Les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) pourraient trouver une source de prospérité dans leur population jeune et de plus en plus instruite s’ils parvenaient à créer un environnement propice à une concurrence ouverte et à se doter de systèmes éducatifs qui enseignent les compétences adéquates.
Tel est le constat d’une prochaine publication du Groupe de la Banque mondiale consacrée à l’emploi dans la région MENA. Le rapport analyse en détail les nombreux facteurs responsables de l’un des plus forts taux de chômage des jeunes au monde, et de l’un des plus faibles taux d’emploi des femmes. Il suggère un ensemble de réformes destinées à tirer parti du vaste potentiel humain inexploité de la région.
« Sous le slogan ‘pain, liberté et dignité’, les peuples du monde arabe ont exprimé une exigence de changement et des attentes immenses, en particulier parmi les jeunes, affirme Inger Andersen, Vice-présidente de la Banque mondiale pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Il s’agit là d’une occasion sans précédent d’adopter les réformes qui permettront d’instaurer les conditions d’une croissance plus vigoureuse et de créer les emplois, plus nombreux et de meilleure qualité, dont la région a besoin. La vocation de ce rapport est de montrer comment l’on peut saisir cette occasion. »
Pour que le secteur privé de la région MENA devienne un moteur de la croissance économique et de la création de bons emplois, il est avant tout impératif d’accroître la concurrence. L’environnement actuel continue en effet de protéger quelques entreprises privilégiées, via une réglementation complexe et appliquée de manière inégale, et un accès limité au crédit. Cet environnement aboutit à une situation qui favorise ceux qui sont déjà dans la place au détriment de ceux qui n’y sont pas, ce qui contribue à brider l’innovation et la créativité — alors que ces deux facteurs ont joué un rôle particulièrement important dans l’expansion rapide des économies d’Europe de l’Est et d’Asie du Sud. Le rapport met en évidence plusieurs remèdes visant à faciliter l’implantation des entreprises nouvelles. Il s’agit, entre autres, de simplifier nettement la réglementation, de responsabiliser les agents et instances chargés de la faire appliquer et d’édifier l’infrastructure financière nécessaire pour élargir l’accès au crédit. La réduction des obstacles tant à l’entrée qu’à la sortie dynamiserait le secteur privé, ce qui soutiendrait l’investissement et l’innovation avec, à la clé, une hausse de la demande de main-d’œuvre.
Outre l’existence d’un environnement qui étouffe la concurrence, la région MENA pâtit d’un ensemble de réglementations et d’incitations qui freinent le recrutement et font qu’il revient moins cher d’acheter et d’utiliser des machines que d’embaucher de la main-d’œuvre. En effet, de même que les règles actuelles protègent un petit nombre d’entreprises, le droit du travail qui restreint la capacité d’un employeur à gérer ses effectifs protège, au bout du compte, les rares privilégiés qui ont un emploi (principalement des hommes plus âgés). Pour y remédier, le rapport recommande de renforcer les filets de protection sociale et les allocations de chômage tout en assouplissant la réglementation pour accroître la mobilité des travailleurs et promouvoir l’embauche. Par ailleurs, il convient de supprimer les subventions à l’énergie dans la mesure où elles rendent les coûts d’achat et de fonctionnement des machines plus faibles que les coûts de recrutement et dissuadent dès lors les entreprises d’embaucher.
Enfin, dès que le secteur privé sera prêt à embaucher, il faudra engager des réformes pour lui permettre de trouver les qualifications qui correspondent à ses besoins. Dans la région, le secteur public demeure le principal employeur, promettant sécurité de l’emploi et bonnes conditions de travail. En conséquence, la plupart des plus talentueux et des plus qualifiés préfèrent attendre de trouver un poste dans le public en raison des nombreux avantages qui vont avec, sachant que ce type d’emploi n’est pas toujours associé à la productivité sociale la plus substantielle. Dans un tel contexte, la réussite dépend trop souvent des relations personnelles plutôt que des aptitudes, ce qui, là encore, ne profite qu’aux plus privilégiés. Cet environnement a aussi des répercussions sur les systèmes d’enseignement, qui donnent la priorité aux compétences qui intéressent le secteur public, au détriment de celles requises par le secteur privé. Dans la région MENA, le nombre d’employeurs qui se plaignent de la difficulté à trouver du personnel disposant des qualifications dont ils ont besoin est l’un des plus élevés au monde. Le rapport propose de diminuer l’attrait du secteur public en alignant ses rémunérations et ses avantages sur ceux du secteur privé, ainsi qu’en réformant les systèmes d’enseignement de manière à ce qu’ils forment à des compétences plus adaptées. En outre, il faudrait des politiques spécifiques pour lever les obstacles auxquels les femmes se heurtent, en leur garantissant un environnement de travail sûr et en tenant compte des tâches domestiques qu’elles assument en plus. L’ensemble de ces réformes orienterait le flux des travailleurs les plus qualifiés vers les secteurs les plus productifs, et un lien plus étroit entre les universités et le secteur privé non seulement favoriserait l’élaboration de cursus plus appropriés, mais aiderait également les élèves à prendre des décisions plus éclairées concernant le choix de leurs études.
« Il faut que le passage des études à la vie professionnelle soit plus clair pour les jeunes de la région, estime Steen Jorgensen, Directeur du secteur Développement humain à la Région MENA de la Banque mondiale. Le secteur privé doit indiquer aux étudiants quelles compétences sont les plus appréciées, tandis que l’enseignement supérieur doit adapter son offre de cursus en conséquence. »
Au-delà de l’identification des problèmes et de la présentation de solutions, le rapport prend acte des problèmes rencontrés par les autorités pour établir et maintenir le consensus nécessaire au changement. La forte demande de démocratie et d’abolition du système de privilèges confère à celles-ci un mandat important. Dorénavant, le processus doit être entièrement transparent et avoir pour objectif de mobiliser les nouveaux mouvements nés du Printemps arabe. Les gouvernements des pays de la région pourraient renforcer leur crédibilité s’ils réalisent des investissements produisant des résultats rapidement visibles et mesurables : investissements dans des programmes de formation destinés à faciliter l’acquisition de nouvelles compétences et à améliorer l’employabilité, ou lancement de grands chantiers publics visant à développer les infrastructures et les services sociaux essentiels via des partenariats public-privé, par exemple. Ces politiques publiques créeraient les conditions des réformes de nature à changer la donne : des réformes qui stimuleront la concurrence, qui créeront des emplois et grâce auxquelles le potentiel humain considérable de la région pourra devenir sa source de prospérité.
Source de l'article Banque Mondiale
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