Les propositions de communications
doivent être adressées avant le 10 juillet 2013 par courrier électronique
(malamutelisabeth@yahoo.fr). Elles doivent être accompagnées d’un résumé d’une
page, à défaut duquel il ne sera pas possible de les prendre en compte. Le
comité scientifique fera connaître début octobre les contributions retenues.
Argumentaire scientifique
Le
titre mérite explication : il s’agit de concilier l’histoire de la Méditerranée
et l’histoire des villes. On se demandera s’il y a une spécificité
méditerranéenne à l’histoire des villes.
La problématique se fonde sur
l’articulation époque médiévale – temps moderne selon trois concepts :
adaptation, transformation et/ou rupture. Elle sera présente dans les
différents champs sémantiques envisagés : l’espace, les activités,
l’urbanisme/l’urbanisation/, le temps, la culture. C’est encore un autre aspect
d’une histoire urbaine qui a alimenté nombre d’études depuis Lewis Mumford (La
Cité à travers l’histoire, Paris, Seuil 1964).
1) L’espace
La
ville est un ensemble matériel et immatériel produit par une société vivant
dans un environnement particulier temporel et spatial (Les villes et le monde,
Du Moyen Âge au XXe siècle, éd. M. Acerra et alii., PUR, 2011), qui implique
une diversité d’expériences historiques : divergent-elles ou convergent-elles
dans la longue durée ? Y a-t-il une spécificité de l’espace méditerranéen ?
L’opposition Nord-Sud est-elle pertinente et se conjugue-t-elle avec
l’opposition supposée Ouest-Est ?
On
rappellera les trois zones de l’époque médiévale : la méditerranéenne (la
civitas se perpétue), l’européenne du Nord-ouest (la civitas et le portus), la
germanique et anglaise (la ville née des marchands). Ces critères, largement
périmés à l’époque moderne, perdent de leur sens à l’époque médiévale entre les
villes byzantines qui se transforment à partir des structures de la ville
romaine et les villes musulmanes qui naissent de rien ou presque. Dans
l’Occident médiéval chrétien coexistent également des types de villes et de civilisations
urbaines différentes (emporia; castra). Quel fut le devenir de ces différents
types urbains à l’époque moderne : y a-t-il eu adaptation à l’existant ou
transformation et rupture ? Se produit-il une fracture à l’époque moderne qui
serait désormais pérenne et en lien avec une relative déchéance ou
marginalisation économique de l’espace méditerranéen ? Faut-il dater du XVIe
siècle ce premier fossé nord-sud alors que les villes prospères ‑ Lyon, Anvers,
Séville et Lisbonne ‑ prennent la place occupée jadis par Gênes ou Venise. La
question débouche bien évidemment sur l’étude de leurs activités. Peut-on alors
considérer qu’il y ait des réseaux spécifiques et des hiérarchies s’appuyant
sur des réalités distinctes : plus économiques au Nord, encore « médiévales »
au Sud ou bien, au contraire, y eut-il
perméabilité voire uniformisation ?
Il
conviendra toutefois de faire intervenir un autre paramètre, politique cette
fois avec l’intégration des villes à l’époque moderne dans un système
politique, celui des États. Mais alors que dire des cités-États italiennes qui
traversèrent époques médiévale et moderne? Que dire des villes « capitales » en
Méditerranée : Rome a donné l’exemple d’une mondialisation, d’une assimilation
de la ville à la civilisation, comme Constantinople-Istanbul ? Comme Cordoue?
Mais ailleurs y eut-il de véritables capitales médiévales dans l’espace
méditerranéen ou est-ce le prince qui fit des villes des capitales à l’époque
moderne ? Concevoir des degrés de « capitalité » [Voir Les Villes capitales au
Moyen Âge, 2006]. Y a-t-il une spécificité méditerranéenne dans les capitales
multiples ?
