A Tunis, du 2 au 4 mai, s’est tenue la Conférence Méditerranéenne de l’Economie Sociale et Solidaire (Med’ess). Une première !
Cette conférence visait à mettre en présence les acteurs de l’ESS de la rive sud et ceux de la rive nord de la Méditerranée. Une des associations présentes s’appelait symboliquement « Mare Nostrum ». La Méditerranée est un espace économique et politique, dont l’Europe doit se soucier en voisine. Ce n’est pas par hasard si le discours d’ouverture de la Conférence a été fait par l’ambassadrice de l’Union européenne en Tunisie. L’Europe a la responsabilité politique d’être en première ligne pour accompagner le développement économique dans ces pays et l’ESS peut être une composante significative de ce développement. Il s’agit bien de construire l’ESS euroméditerranéenne.
L’initiative de Med’ess revenait à la partie française, Macif et Crédit Coopératif, en lien avec les Espagnols et les Italiens. Mais l’objectif était de privilégier la co-construction Nord-Sud, le partenariat équilibré, l’apprentissage réciproque. Une douzaine de pays était représentée.
La question centrale de Med’ess portait sur les voies et moyens de créer des écosystèmes favorables à l’émergence d’une ESS adaptée aux besoins actuels des pays du Maghreb. Elle a été abordée sans tabous. Et au fond, sans crainte que la rive nord ne vienne de nouveau coloniser la rive sud. Le mot co-production (faire ensemble) était généralement admis. L’ESS maghrebine part de loin avec seulement 1 % des emplois (10 % en France). Mais la demande est là. Il se crée une coopérative par jour au Maroc. Entre 2010 et 2013, les associations sont passées de 9 500 à 14 000 en Tunisie.
Ce qui m’a frappé, c’est l’attente réelle de ces acteurs venant de la rive sud de la Méditerranée, Tunisie, Maroc, Algérie, de construire une économie ni administrée et bureaucratique ni strictement capitaliste. Une « troisième voie » reposant sur un entreprendre autrement. Un forum de 50 initiatives montrait la vitalité de porteurs de projets dans tous les domaines : santé, énergie, coopératives rurales, tourisme, micro entreprises… L’expression « entrepreneur social » ne fait pas peur. Les printemps arabes, dans des contextes politiques et économiques très difficiles, avec des niveaux de chômage des jeunes dramatiques, cherchent des voies pour que la démocratie économique accompagne la recherche fragile de démocratie politique.
Pas facile, quand on sait qu’en Tunisie les coopératives ont été discréditées comme courroies de transmission du régime autoritaire de Ben Ali. L’espoir vient de sociétés civiles, actives, jeunes, entreprenantes dans lesquelles les femmes (notamment en Tunisie) jouent un rôle essentiel.
La Conférence s’est terminée par une séquence d’engagements réciproques, afin que les idées émises à Tunis 2013 se transforment en réalités concrètes, mesurables, susceptibles d’impacter significativement le développement de l’Afrique du Nord.
Il a été décidé de se retrouver dans deux ans pour évaluer le chemin parcouru, et d’ici là de constituer la Communauté Med’ess, permettant d’entretenir les liens et le montage de projets opérationnels. Deux exemples parmi d’autres. Celui de constituer un campus ESS qui unisse les deux rives pour former des cadres et dirigeants de l’ESS à partir de l’expérience de l’école Coeptis de Montpellier. On pourrait aller plus loin avec une sorte de programme Erasmus euroméditerraneen permettant à des cadres de passer du temps dans des entreprises des deux côtés de la « Mare Nostrum ».
L’autre projet très concret est celui d’un fonds de financement, Coopmed, destiné à financer des institutions de microfinance, des banques locales, des intermédiaires financiers pour mieux financer les TPME et les entreprises sociales du Maghreb. Une première tranche porte sur 20 millions d’euros et la levée de fonds est en cours, portée par le Crédit Coopératif.
Si le mot Maghreb signifie soleil couchant en Arabe, ce qui se jouait dans ce premier Med’ess était bien le lever du soleil de l’ESS sur la rive sud. Les 200 participants se sont séparés avec un peu plus d’optimisme.
Par Hugues Sibille - Source de l'article Blog La Croix
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire