Alexandre Touami, président, et Sanaa Moussaid, trésorière, présentent le réseau Experts France-Maghreb. Cette association créée en 2002, groupant plus de 450 experts-comptables et commissaires aux comptes, se penche sur les préoccupations transnationales des professionnels du chiffre des deux rives de la Méditerranée.
Affiches Parisiennes : Pouvez-vous nous présenter votre association ?
Alexandre Touami : Le réseau Experts France-Maghreb a été fondé en 2002 à l'initiative d'experts-comptables et de commissaires aux comptes franco-maghrébins, mais aussi des confrères français et maghrébins, puisque dès l'origine, ce réseau a été ouvert à l'ensemble de nos consœurs et de nos confrères.
La vocation de l'association est également de faire le lien entre les deux rives de la Méditerranée – notamment France, Maroc Algérie, Tunisie –, à la fois sur le plan institutionnel et sur le plan professionnel. Cet objectif est largement atteint aujourd'hui par l'intermédiaire de nombreuses actions qui ont été lancées entre la France et le Maghreb, notamment à travers la délocalisation des stages et l'accompagnement d'investisseurs au Maghreb.
Auparavant, ces stages préparant au diplôme d'expertise-comptable se déroulaient obligatoirement en France. Pour les futurs confrères marocains, algériens ou tunisiens, cette obligation était très contraignante, de l'obtention d'un visa à la recherche du stage. Depuis huit ans, ils peuvent intégrer l'un des cabinets de leur pays d'origine, et apprendre le métier auprès de confrères qui ont effectué leur formation initiale en France.
A.-P. : Vous avez donc œuvré à faire reconnaître le stage professionnel effectué dans un pays du Maghreb…
A. T. : Oui, tout à fait, notamment au Maroc. C'est dans ce pays du Maghreb qu'il y a le plus d'experts-comptables stagiaires. Un contrôleur de l'Ordre français, souvent membre du réseau, va sur place s'assurer du bon déroulement des stages. Voilà l'un de nos objectifs premiers qui a pu être réalisé. Un autre objectif concernait la formation.
Nous souhaitions mettre en place le même cursus qu'en France, sachant que les pays du Maghreb ont un diplôme d'expert-comptable national auquel vient s'adjoindre le diplôme français. Depuis un peu plus de deux ans, le réseau est à l'initiative d'une reconnaissance mutuelle de ces diplômes. En fait, notre réseau est conçu comme un espace d'échanges de compétences et d'expériences qui joue un rôle de catalyseur entre les deux rives.
A.-P. : Combien avez-vous de membres au sein de ce réseau ?
A. T. : Nous avons actuellement plus de 450 membres au sein de notre réseau en France, avec une très forte implantation en région parisienne où près de 350 experts-comptables et commissaires aux comptes nous ont rejoints. Nous avons également des membres dans le Nord, en Rhône-Alpes, en Paca… Nous avons d'ailleurs pour ambition de créer des bureaux secondaires, notamment à Lille et Montpellier, voire à Lyon.
Bien entendu, nous avons également des membres au Maghreb, mais nous sommes contraints de limiter le nombre, car nous n'avons pas les moyens de répondre à toutes les sollicitations. Il faut savoir que durant les trois dernières années, nous avons travaillé en partenariat avec les Ordres des experts-comptables de chaque pays du Maghreb, parce que leurs présidents sont membres de droit de notre réseau.
Nous avons collaboré avec eux pour réaliser des actions locales et ce partenariat devrait se développer plus encore car le réseau est très sollicité par les Ordres pour organiser des manifestations sur l'autre rive de la Méditerranée. Il n'est pas exclu que notre traditionnelle soirée annuelle, qui rassemble une grande partie de nos membres, se déroule bientôt dans un pays du Maghreb, peut-être l'Algérie qui nous a proposé d'organiser l'événement.
« Notre réseau est conçu comme un espace d'échanges de compétences et d'expériences qui joue un rôle de catalyseur entre les deux rives. » Alexandre Touami
A.-P. : Vous organisez d'autres manifestations ?
