Un parc d'attractions géant à
quelques kilomètres des tombes antiques de la vallée des Rois et de celle des
Reines ? Cette vision, à faire pâlir les archéologues, réjouit la presse
chinoise et les autorités égyptiennes.
La signature, le 12 avril 2012, d'un
accord prévoyant "le don" par la Chine de plus de 14 millions de
dollars à l'Egypte pour la construction d'un parc à thèmes à Louxor n'est que
l'un des nombreux investissements chinois dans des projets de plus en plus
variés et pharaoniques en Egypte.
Poursuivant une coopération
commerciale amorcée par Hosni Moubarak dans les années 1990, les Frères
musulmans, désormais au pouvoir, se lancent à l'assaut des capitaux chinois
avec une frénésie qui n'a d'égal que leur hâte de s'émanciper de la tutelle militaire
et économique américaine. Au programme : la transformation du Sinaï en
"Silicon Valley égyptienne", un réaménagement de la vallée du Nil par
l'extension des terres agricoles, l'accès à Internet à haut débit et le
développement de partenariats militaires. Projets pour lesquels la Chine est
désormais un associé privilégié.
Les investissements chinois, qui
atteignaient plus de 500 millions de dollars avant la prise de pouvoir de
Mohamed Morsi, en juin 2012, vont augmenter. Les projets sont multiples : la
construction prévue d'un train à grande vitesse entre Le Caire et Alexandrie,
d'une centrale électrique au nord d'Assouan, d'une trentaine de silos à grains,
d'une flotte de pêche en eaux profondes, d'une usine de dessalement d'eau de
mer sur la côte méditerranéenne... Afin de soutenir ces efforts, le président
Morsi, qui, en août, a consacré à Pékin sa première visite d'Etat hors du monde
arabe, a annoncé son intention d'augmenter les vols entre les deux pays de deux
à dix par semaine.
Ces projets s'appuient sur une
détermination solide. Le volume des échanges commerciaux entre la Chine et
l'Egypte a bondi, entre 2009 et 2011, de 5,5 à 9 milliards de dollars. Peu
effarouchés par la perspective de l'arrivée des islamistes au pouvoir, les
Chinois ont continué à investir en Egypte, alors que les capitaux du monde
entier étaient en fuite. Pour la Chine, l'Egypte constitue un enjeu stratégique
majeur.
Porte d'accès privilégiée aux
marchés européen et américain, avec lesquels elle jouit d'accords préférentiels
dont elle peut faire bénéficier les entreprises étrangères installées sur son
sol, elle est aussi un relais essentiel vers les marchés d'Afrique et du
Moyen-Orient. Au point qu'en 2011 les exportations chinoises dans le pays (7,28
milliards de dollars) auraient dépassé, selon l'ONU, le volume des exportations
américaines (6,18 milliards).
Cette situation inquiète les
Etats-Unis, préoccupés par la coopération militaire croissante entre les deux
pays. Les Américains, soucieux de préserver l'accès privilégié de leurs navires
de guerre au canal de Suez, voient d'un mauvais oeil la collaboration des
avionneurs chinois et égyptiens qui fabriquent déjà ensemble des simulateurs de
vol. Un câble diplomatique américain datant de 2009, révélé par WikiLeaks,
s'inquiétait déjà, à la faveur de la visite d'un officier chinois sur une base
aérienne égyptienne, de l'intérêt des militaires chinois pour les avions de
chasse vendus par les Etats-Unis au régime d'Hosni Moubarak.
Par Claire Talon Le Caire,
correspondance
Source de l'article LeMonde
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