La coopération économique en Méditerranée mise à nu

Econostrum.info a réuni six acteurs et observateurs avisés pour une table ronde consacrée à la multiplicité des intervenants dans la coopération économique en Méditerranée. En s’interrogeant, de fait, sur leur efficacité.

Six acteurs majeurs de la coopération économique en Méditerranée
débattent de leur action. (photo : C. Garcia)
« Plus de la moitié de la coopération économique en Méditerranée est financée par le contribuable européen, mais il existe une incroyable multiplicité de canaux ! Au final, on ne s’y retrouve plus ! », pose Philippe de Fontaine-Vive. Le vice-président de la Banque européenne d’investissement (BEI) en charge de la Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat (Femip), s’exprimait à Marseille en ouverture de la table ronde organisée par econostrum.info, jeudi 7 novembre 2013, dans le cadre de la Semaine économique de la Méditerranée sur le thème : « Coopération économique en Méditerranée : multiplicité d’acteurs pour quels résultats ? ». 

« Aux fonds qu’alloue directement la Commission européenne, il faut ajouter ceux de la coopération bilatérale entre les pays et ceux des banques régionales », poursuit Philippe de Fontaine-Vive.

Faire émerger des projets pertinents
Mais en France, il faut aussi compter depuis vingt ans avec les collectivités. Bernard Morel, vice-président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, note toutefois que les autorités locales ne jouent qu’un rôle mineur dans la coopération : « Le budget du conseil régional PACA consacré à la coopération décentralisée s’établit à 12 M€ sur les cinq dernières années, mais l’action économique n’en est pas du tout l’élément central, soutient-il. Nous intervenons dans ce domaine essentiellement par l’intermédiaire de partenaires associatifs comme l’association de développement de la coopération industrielle (Adeci) ou par le biais du volontariat international. » 

Cette situation pourrait évoluer avec le Plan régional d’internationalisation des entreprises (PRIE) voté par l’assemblée régionale en octobre 2013. Mais Bernard Morel demeure lucide : « La Région peut aider, mais ce sont bien les entreprises qui doivent proposer leurs projets et s’engager sur place ! » 

Le manque de projets pertinents et sérieux pose bien problème aux bailleurs de fonds, comme le souligne Radhi Meddeb. Le président de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) évoque le cas de la Banque mondiale qui, en 2011, était capable de proposer une aide bien plus conséquente que le milliard qu’elle a attribué à la Tunisie, « mais sur le terrain, les projets n’étaient pas prêts ! ». 

« La coopération économique répond aux besoins des États en place. J’ai plus de reproches à formuler aujourd’hui envers les gouvernements du sud de la Méditerranée qu’envers les bailleurs de fonds internationaux ! » Noureddine Zekri, président d'Anima Investment Network et directeur général de l'agence tunisienne de promotion de l'investissement extérieur (FIPA Tunisie), abonde dans le même sens. 

La coopération économique en Méditerranée a selon lui clairement souffert des révolutions arabes : « Nous avons d’abord enregistré une grande sympathie et de nombreuses promesses de la part des bailleurs de fonds, mais cet élan reposait sur des attentes de transition rapide, assène Noureddine Zekri . Or, les nouveaux dirigeants des pays du sud ne sont pas rompus aux échanges avec les financiers internationaux. Et peu à peu, la coopération s’est estompée. »

Des procédures bureaucratiques mal adaptées
« Mais il n’y a pas que les fonds alloués qui comptent en termes de coopération économique », soutient Hugues Mingarelli, directeur Moyen-Orient et pays du voisinage méridional au Service européen pour l’action extérieure. « L’Europe soutient certes des projets, mais elle investit aussi dans l’aide macro-financière aux États ou la convergence réglementaire. » Interrogé sur la part de l’aide européenne consacrée réellement aux projets, Hugues Mingarelli ne se prononce pas : « Il n’est pas pertinent d’opposer colloques et actions de terrains. Les uns servent les autres. Si l’on va par là, les contrôles représentent aussi un coût important. Mais ils sont pourtant nécessaires ! » Et de conclure : « ces procédures longues et bureaucratiques sont mal adaptées à des pays en crise ou en transition. » 

« Le discours européen n’a pas été très original depuis vingt ans », conclut Jean-Louis Reiffers. Le président du comité scientifique du Forum euroméditerranéen des instituts de sciences économiques (Femise) dénonce une zone de libre-échange méditerranéenne asymétrique. « De plus, les sommes englouties dans la convergence réglementaire ne correspondent pas aux besoins actuels des pays ! Il faut être inventif ! »

Par Caroline Garcia - Source de l'article Econostruminfo

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