Peut-on
finalement distinguer une « Méditerranée urbaine » distincte d’une « Europe
urbaine » ? Compte tenu de milliers d’agglomérations différentes par leurs
origines, leurs formes, leurs fonctions, leur nombre d’habitants, la superficie
de leur territoire infra et extra muros ? Il faudra définir des critères qui
puissent en rendre compte. Si l’on considère la démographie urbaine et son
évolution, en particulier les grandes villes, force est de reconnaître qu’il y
en a autant au Sud qu’au Nord à l’époque moderne. Cette résistance du Sud
méditerranéen urbain n’est-elle pas à souligner ? Observe-t-on des différences
entre le Nord et le Sud au niveau des comportements démographiques et de la
mobilité des hommes ?
Une
histoire des villes renvoie à une approche géographique, morphologique,
topographique, climatique qui invite à nous interroger sur les îles considérées
comme villes, ce qui est une spécificité largement méditerranéenne ; ainsi, des
îles de la Méditerranée orientale ont une ville de même nom : Rhodes, Samos,
Kos, Corfou, etc. Les récits des voyageurs, les archives insulaires, les
correspondances consulaires permettront de pointer des activités, des réseaux
pour ces « îles-villes » qui connaissent nombre de continuités entre les périodes
médiévale et moderne.
2) Les dimensions économiques de la
ville
Plus
classique cet axe n’en est pas moins essentiel dans notre questionnement, car
les activités ont hiérarchisé les réseaux et structuré socialement les villes.
Il s’agira d’étudier la ville comme centre d’échanges et de se demander depuis
quand ces fonctions sont étroitement mêlées. Certes, si les marchés et les
ports sont une permanence depuis la ville antique dans l’espace méditerranéen,
des portus se greffent sur la ville à l’époque médiévale et les emporia, ces
villes carrefours vers l’an 1000, sont dans l’espace méditerranéen : villes
italiennes, villes musulmanes, Constantinople. Pourtant la ville médiévale
n’est-elle pas définie partout à partir du XIVe siècle par sa fonction économique
? Peut-on dire alors que la spécificité de l’espace méditerranéen s’estompe ?
Une
seconde approche consistera à saisir la ville à travers ses populations et ses
activités : le passage des villes structurées socialement par les métiers qui
réglementent les activités urbaines au Moyen Âge à leur abandon progressif à
l’époque moderne (qui connaît néanmoins l’affirmation de structures
professionnelles originales à l’instar des prud’homies de pêcheurs). Cette
transformation tend à enlever le politique aux métiers, et à mener à une
rupture dont on se demandera, à partir d’exemples précis, si elle s’est
manifestée partout au même moment, selon les mêmes rythmes et les mêmes
modalités, dans une conjoncture marquée par l’importance croissante du rôle de
l’État à l’époque moderne, mais aussi par l’évolution sociale urbaine
spécifique aux villes italiennes, espagnoles ou de la France méridionale.
L’introduction des « ouvriers », résultant de l’existence des ateliers et des
chantiers, n’a-t-elle pas été retardée dans le midi méditerranéen alors que la
monétarisation de l’économie urbaine casse la solidarité des métiers et que
l’aristocratie des métiers tend à se fermer dans nombre de places comme Venise
?
Les
réseaux économiques ont-ils vraiment été bouleversés et comment ? La fin du
Moyen Âge connaissait les grandes sociétés, les succursales, les facteurs et
leurs correspondants comme le soulignent des études récentes (Échanges en
Méditerranée médiévale, PUP, 2012). Assiste-t-on à une adaptation et à une transformation
des réseaux comme on semble le percevoir à travers l’exemple de l’effacement de
Venise et du rôle croissant de Marseille à l’époque moderne en direction de
l’empire ottoman ? Enfin, le Moyen Âge et l’époque moderne sont marqués par la
« colonisation » si l’on entend la domination économique et culturelle et pas
seulement politique et militaire. Ceci invite à réfléchir sur l’intégration des
villes dans un réseau d’échanges de toute nature, réseaux dont les pôles sont
méditerranéens (Gênes, Venise, Cordoue au Moyen Âge, Lisbonne, Séville à
l’époque moderne) : mais on doit se demander si justement la colonisation n’a
pas dans un premier temps défavorisé l’espace méditerranéen car elle était
tournée vers l’Atlantique.
