Sise en étau entre une vingtaine de pays de trois continents, la mer Méditerranée concentre les défis et les solutions de demain pour notre Océan et notre Climat.
La COP22 de Marrakech en novembre 2016 et la conférence « Quelles solutions pour la mer Méditerranée ? » du Ministère de l’Environnement en février 2017 ont montré comment la Méditerranée pouvait être un milieu d’échanges et de solutions. Cette « mer au milieu des terres » continuera-t-elle d’être au centre des attentions en 2017 ?
©Institut océanographique Paul Ricard/ Patrick Lelong |
Océan modèle
Qualifiée de « petit océan » par Ségolène Royal, Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des Relations internationales sur le climat, la Méditerranée est une illustration miniature de l’océan global : les modifications qu’elle subit actuellement se reproduiront à l’échelle mondiale.
Depuis toujours lieu d’échanges et carrefour de civilisations, la Méditerranée fait face aujourd’hui à de nouveaux défis : croissance démographique, surtout dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée, intensification des migrations sous l’effet des changements politiques ou environnementaux.
Environ un tiers de la population des pays méditerranéens vit sur le littoral. La zone côtière est ainsi particulièrement sollicitée par les activités humaines : pêche, développement de l’aquaculture, tourisme de masse (la Méditerranée est la 2e destination au monde pour les croisières), urbanisation du littoral, pollutions (plastiques, eaux usées, etc.).
La Méditerranée est un milieu singulier : petite superficie (moins de moins de 1 % de l’océan global), faible profondeur comparée à l’océan global (1300 m en moyenne), connectivité limitée avec l’océan, et marée d’amplitude réduite (moins de 50 cm). Ces caractéristiques la rendent plus vulnérable aux changements climatiques. Lors des 30 dernières années, la température moyenne des eaux côtières a augmenté d’environ 1°C.
En outre, la plupart des espèces marines sont très sensibles aux variations de température. Par exemple, le barracuda a modifié son aire de répartition géographique du sud vers le nord. D’autres espèces, n’ayant pas d’échappatoire, voient leur population diminuer. Or, la Méditerranée est considérée comme un hotspot de biodiversité (une zone critique possédant une grande richesse de biodiversité particulièrement menacée par l’activité humaine). Elle regroupe ainsi une flore exceptionnelle, entre 15 000 et 25 000 espèces, dont 60 % sont endémiques (selon l’UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Enfin, l’intensification des phénomènes extrêmes tels que les sécheresses et les pluies diluviennes va impacter la biodiversité et les populations humaines.
Tous ces enjeux rendent donc essentiel de renforcer les connaissances scientifiques et techniques, de protéger et gérer cette mer primordiale à l’économie des pays qui l’entourent.
©Institut océanographique Paul Ricard/ Patrick Lelong |
Laboratoire d’initiatives
Cependant, des solutions existent pour gérer, conserver et, le cas échéant, restaurer la mer Méditerranée, au centre des attentions politiques depuis plusieurs années déjà.
Face à la perte de biodiversité observée, le réseau MedPAN, membre de la Plateforme Océan et Climat, se mobilise pour tisser un réseau d’Aires Marines Protégées. Il regroupe une centaine d’institutions et d’ONG de 18 pays qui gèrent ou sont impliquées dans les aires marines protégées. Un réseau cohérent est un moyen efficient de préserver et régénérer une biodiversité en déclin. Or, la biodiversité rend des services aux populations méditerranéennes : la pêche bien sûr, mais aussi la capture de carbone, la protection du littoral, etc.
Le développement de l’ingénierie écologique, d’une approche écosystémique et des cadres légaux permettent d’expérimenter des études de restauration des écosystèmes dégradés. Le milieu naturel peut retrouver ses fonctionnalités (lieu de reproduction pour certaines espèces,…), grâce à la restauration écologique qui accélère ce processus. Il est important d’associer l’ensemble des acteurs : pêcheurs, scientifiques, élus, pour la réussite de ces projets. Par exemple, l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse* est particulièrement active sur ce sujet. Elle a participé à l’Opération Récifs Prado, qui a consisté à immerger des récifs artificiels pour favoriser le retour d’espèces. La restauration écologique bénéficie de ces programmes de recherche et plusieurs guides ont été produits pour connaître les habitats naturels, identifier et répertorier les dégradations, définir les sites et les moyens de restauration.
Ces solutions sont à partager et à adapter : c’est le retour d’expériences, les spécificités culturelles et géographiques, la collaboration multi-acteurs qui facilitent la réussite d’une initiative. Cette capacité d’innovation montre bien que la Méditerranée, espace emblématique des pressions anthropiques et climatiques sur l’océan global, est aussi un laboratoire d’initiatives et de solutions. Avec l’aide de fédérateurs tels que l’Alliance d’initiatives Océan et Climat et des engagements politiques forts des États pendant la COP22, comme ceux de la France, les bonnes solutions pourront être partagées et s’enrichir mutuellement. La mer Méditerranée a un intérêt non seulement environnemental mais également patrimonial : une mer en bonne santé est le meilleur moyen pour les pays riverains de continuer à en bénéficier.
* Créées en 1964, les agences régionales de l’eau ont pour mission de gérer les ressources en eau, de lutter contre la pollution et de protéger les milieux aquatiques. A ce dernier titre, celle de Rhône Méditerranée Corse est particulièrement impliquée sur le littoral français en Méditerranée.
Par Claire Bertin et Julien Voyé - Source de l'article Blog Le Monde
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