans oublier les facilités en termes de logement et de restauration. 

Libe: Pourquoi une Université euro-méditerranéenne et quel est son impact au niveau académique et pédagogique? 

Mostapha Bousmina : Cette université émane de l’initiative de S.M le Roi qui voulait voir établir un espace d’échange, de dialogue et de coopération entre les peuples des deux rives de la Méditerranée. Et en tant qu’établissement d’éducation, elle peut contribuer au développement et à la consolidation de l’intégration régionale. C’est une vision qui dépasse la vision classique de l’université. C’est plutôt une vision politique beaucoup plus large qui comporte l’académique, le technique et le technologique. Notre objectif est justement de donner vie à cette vision via un mélange de cultures et de nationalités. 
La création de l’INSA Euro-Méditerranée qui va ouvrir en septembre prochain s’inscrit dans cet esprit. Il s’agit d’une école d’un nouveau genre basé sur un certain nombre de principes novateurs. L’objectif étant de former une élite qui n’est pas simplement celle qui maîtrise la technique. A ce propos, les inscriptions qui sont ouvertes du 20 janvier au 20 mars sur le site web www.ueuromed.org.ne concernent pas que les ingénieurs qui maîtrisent certes les technologies nouvelles, mais aussi les citoyens capables de relever les défis qui s’imposent à cette région et qui maîtrisent plusieurs langues, baignent dans un même espace multidimensionnel, multiculturel et qui partagent un certain nombre de valeurs. 

Quelle est la valeur ajoutée que peut apporter cette université au niveau académique, pédagogique et du cursus et pour le Maroc et les Marocains ? 

Il y a beaucoup d’innovations. Bien sûr au Maroc, il y a d’excellentes formations, des centres de haut niveau et des écoles qui forment de très bons ingénieurs. L'Université euro-méditerranéenne de Fès (UEMF) avec toutes ses composantes avec Lyon ou l’INSA euro-méditerranée présente quelque chose de différent 
Premièrement, c’est ce brassage des cultures. Au Conseil d’administration de l’université, outre des Marocains, on retrouve des étrangers de différents pays. Les vice-présidents, les directeurs, les doyens et les professeurs sont également de différentes nationalités. Les étudiants qu’on y retrouve viendraient de l’espace euro-méditerranéen, de la région Mena et de l’Afrique subsaharienne 
La deuxième différence, c’est que cette université ne forme pas simplement des techniciens dans tel ou tel domaine. Nous avons pensé et réfléchi avec l’ensemble des partenaires, y compris l’INSA Euro-Méditerranée, à un profil que nous donnons aux étudiants. Premier profil, les étudiants sont obligés d’aller faire une mobilité. Il y a deux types de mobilités. Une mobilité dans les intuitions partenaires de 18 mois, plus une mobilité à l’international, c’est une vraie différence. Deuxième mobilité, c’est la maîtrise d’au moins deux langues en plus de la langue maternelle et nous travaillons avec les centres reconnus dans les langues pour qu’on puisse définir les niveaux que les étudiants doivent satisfaire avant de prétendre à un diplôme. Troisième élément, c’est un esprit d’entrepreneuriat à l’intérieur de l’université, avec même un espace dédié à l’incubation des entreprises qui peuvent être créées par les étudiants et professeurs mais aussi via des collaborations avec le secteur industriel de l’extérieur de l’université. 
Quatrième élément, c’est une utilisation massive des technologies de l’information et de communication. L’université compte aussi jouer un rôle social. En effet, les étudiants doivent effectuer un stage sur des questions sociales. L’université compte donner une touche particulière à son cursus en accordant plus d’intérêt au développement durable, que ce soit dans les sciences humaines ou sociales. Un cursus qui comporte également les sciences politiques, juridiques et économiques, les sciences managériales, entre autres. 
Tout cela fait que les étudiants, avant d’avoir leurs diplômes, ont eu l’occasion de suivre des cours concernant le développement durable à même de leur permettre dans leurs responsabilités futures d’agir en respectant l’environnement suivant une approche nouvelle. Voilà ce qui caractérise et différencie cette université et l’INSA Euro-Méditerranée. 
Certes les défis sont nombreux, on prêche pour l’excellence. Nous ne ménagerons aucun effort pour réunir tous les moyens pour qu’on puisse avoir d’excellents ingénieurs. 

Quel est l’enjeu de l'Université euro-méditerranéenne de Fès (UEMF ) et l’INSA aux niveaux national, régional et international ?  

