Bateau de pêche au thon en Méditerranée. Mai 2010 @AFP |
Du phytoplancton aux grands mammifères marins, toute la productivité de la mer Méditerranée a connu une chute drastique entre 1950 et 2011. En cause les pollutions terrestres, le réchauffement climatique et la surexploitation
Chaîne alimentaire. " La Méditerranée concentre tous les problèmes et ne va pas très bien ", affirme la biologiste marine Marta Coll, auteur principal de l'article sur les "changements historiques de l'écosystème de la mer Méditerranée" qui vient d'être publié dans Nature. Pour la première fois, une étude porte sur la chaîne alimentaire d'une mer entière. Le travail s'appuie sur une modélisation portant sur 103 groupes d'espèces marines, du phytoplancton aux plus gros prédateurs en passant par les mollusques, les petits pélagiques (sardines, anchois), les crustacés, les algues et même les poissons des grandes profondeurs. La Méditerranée a été séparée en quatre grands secteurs : la Méditerranée ouest, la mer Ionienne et la Méditerranée centrale, l'Adriatique et enfin la mer Egée et l'est du bassin. Résultat : les populations des espèces de poissons commerciales et non-commerciales diminuent de 34%, les prédateurs supérieurs (thonidés, requins) reculent de 40% et les mammifères marins de 41%. Les organismes du bas de la chaîne alimentaire baissent, eux, de 23%.
La Méditerranée est un "hot spot" du réchauffement climatique
Cette chute de la productivité primaire de l'ensemble du bassin, c'est-à-dire la biomasse produite par l'ensemble des êtres vivants dans la mer, a des causes multi-factorielles. " Celles qui semblent avoir le plus d'impact, ce sont les pollutions terrestres et le réchauffement climatique, expose Philippe Cury, directeur de recherche à l'Institut pour la recherche et le développement (IRD).Cette pression humaine affecte directement la production en phytoplanctons qui forment la base de l'alimentation de toutes les espèces présentes ". La Méditerranée est un "hot spot" du réchauffement climatique. Comme elle est une mer fermée, sa température augmente beaucoup plus vite que dans les autres régions marines. La surpêche systématique sur toutes les espèces et pratiquée sur tout le bassin aggrave cette situation en affectant le renouvellement de générations de nombreuses espèces. On voit ainsi apparaître des signes de déséquilibres aux causes multiples qui affectent le secteur méditerranéen de la pêche. Ainsi de la raréfaction de petits pélagiques comme la sardine ou l'anchois ou encore l'augmentation exponentielle des populations de méduses.
Une baisse de productivité qui affecte la pêche
Secret. Obtenir une tendance globale de la vie en Méditerranée a été un véritable travail de romain. Le grand intérêt de l’étude est en effet de donner des tendances générales alors qu’auparavant n’existaient que des travaux de recherche limités à quelques espèces dans des zones bien précises. « Or, le principal problème, c’est l’accès aux données, déplore Philippe Cury. Les organismes de recherche tout autour du bassin ont trop tendance à vouloir conserver leurs résultats pour eux quand on ne se voit pas opposer le secret entourant des données économiques ». Il a donc fallu fédérer des équipes françaises, italiennes, espagnoles et canadiennes pour se faire ouvrir les portes des laboratoires et convaincre les administrations de fournir les informations. Les chercheurs ont par ailleurs dû faire face aux données lacunaires des années 1950 et 60 en construisant un modèle rétrospectif qui puisse donner une trajectoire solide de l’évolution des populations marines. « Le résultat est un excellent point de départ bien que je pense que l’étude est plutôt conservatrice, la situation générale me paraissant bien plus grave », précise Philippe Cury.
Cette baisse de la production marine, les pêcheurs la vivent déjà. Ils prennent moins de poissons qui sont plus petits. Selon un rapport de l’ONG Oceana, 96% des stocks des eaux européennes sont surexploités. La disparition de la ressource pose d’autant plus problème que 80% de la pêche méditerranéenne est pratiquée par des bateaux artisanaux de moins de dix mètres. Aussi, les ministres de la Pêche des deux bords de la Méditerranée viennent-ils de décider d’un plan sur dix ans pour sauver les stocks de poissons. L’une des premières mesures est d’évaluer précisément et de manière scientifique d’ici 2020 l’état des populations de poissons. Les chercheurs ont commencé par avance à répondre à la demande.
Par Loic Chauveau - Source de l'article Sciences & Avenir
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