3) Le champ urbanistique : ville musulmane,
ville byzantine, ville du monde latin
Aborder
les espaces urbains fonctionnels conduira à étudier dans l’espace méditerranéen
les liens entre les lieux de la puissance publique et les villes qui les
accueillent. Les exemples de Kairouan et du Caire appellent à se demander si la
scission entre la ville marchande et la ville politique est toujours de mise
pour la ville musulmane à l’époque moderne ? Par ailleurs, malgré leur
intégration dans l’État monarchique Grenade, Séville, Malaga et Cordoue ‑ qui
se signalaient par leurs conurbations ‑ ont-elles conservé un « paysage
distinct » des autres villes d’Espagne ?
De la même façon les villes italiennes à l’époque moderne s’adaptent-elles à
l’urbanisme médiéval ? Les exemples italiens de Venise, Gênes et des villes de
condottiere amènent à voir si le transfert de l’espace palatial hors du cœur de
la cité vers la périphérie, du centre vers les murailles, s’est perpétué au
long de la période moderne en croisant pour cela les lectures archéologique et
urbanistique avec les lectures idéologique et politique. Assiste-t-on à
l’émergence d’un nouvel ordre urbain, à une rupture de l’héritage ?
Le
tissu urbain, réorganisé par le réseau des églises au Moyen Âge, subsiste-t-il
à l’époque moderne dans l’espace méditerranéen et est-il différent ce celui du
reste de l’Europe ? Dans les zones méditerranéennes chrétiennes, les citadelles
médiévales constituent un réseau de forteresses, centres de la vie militaire.
Si la ville médiévale, qui se ferme par une enceinte, a rompu avec la ville
antique ouverte, la ville moderne en détruisant l’enceinte rompt avec la ville
médiévale : est-ce pour autant un éternel recommencement, une rupture brutale
ou bien la ville moderne naît de la citadelle médiévale ? La ville médiévale, qui
se « réurbanise » par l’extension de faubourgs suburbains, ne préfigure-t-elle
pas la ville moderne ? Toute l’Europe enregistre une croissance urbaine, et
dans la zone romanisée, les antiques civitates débordent de leurs murailles,
mais est-ce exactement selon le même processus qu’ailleurs ?
Les
formes d’urbanisme sont également renouvelées par l’évolution des rapports
sociaux : la différenciation sociale, l’appartenance ethnique, la nature des
métiers, les parentèles, la religion, l’exclusion façonnent-elles des quartiers
spécifiques dont les caractères sont renforcés à l’époque moderne ? Par
ailleurs, à des degrés divers et selon des chronologies différentes, l’espace
urbain connaît à l’époque moderne des améliorations qui visent à assainir les
rues, à améliorer la qualité des eaux, à assurer l’évacuation des eaux usées
(constructions d’égouts), à lutter contre les risques (incendies, épidémies) :
il faudra étudier comment ces objectifs laissent leurs marques dans le tissu
urbain.
4) Le temps ou « les temps »
Peut-on
parler de sédimentations urbaines ? La ville antique constitue-t-elle une
première strate du développement urbain ? Il faudra examiner comment la forme
de l’habitat transmise de l’époque antique au Moyen Âge se retrouve aux temps
modernes qui apportent toutefois nombre de variantes, d’adaptation et voir si
les édifices liés aux loisirs (gymnases, théâtres) comme les marchés
appartiennent à un « patrimoine méditerranéen urbain » et quel fut le rôle du
Moyen Âge : un temps de rétraction urbaine uniquement et partout ? Et alors que
dire de la ville musulmane ? Est-ce que la ville moderne a renoué dans tout
l’espace méditerranéen avec la ville antique ouverte?
Le
temps politique et le temps religieux n’offrent pas de continuité de la ville
médiévale avec la cité gréco-romaine. Il n’y a pas davantage de continuité
entre la ville moderne et la ville médiévale au niveau politique. On connaît le
rôle « politique » des villes au Moyen Âge. Il faudra souligner comment il
glisse progressivement entre les mains des États modernes et quelles furent les
grandes étapes. On rappellera notamment l’ascension des juristes qui se
prolonge en partie à l’époque moderne alors que les villes sont intégrées dans
un système politique, celui des États. Mais n’existe-t-il pas des contre
exemples ? Constantinople a-t-elle connu une période médiévale ? Les
biographies urbaines montrent qu’il n’y a pas « une réalité urbaine » mais
plusieurs types de villes qui ont plus ou moins connu l’accumulation des «
temps » antique, médiéval pour aboutir à l’époque moderne. La ville moderne qui
succède à la ville musulmane de l’Espagne du sud a- t-elle grand chose à voir
avec celle qui succède aux castra ? Et celle qui prend la suite du Quattrocento
avec Londres ou Paris ? Transformation ici, rupture là. De même, la ville
moderne ne reprend-elle pas les apports médiévaux, voire plus anciens, en les
adaptant, en les transformant ? Il n’y a pas continuité, mais héritage.
