La Méditerranée veut sa politique agricole commune



Cela permettrait de réduire le risque d'insécurité alimentaire, mais aurait un coût de près de 5 milliards d'euros.
La zone euro-méditerranéenne de libre-échange (Zlem), prévue par les accords de Barcelone de 1995, tarde à se concrétiser. Les droits sur les produits agricoles et agroalimentaires qui devaient diminuer d'ici à 2005 afin de favoriser les échanges entre l'Union européenne (UE) et les 11 pays du sud et de l'est de la Méditerranée (Psem) ne l'ont toujours pas été. Et pourtant, la complémentarité entre les 27 États de l'Union européenne et les Psem (Turquie, Égypte, Algérie, Maroc…) est grande.
Ces pays «sont lourdement déficitaires en produits alimentaires de base: lait, viande, céréales et oléagineux, tandis que l'UE est largement exportatrice de ces produits», souligne Jean-Louis Rastoin, professeur à Montpellier SupAgro, coauteur d'une étude sur la construction d'une PAC euroméditerranéenne. Ainsi, les importations de l'UE en provenance des Psem se chiffrent à 8 milliards de dollars et les achats des Psem à l'UE s'élèvent à plus du double (17 milliards de dollars).
En outre, il y a urgence à mettre en place ce marché alimentaire commun. Avec une démographie forte, l'insécurité alimentaire ne fait que s'amplifier dans le bassin méditerranéen. «Elle constitue l'un des facteurs de la crise politique sans précédent que traversent les Psem», poursuit Jean-Louis Rastoin, aussi membre de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed).
En effet, la facture des importations agricoles et alimentaires des pays du sud et de l'est de la Méditerranée ne cesse de s'alourdir. En 2008, elle a atteint le chiffre abyssal de plus de 57 milliards de dollars, soit trois fois plus qu'en 2000. Et cela ne va pas en s'arrangeant. «La volatilité extrême des cours des denrées alimentaires va faire à nouveau exploser la facture, qui dépassera très probablement 60 milliards de dollars en 2013», ajoute Jean-Louis Rastoin. «Il y a donc un intérêt politique évident, compte tenu des révolutions en cours des pays arabes, à imaginer la création d'une PAC-Med», fait-il remarquer.

L'accès à l'eau
Cela permettrait, comme la PAC en son temps en Europe, une réelle modernisation des agricultures locales, une amélioration des rendements et donc de la sécurité alimentaire régionale. Mais cette politique aurait un coût. Pour garantir un revenu minimum aux paysans et mettre en place des outils d'intervention publics de soutien des cours, la facture s'élèverait à 5 milliards d'euros par an. Dix fois moins que le budget de la PAC. Toutefois, à force d'attendre, «les regards des Psem se tournent vers les pays du Golfe et la Chine, qui nous proposent d'autres coopérations et financements», reconnaît Younes Zrikem, directeur du développement du groupe marocain Tazi. Un message entendu par le leader des paysans français. «Il faut sortir du repli sur soi, mettre en place des grands sous-ensembles mondiaux cohérents pour négocier les accords commerciaux internationaux», indique Xavier Beulin, président de la FNSEA.
Parmi les questions prioritaires: la question du foncier et de l'accès à l'eau, les organisations des filières, la formation et la recherche-développement. «Il y a de nombreuses attentes dans ce domaine, et nous sommes en retrait», explique Xavier Beulin. L'Union européenne ne réalise avec ces pays du sud et de l'est de la Méditerranée que 4 % de ses ventes mondiales.

Par Eric de la Chesnais - Source de l'article le Figaro

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