Michel Vennetier, interviewé par Sciences et Avenir le 4 juillet 2017. |
Les feux de forêts peuvent avoir un rôle régénérateur sur les écosystèmes forestiers. Mais la répétition de la sécheresse et des incendies provoque la mort à petit feu de la forêt méditerranéenne, explique Michel Vennetier, ingénieur forestier à l'Irstea.
Sécheresse
À la fin juillet 2017, le sud-est de la France était soumis à un épisode de feux de forêts intense, conduisant à l'évacuation de plus de 12.000 personnes dans le Var. Un triste épisode qui pouvait être anticipé par un examen attentif de la végétation, qui présente depuis plusieurs années des signes inquiétants de dessèchement et de dépérissement. De quoi rendre la végétation plus facilement inflammable. C'est ce qu'explique Michel Vennetier, ingénieur forestier et chercheur à l'institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea) d'Aix-en-Provence.
Les derniers arbres avant le désert ?
Nous avons interviewé Michel Vennetier début juillet 2017 en pleine forêt méridionale. Il examine des plants de romarin et de thym, desséchés sur place. "C'est ce qu'on prendrait si on devait allumer un feu de cheminée ou un barbecue : la biomasse sèche contient moins d'eau, et donc s'enflamme plus facilement".
Pourquoi les arbres ou arbrisseaux des forêts, garrigues et maquis provençaux meurent-ils sur pied ? Le réchauffement climatique est en cause, ainsi que nous l'expliquait Thomas Curt, également chercheur à l'Irstea. "Suite aux précédentes sécheresses de 2003 et 2007, certains arbres sont presque entièrement morts sur place. Selon une étude que nous avons mené en 2010, le chêne blanc (Quercus alba) est le plus touché, avec 30% de biomasse morte (branches morte) dans les cimes ! Et la preuve est là : ces chênes disparaissent peu à peu, de sorte que bientôt les seuls arbres à subsister seront les pins d'Alep (Pinus halepensis), l'un des derniers arbres que l'on trouve avant le désert".
Stress hydrique.
Comment en est-on arrivé là ? Selon le spécialiste, les dégâts causés aux végétaux dépendent de l'amplitude des sécheresse ainsi que de leur fréquence de répétition. "La répétition des sécheresses entre 2003 et 2006 a provoqué un dépérissement massif en 2006, tandis qu'il a suffit en 2016 d'un épisode de sécheresse intense pour tuer des forêts entières : la végétation n'en pouvait plus !" Et ce n'est pas tout : "début juillet 2017, ces pins perdaient leurs aiguilles avec un mois d'avance, ce qui est un signe de stress hydrique". Un phénomène d'autant plus pernicieux que ces épines mortes constituent "une litière sèche très inflammable au sol", de quoi favoriser un embrasement généralisé.
Parasitisme.
La sécheresse n'est pas seule à tuer les arbres : "les parasites, champignon et maladies renforcent encore le phénomène", poursuit-il. "Sans oublier le gui, un parasite végétal d'autant plus actif qu'il fait plus chaud, ou encore les chenilles processionnaires qui se nourrissent des feuilles des arbres et accélèrent leur dépérissement."
Le feu, un rôle régénérateur sur les écosystèmes forestiers... à certaines conditions
Redoutés en méditerranée à cause de la proximité entre les habitations et les forêts, les feux de forêts peuvent pourtant avoir un effet bénéfique sur les écosystèmes forestiers en faisant naître de nouvelles générations d'arbres. "L'incendie est aussi régénératrice, et participe au renouvellement de l'écosystème forestier : il permet le retour d'espèces pionnières, et provoque l'ouverture des écailles des cônes des pins maritimes et des pins d'Alep, ce qui participe à la dissémination des graines." Mais seulement si le feu ne revient pas trop souvent. La limite ? "Pas plus d'un feu tous les 25 à 30 ans". En cas de répétition trop fréquente, "les graines contenues dans les cônes brûlent aussi, et au bout de 2 ou 3 générations, l'espèce ne peut plus se régénérer." Et c'est le cas aujourd'hui dans le sud-est de la France : "les chênes disparaissent et sont remplacés par des pins, qui ne seront remplacés au mieux que par des arbustes : la forêt méditerranéenne se meurt", alerte le chercheur.
Prévention.
Et les facteurs défavorables s'accumulent : "densité de population et d'habitat élevée, afflux touristique...", énumère-t-il. Or, 90% des départs de feu sont liés à une négligence humaine (mégot de cigarette...). "Mais les violents incendies de 1990 puis de 2003 ont finalement abouti à un renforcement des dispositifs de prévention". Souhaitons une conséquence similaire aux feux de juillet 2017.
Par Sarah Sarmondadaz - Source de l'article Sciences et Avenir
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