De nouveaux investissements pour le secteur automobile tunisien


Désireux d’étendre sa présence en Afrique et d’éviter les difficultés liées à l’importation, le géant automobile Peugeot a annoncé qu’il comptait assembler son tout nouveau modèle de pick-up en Tunisie.

Ce projet donne une impulsion considérable à l’industrie automobile tunisienne, tout en marquant le retour de Peugeot dans le pays après 25 ans d’absence.

Le constructeur entend investir 30 millions de dinars (10,2 millions d’euros) dans deux nouvelles usines d’assemblage à Mghira et à Sfax, où les travaux ont déjà démarré. En tout, ce sont 400 emplois directs et indirects qui devraient être ainsi créés.

Une production nationale pour augmenter les parts de marché

Peugeot table sur une ouverture de ses nouveaux sites de construction début 2018, pour une livraison des 1200 premiers véhicules d’ici l’été prochain. Le groupe vise une production de 4000 véhicules par an à partir de 2019 ; 1200 de ces véhicules sont destinés au marché tunisien et les unités restantes seront exportées vers les marchés maghrébin et sub-saharien.

Selon Jean-Philippe Imparato, le Directeur Général de Peugeot, le lancement d’une production domestique en Tunisie constitue une première étape dans la stratégie à long terme du groupe, qui cherche à regagner des parts de marché en Afrique.

Le groupe emboîte également ainsi le pas à d’autres acteurs du secteur tel que le constructeur japonais Isuzu Motors, dont les pick-ups D-Max assemblés en Tunisie depuis 2002 connaissent un vif succès, avec plus de 6000 unités vendues en 2016.

Peugeot tente actuellement d’obtenir un certificat d’origine pour faciliter l’exportation de ses utilitaires montés en Tunisie. Ce certificat exonère les constructeurs automobiles de droits de douane s’ils peuvent prouver que 40% de la valeur du produit a été créée dans le pays.

Une croissance limitée par des quotas d’importation contraignants

La décision de Peugeot d’assembler ses pick-ups sur le territoire tunisien signifie également que le constructeur ne devra plus se plier à la procédure d’importation qui implique des formalités administratives fastidieuses, en particulier lorsqu’il s’agit de nouveaux modèles.

« Pour importer un nouveau véhicule, il faut obtenir l’autorisation de la Banque Centrale de Tunisie et du Ministère du Commerce, pour ne citer que ces dernières, » a expliqué Ibrahim Debache, PDG d’Ennakl Automobiles, à OBG. « En tout, la procédure comporte 10 à 11 étapes, avec des délais et des obstacles très chronophages.»

Assembler les véhicules sur place permet aussi aux constructeurs de contourner les quotas d’importation controversés actuellement en vigueur. Si la Tunisie a soi-disant libéralisé son régime légal des importations, la réalité est quelque peu différente, et les concessionnaires ne sont autorisés à écouler qu’un quart de leurs quotas à chaque trimestre.

Cette pratique entrave grandement la visibilité des acteurs du secteur. Selon Mehdi Mahjoub, Directeur Général de Kia Motors en Tunisie, la méthode des quotas est inadaptée et a alimenté le commerce illégal d’automobiles.

« Le marché officiel ne peut pas répondre à la demande tunisienne en matière de voitures car il est fortement limité par les quotas d’importation. C’est pourquoi le marché parallèle entre en jeu afin de satisfaire la demande, » a expliqué M. Mahjoub à OBG.

Si la demande de véhicules est restée relativement stable au cours des sept dernières années en Tunisie, tournant autour des 77 000 unités en moyenne entre 2010 et 2016, les quotas d’importation font que seule une fraction de cette demande peut être assouvie. En 2016, 60 595 voitures ont été importées et 23 613 vendues illégalement, le marché parallèle représentant 28% de l’ensemble des ventes, selon des données fournies par Kia Motors Tunisie.

Les acteurs officiels du secteur doivent également faire face à des taxes d’importation élevées, auxquelles le marché parallèle échappe. « Les taux des droits de douane en Tunisie sont parmi les plus élevés du monde, allant de 20% à plus de 100% de la valeur importée, » a expliqué M. Debache à OBG. « Les fortes taxes expliquent en partie pourquoi les voitures sont si chères en Tunisie. »

En outre, les tarifs d’importation devraient augmenter en 2018 dans le cadre de la nouvelle Loi de Finances, qui stipule une hausse du droit de consommation et de la TVA sur les véhicules de 4% et 1% respectivement. Il y a tout lieu de penser que cette mesure suscitera un regain d’intérêt pour le marché parallèle de l’achat de véhicules.

Les acteurs du secteur appellent de leurs vœux une libéralisation des importations de véhicules

Dans ce contexte difficile, les concessionnaires automobiles continuent de militer ensemble en faveur de l’élimination des quotas d’importation, mais certains responsables de l’élaboration des politiques en question restent farouchement opposés à la libéralisation, en partie du fait du déficit commercial de la Tunisie, qui atteint 11,5 milliards de dinars (4 milliards d’euros). Certains craignent qu’avec la libéralisation de l’importation des véhicules le marché ne soit inondé de nouveaux véhicules, ce qui ne ferait qu’aggraver encore davantage le déficit commercial du pays.

Une proposition officielle de libéralisation partielle de l’importation des voitures dont la cylindrée est supérieure à 1,6L a été soumise cette année, ce qui constitue un signe encourageant.

En attendant l’évolution de la règlementation, installer des usines d’assemblage dans le pays constitue toujours une option attrayante pour les constructeurs automobiles désireux d’éviter les obstacles bureaucratiques et les taxes élevées inhérents au processus d’importation de véhicules en Tunisie.


Source de l'article Oxfordbusinessgroup

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