« L’accord énergétique avec l’Europe garantit à l’Algérie un marché mais épuisera plus vite ses réserves (expert)


Pour Dr Moussa Kacem, maître de Conférences à l'Université d'Oran et expert en environnement et en mines et carrières, la signature prochaine d’un accord énergétique stratégique entre l’Algérie et l’Europe garantira à notre pays un grand marché, surtout que les perspectives d’exploitation des gaz de schiste sur le territoire de l’UE sont, pour le moment, limitées.

Maghreb Emergent : Le Conseil européen a approuvé, le 15 avril dernier, un accord énergétique stratégique entre l’Algérie et les 27 pays de l’Union européenne. Quelles pourraient être les retombées pour notre pays?

Moussa Kacem: Entre autres retombées positives pour notre pays, il y a la garantie d'un marché gazier et pétrolier en Europe. L’Union européenne œuvre à combler un manque flagrant en matière d'approvisionnement en hydrocarbures, notamment devant l'interdiction par le Parlement européen pour la plus grande partie des Etats membres de recourir à l'exploitation des gaz et huiles de schiste sur leurs propres territoires.

L'Europe avait beaucoup misé sur les hydrocarbures des schistes, mais après des expériences non concluantes menées çà et là (Roumanie, Pologne, etc.), elle s'est vue obligée de retourner aux partenaires traditionnels, comme l'Algérie, afin de satisfaire, ne serait-ce que provisoirement, ses besoins en énergies. L’Europe connaîtrait de grandes difficultés énergétiques si elle mettait les bâtons dans les roues à certains pays producteurs d’hydrocarbures, comme notre pays ou la Russie.

Mais cet accord aura aussi des conséquences néfastes pour l'Algérie. Avec un pompage excessif, on atteindrait plus tôt que prévu le « pic oil », et cela, forcément, avancerait l’épuisement des réserves.

L’Algérie assure, à elle seule, entre 13 et 15% des besoins européens en gaz. Cet accord lui permettra-t-il d’augmenter ses parts de marché en Europe ?
Je pense que oui. Après l’adoption de la nouvelle loi sur les hydrocarbures, notre pays va mobiliser toutes ses ressources énergétiques, en exploitant les réserves d'hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Il devra remplir ses engagements envers l'Europe pour être considéré comme un bon partenaire.

L’exploitation des grandes réserves de gaz de schiste en Amérique du Nord risque-t-elle d’avoir un impact sur la coopération énergétique algéro-européenne ?
Evidemment. En l'espace d'une quarantaine d'années, d'importateurs d’hydrocarbures les Etats-Unis sont devenus auto-suffisants ! Ceci signifie qu'à l'avenir, ils pourront devenir un pays exportateur, notamment vers l'Europe, considérée comme leur allié stratégique sûr. Ceci mettra à mal plusieurs pays, notamment le nôtre et la Russie.

C'est pourquoi l'Algérie doit mettre le paquet sur le développement d'une nouvelle politique énergétique, basée sur le renouvelable, et préparer une vraie transition énergétique, basée sur le développement de la recherche et non uniquement sur la rente.
Par Younès Djama – Source de l’article Maghrebemergent

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