Les printemps arabes seraient-ils la conséquence du réchauffement
climatique et de la crise écologique? Sans l'affirmer aussi abruptement,
l'organisation non gouvernementale canadienne Global Footprint Network estime que le déficit écologique autour de la Méditerranée
accroît les pressions exercées sur les écosystèmes et alimente les crises
économiques, elles-mêmes sources de troubles politiques et sociaux.
Selon un rapport de l'ONG –
"Tendances de l'empreinte écologique méditerranéenne" –,
publié à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu, les 1er et 2 octobre à
Venise, en Italie, "entre 1961 et 2008, la population croissante ainsi que
les tendances en matière de consommation ont fait tripler la demande régionale
de ressources renouvelables et de services écologiques".
L'empreinte de la région a ainsi
dépassé les actifs écologiques locaux disponibles de 150% en 2008. "Et
l'habitant moyen a actuellement une empreinte écologique de 3,1 hectares globaux (hag) alors
que seul 1,3 hag par personne sont disponibles dans la région."
Cette réalité n'est pas
spécifique à la Méditerranée. Les habitants de la planète consomment plus de
ressources naturelles que celle-ci ne peut en produire. Ce déficit écologique
s'aggrave, selon l'organisation non gouvernementale canadienne Global Footprint
Network : le jour "du dépassement", c'est-à-dire la date à laquelle
les ressources renouvelables de la planète produites dans l'année ont été
entièrement consommées, a été atteint le 22 août en 2012.
Cette date à partir de laquelle
l'humanité vit "à crédit" intervient chaque année un peu plus tôt. En
2000, c'était le 1er novembre. Et le 31 décembre en 1986, année de création de
cette "date du dépassement ".
"Ce déficit écologique est
dangereux, il risque de nuire à la sécurité économique des pays du bassin
méditerranéen, ainsi qu'à leurs capacités à garantir le bien-être de leurs
citoyens", explique Mathis Wackernagel, président du Global Footprint
Network. Du Portugal à l'Egypte, du Maroc à la Syrie, les vingt-quatre pays du
bassin méditerranéen étudiés sont passés de créditeurs à débiteurs. A une
exception près, le Monténégro, pays pour lequel les données sont incomplètes.
En 2008, l'empreinte de la région a dépassé les actifs écologiques locaux disponibles de 150%. | GFN |
Les cinq pays les plus débiteurs
étaient, en 2008, l 'Italie,
l'Espagne, la France – ces trois pays contribuant à eux seuls à plus de 50 % de
l'empreinte écologique régionale –, la Turquie et l'Egypte. Ce lien entre
crises écologique, économique et politique est souligné par les auteurs du
rapport. "L'écart grandissant entre l'offre et la demande rend la
stabilité de la région fortement dépendante de la disponibilité des actifs
écologiques situés hors du bassin méditerranéen, écrivent-ils, ainsi que de sa
capacité à financer l'accès à ces ressources et aux services produits."
Deux périodes sont distinguées :
entre 1961 et 1970, le déficit écologique méditerranéen était compensé par
l'apport d'autres écosystèmes extérieurs à la région. De 1971 à 2000, le monde
est entré dans une phase de surconsommation. "Les marchés internationaux
ont réagi, contribuant à l'augmentation des prix de ressources mondiales en
diminution", analyse le Global Footprint Network.
"Approvisionnement instable"
Les crises se combinent et,
explique M. Wackernagel, "les pays dépendant d'autres nations se rendent
compte que leur approvisionnement en matière de ressources devient instable et
aléatoire, ce qui a de profondes implications économiques". La part
moyenne du revenu mondial par habitant du bassin méditerranéen reculant
nettement, ces pays sont dans une situation économique difficile pour accéder à
ces ressources mondiales limitées.
A ce jour, la région
méditerranéenne ne peut renouveler que 40% de sa demande en services et ressources
naturels, et l'importation de biens représente un quart de ses besoins.
"En matière de déchets, précise le rapport, les habitants de la région
émettent bien plus de CO2 que ce que les écosystèmes peuvent absorber."
L'augmentation des coûts et la perturbation
accrue dans l'accès aux ressources devient alors un "facteur de limitation
du bien-être futur", estime le Global Footprint Network qui préconise, à
l'issue des deux jours du colloque vénitien, de "mieux prendre en compte,
dans les prises de décision, les contraintes des ressources et le déficit
écologique".
Par Rémi Barroux
Source de l’article Le Monde
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