Au niveau national, c’est de donner d’abord des compétences ayant le profil demandé pour accompagner des plans sectoriels de développement au Maroc relatifs notamment aux énergies renouvelables, Maroc numérique, Emergence, Maroc Vert. Ces plans de développement sectoriels ne peuvent véritablement réussir que s’il y a des ressources humaines hautement qualifiées avec un profil international. Il faut que les lauréats soient ouverts sur le monde. 
Sur le plan local, l’UEMF et l’INSA peuvent jouer le rôle d’un vecteur de développement régional au niveau de la région Fès- Boulmane qui a besoin vraiment d’être boostée sur le plan technologique, académique et de la recherche. 
Sur le plan régional, c’est une université euro-méditerranéenne qui permettra un échange entre les différentes cultures et cela est un atout important pour le Maroc parce qu’il a une situation stratégique extrêmement importante faisant le lien mais aussi un socle liant à la fois l’Europe, l’Afrique subsaharienne et la région Mena. 
A l’échelle mondiale, ce que nous faisons avec le Groupe INSA France, à titre d’exemple, c’est quelque chose de novateur, à terme nos ambitions, c’est de former à la fois des ingénieurs de haute qualité qui peuvent rivaliser avec les meilleurs centres internationaux et aussi des chercheurs de renom à l’échelle internationale. 

Qu’en est-il du financement de l'Université euro-méditerranéenne de Fès (UEMF) et l’INSA Euro-Méditerranée ? 

Le Maroc assure une partie du financement de l’université. Le reste est pris en charge par des donateurs de la région Fès- Boulemane et autres nationaux et internationaux, des institutions européennes sachant que dans l’école INSA Euro-Méditerranée, la France a mis à la disposition de l’INSA 40 postes de professeurs permanents. 
Nous comptons aller chercher d’autres financements via des collaborations avec le monde industriel, des projets de recherche, des formations continues, etc. 

Ce projet renforcera-t-il les relations franco-marocaines au niveau de la coopération académique ? 

La normalisation des relations franco-marocaines qui se met en place actuellement, ne peut qu’être bénéfique pour les deux pays. L’axe Maroc-France est extrêmement important, malgré les menaces de forces extérieures qui veulent nuire à cette normalisation. La relation historique entre Paris et Rabat est faite pour durer. 

La création de ce genre d’institut transformera-t-il le Maroc en hub pédagogique et universitaire qui contribuera à l’extension de la France vers l’Afrique ? 

On n’est pas dans une logique de prolongement de la France vers l’Afrique. Le Maroc joue son rôle historique qui est le sien, une jonction, le chaînon qui lie l’Europe à l’Afrique et à la région Mena. Je pense à l’Université Al Quaraouiyine qui a été un vivier de rassemblement. Averroès y a enseigné, le Pape Sylvester y a étudié, d’autres philosophes y ont exercé... Le choix de la ville de Fès est pertinent via son histoire. Bien sûr, la France est un pays important et ami mais ce projet va au-delà d’un projet franco-marocain, c’est un projet avec un consortium de plusieurs pays. Et le Maroc, via la politique de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, est ouvert sur l’Afrique. Le Maroc accorde une importance capitale à l’Afrique à travers des relations historiques pour des raisons pas toujours économiques. Le Maroc a annulé la dette des pays de l’Afrique à faible revenu. C’est le pays qui accorde plus de bourses aux étudiants africains pour venir étudier au Maroc. Il a pris une initiative courageuse, novatrice et d’avant-garde, en régularisant la situation de plus de 16 mille immigrés subsahariens. 
Le Maroc qui a été un lieu de transit vers l’Europe devient de plus en plus un pays d’accueil. D’un côté, sa relation avec l’Afrique est extrêmement importante et de l’autre côté, il entretient des relations très étroites avec l’Europe. Le Maroc joue son rôle, à savoir servir de lien entre ces deux continents et de promouvoir cette intégration régionale qui est extrêmement importante pour cette région du monde. Le reste du monde se regroupe et cette région est la moins intégrée alors que nous sommes les plus proches les uns des autres. Nous sommes en train de contribuer de par son engagement académique au rapprochement entre le Maroc, l’Afrique, le Grand Maghreb et la région Mena. Nous ne sommes pas des politiques. C’est à travers l’enseignement, l’éducation et la recherche que nous contribuerons au rapprochement des chercheurs, des compétences et des intelligences pour mieux se comprendre, coopérer, collaborer et enfin pour construire cet espace méditerranéen qui nous est cher. 

Propos recueillis par L.Y - Source de l'article Libération Maroc

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