Des
permanences peuvent être pourtant pointées à travers le choix du site ; il en
est de même des rythmes urbains (temps hebdomadaires, annuels, civiques,
festifs, laborieux, religieux) et des « nouvelles formes de sociabilités »
(académies, cercles, loges maçonniques, confréries, théâtre). Mais là se pose
une autre confrontation, à savoir celle de la ville musulmane avec la ville
chrétienne. Ont-elles quelque chose de commun ? Ne doit-on pas alors penser,
encore plus qu’ailleurs, en termes d’héritage ? Ne faut-il pas distinguer les
aires musulmanes qui s’européanisent dans l’empire ottoman comme c’est le cas
avec Salonique à l’époque moderne et la multiplication des écoles. L’influence
et le poids de la communauté juive expulsée d’Espagne, ceux des marchands
occidentaux ‑ Vénitiens puis Marseillais ‑ participent également à ce
mouvement.
Les
articulations entre la période médiévale et l’époque moderne sont-elles
distinctes dans l’espace méditerranéen ? Le passage de la commune urbaine
médiévale à la ville moderne peut être pour cela un excellent terrain
d’observation. Cette émancipation s’est accompagnée d’une culture politique et
de l’exercice du pouvoir par la « bourgeoisie ». Aussi, une réflexion s’impose
: dans quelle mesure l’impulsion a-t-elle été donnée par les villes du Sud ?
Quand a eu lieu la rupture de l’époque moderne, si rupture il y a eu,
c’est-à-dire changement brutal et soudain ? Qu’est-il resté en héritage dans la
représentation que la ville avait d’elle-même à l’époque moderne ? Un patriotisme
? Une mémoire des lieux ?
La
mémoire des lieux occupe une place importante dans l’espace urbain. Il faudra
examiner comment les acteurs sociaux et politiques ont retraduit dans les
discours les anciennes chroniques urbaines, ont capté leur héritage et l’ont
parfois instrumentalisé pour le mettre au service d’ambitions collectives ou
individuelles. L’histoire plus ou moins mythique des origines de la cité, avec
célébration et rituels civiques, peut favoriser la cohésion du groupe ou
asseoir la domination de quelques-uns.
Les interventions se
répartiront dans les quatre axes énumérés :
Axe 1 : L’espace
Axe 2 : Les dimensions économiques de la ville
Axe 3 : Le champ urbanistique: ville musulmane, ville
byzantine, ville du monde latin
Axe 4 : Le temps ou « les temps » des villes
Le comité scientifique du
colloque est composé de
:
Thierry
Allain (Université Paul-Valéry – Montpellier 3)
Anne
Brogini (Université de Nice Sophia-Antipolis)
Gilbert
Buti (Université d’Aix-Marseille)
Noel
Coulet (Université d’Aix-Marseille)
Stéphane
Durand (Université d’Avignon et pays du Vaucluse)
Lucien
Faggion (Université d’Aix-Marseille)
Antoine-Marie Graziani (Université Pascal-Paoli)
Philippe
Jansen (Université de Nice- Sophia Antipolis)
Wolgang
Kaiser (Université Paris I – EHESS)
Élisabeth
Malamut (Université d’Aix-Marseille)
Brigitte
Marin (Université d’Aix-Marseille)
Paolo
Odorico (EHESS)
Mohamed
Ouerfelli (Université d’Aix-Marseille)
Christophe
Picard (Université Paris I)
Olivier
Raveux (Université d’Aix-Marseille)
Par Guillaume Calafat - Source
de l’information Configmed
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