A. T. : Oui, notamment la manifestation sur la loi de Finances. Cette année, nous organisons cette conférence le 19 janvier prochain, à Paris.
A.-P. : Pouvez-vous nous présenter cet événement ?
A. T. : Je laisse notre trésorière et responsable de commission Sanaa Moussaid, très impliquée dans l'organisation des manifestations, vous présenter cette conférence…
Sanaa Moussaid : Nous organisons cette conférence, ouverte et gratuite, pour la deuxième année consécutive. Notre but est d'informer les confrères sur les impacts fiscaux et juridiques de la loi de finances. La première édition, en février dernier, a rencontré un franc succès auprès de nos membres. Nous intéressons toujours plus de consœurs et de confrères sur ce point d'actualité à la fois fiscal et juridique. L'information reste l'un des principaux objectifs de notre réseau France-Maghreb.
C'est Jean-Pierre Cossin qui va animer cette conférence consacrée à la loi de Finances. Il est conseiller maître honoraire à la Cour des comptes et professeur associé à l'université de Créteil Val-de-Marne. Cette conférence est organisée en partenariat avec Cegid, l'éditeur de logiciels. À l'issue de l'intervention de Jean-Pierre Cossin, les confrères pourront échanger entre eux et avec l'intervenant, autour d'un cocktail.
A. T. : Le sujet phare de cette loi de Finances 2017 est naturellement le projet de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu à compter du 1er janvier 2018. Sa concrétisation va être très impactant pour les experts-comptables. La mise en place de cette réforme qui commence cette année n'est pas simple… En 2017, nous mettons également en place la dernière phase de la déclaration sociale nominative censée remplacer et simplifier la majorité des déclarations sociales en automatisant leur transmission à partir des données de paie. Cette DSN est le prélude à la préparation de la retenue à la source. Mais on n'est pas à l'abri d'un éventuel changement après les élections de 2017, à suivre…
A.-P. : On parle beaucoup de simplification en ce moment…
A. T. : On parle de simplification depuis des années, mais nos missions, sur le plan pratique, n'en finissent pas de se complexifier. Par ailleurs, nous sommes dans la globalisation, mais la situation n'est pas la même pour les grandes entreprises et pour les TPE et les PME. En termes d'application, ces dernières ont beaucoup plus de mal à évoluer.
« Le réseau peut aider les consœurs et les confrères dont les clients souhaitent s'installer au Maghreb. Nous pouvons leur trouver des appuis et des contacts sur place. » Sanaa Moussaid
A.-P. : En matière de numérique, votre réseau Export France-Maghreb a-t-il entrepris une action particulière ?
S. M. : Au sein du réseau, je suis présidente de la commission “Soutien aux confrères” et à ce titre, j'ai initié un groupe de travail sur tous les outils de numérisation. Ce groupe d'une dizaine de personnes a commencé à mettre en place des préconisations autour des fonctionnalités que nous souhaitons généraliser. Un document de vulgarisation sera ensuite édité pour nos membres. Nous élaborons également un livre de procédure pour nos clients, personnalisé selon leurs habitudes en matière de comptabilité. Nous savons que si nous ne prenons pas ce virage du numérique, nos marges vont énormément baisser et certains cabinets seront plus impactés du fait de la nature des missions proposées. Nous devons donc prendre très rapidement le virage.
A. T. : Le numérique, c'est l'avenir. Pourtant, encore une fois, cette mutation est complexe pour des artisans dont la comptabilité n'est pas la spécialité et qui travaillent toujours avec une facturation papier. Nous sommes en train de mettre en place des procédures pour les aider, mais ce n'est pas simple.
Nous observons le même phénomène avec les cabinets d'expertise-comptable. Les plus importants, qui ont des ressources suffisantes, parviennent à mettre prendre en compte le numérique sans trop de problèmes. En revanche, les petits cabinets affrontent de réelles difficultés parce que la mise en place d'un nouveau process totalement, faisant notamment appel à d'autres compétences, l'informatique par exemple, nécessite des moyens.
Au niveau du réseau, nous avons tellement été sensibilisés que cette problématique du numérique a été le fer de lance de notre grande soirée du 30 mai 2015. Nous avions organisé des tables rondes auxquelles toute la profession avait participé, notamment les présidents des Ordres et des syndicats.
Aujourd'hui, nous sentons une mobilisation de tous les confrères pour essayer de mettre en place des procédures de dématérialisation, notamment en aidant les chefs d'entreprise qui n'ont pas encore adopté cette voie.
A.-P. : Avancez-vous également sur le terrain de l'interprofessionnalité ?
A. T. : C'est un sujet majeur. Selon nos statuts, les adhérents de notre réseau sont exclusivement experts-comptables ou commissaires aux comptes. En revanche, il y a deux ans, nous avons aidé des avocats à créer leur propre réseau France-Maghreb, avec des objectifs similaires. Leur association est à présent en place. Nous allons à présent essayer de développer avec eux des actions communes et encourager le développement de cette interprofessionnalité que la loi facilite. C'est un projet important pour nous sur lequel nous travaillons actuellement.
A.-P. : Vos projets concernant l'interprofessionnalité vont-ils au-delà de la profession d'avocat ?
A. T. : Oui, bien sûr. Nous essayons de nouer également des partenariats avec des notaires et des huissiers de justice. Certains membres de notre réseau commencent, par ailleurs, à travailler dans un esprit interprofessionnel, notamment via des associations avec des avocats.
Au niveau du Maghreb, l'interprofessionnalité est déjà effective au Maroc et en Tunisie. En Algérie, la situation est différente.
A.-P. : Comment voyez-vous l'avenir de votre profession d'expert-comptable ?
A. T. : Globalement, les professionnels du chiffre affrontent des difficultés, compte tenu notamment des bouleversements technologiques et réglementaires que nous sommes en train de vivre. Je pense que les cabinets vont globalement réussir cette transition numérique avec l'aide des institutions. Comme vous l'avez sans doute observé notre profession est mobilisée pour sensibiliser les cabinets sur cette révolution numérique et ses impacts à la fois pour les cabinets eux-même et les entreprises. Le développement du conseil et l'accompagnement des entreprises dans leur transition numérique sont autant d'opportunités à saisir.
A.-P. : L'international peut-il aussi être une solution ?
A. T. : Le développement à l'international est aujourd'hui primordial, ne serait-ce que parce que nous évoluons dans une économie mondialisée, numérisée. Au niveau du réseau France-Maghreb, nous sommes davantage sollicités qu'avant pour donner des référents à des investisseurs qui veulent s'installer sur l'autre rive de la Méditerranée. Ces derniers souhaitent avoir des experts-comptables sur place, ayant les mêmes compétences que leurs homologues français. Depuis l'origine, nous avons aussi, dans le réseau, de nombreux membres qui ont des cabinets en France et au Maroc, ou en France et en Tunisie, ou en France et en Algérie… L'accompagnement est très important à l'international, à la fois des confrères et des entreprises, soit en France, soit au Maghreb. Le réseau est véritablement un espace de partage.
S. M. : Les compétences françaises s'exportent très bien et notamment au Maghreb et en Afrique. Nous avons des méthodes et des techniques évoluées et très structurées. Nous pouvons ainsi apporter des compétences différentes sur place. C'est ce qui permet l'enrichissement du travail entre les deux rives. Même si les réglementations sont différentes, le socle est le même et nos compétences sont aujourd'hui internationales. Certains de nos membres interviennent également en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne.
Notre profession du chiffre est également impactée par le phénomène d'uberisation. On ne peut donc plus se cantonner à la comptabilité traditionnelle.
Nous devons proposer de nouvelles missions et, en ce sens, l'international est évidemment un axe de développement.
Le réseau Experts France-Maghreb organise sa conférence annuelle consacrée à la loi de Finances, le 19 janvier prochain à Paris de 18h30 à 22h30.
Source de l'article Affiches parisiennes
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