Le festival Présences est un
rendez-vous incontournable de la musique contemporaine en France. Il se tient
cette année jusqu'au 27 janvier à Aix-en-Provence dans le cadre de
Marseille-Provence 2013 pour rendre hommage aux compositeurs de la
Méditerranée. 400 artistes sont invités à interpréter 35 œuvres, dont 15
créations qui reflètent toute la richesse musicale du bassin méditerranéen.
Ils viennent d'Egypte, de Jordanie, d'Israël et de Grèce, mais aussi d'Espagne, d'Italie et de France - 26 compositeurs issus de la Méditerranée font découvrir au public aixois les mystères de leur pays à travers leurs créations musicales. Ahmed Essyad initie son public aux secrets d'un cycle vocal intitulé Voix interdites.
«
Ce sont des textes de Hussein Mansour al-Hallaj, un des plus grand mystiques
musulmans du 10e siècle, explique Ahmed Essyad. Il a dit des choses
essentielles en peu de mots, mais des mots taillés à une pointe de flèche, ils
vous pénètrent directement, ils atteignent les cœurs par leur évidence, par
leur lumière. Et cette voix lumineuse, claire, évidente a dérangé. Et c’est
pour cela qu’elle est quelque part interdite. »
Le
compositeur franco-marocain Ahmed Essyad colle parfaitement à la programmation
méditerranéenne : « Je suis un gourmet qui prend son bien là où il est : sur
les hauts plateaux, sur le massif central, à Paris, à Vienne, c’est aussi les
musiques du haut Atlas, les grands chanteurs de Haleb, les Pygmées au Zaïre,
les musiques hindoues. Je suis un peu à l’image de la Méditerranée ; je suis
une confluence de ce qui arrive de droite, de gauche, de haut, d’en bas. »Chez
lui, il y a aussi les femmes, rencontrées dans le haut d’Atlas : « les femmes
qui trimaient, qui résistaient, des femmes soumises à l’araire, à l’orge, au
bois, mais soumises aussi à la fête, à la joie. Alors, c’est à ces femmes
oubliées, ignorées, occultées, que je rends hommage. »
«
S’il n’y a pas de ponts, c’est l’enfer »
Tout
comme son confrère du Maroc, le jeune Libanais Ibrahim Maalouf trouve son
inspiration dans la diversité des cultures. « S’il n’y a pas de ponts, c’est
l’enfer, déclare Ibrahim Maalouf. On va droit au mur s’il n’y a pas de liens
entre nous, s’il n’y a pas de métissage, de mélange. » DansPoint 33, le
trompettiste virtuose s'amuse à combiner son instrument fétiche à un chœur
d'enfant et un orchestre philharmonique et assaisonne tout avec de la musique
électronique. « Il y a même des passages assez hip hop où je fais chanter les
chœurs et jouer l’orchestre du hip hop avec l’électro ce qui est assez rare,
raconte Ibrahim Maalouf. Il y a aussi trois passages où le chef d’orchestre
improvise, chose extrêmement rare aussi. J’ai des parties seules, de neuf ou
dix minutes, et une suite de notes, évidemment elles sont écrites, mais je les
joue comme si je les improvisais, donc il y a une part d’improvisation, mais
mise en scène. »
C’est
le Libanais Zad Moultaka qui ouvre et clôt le festival. « J’ai hérité des
sonorités de la guerre libanaise. Je m’en suis rendu compte après avec
l’utilisation des percussions. Ce n’est pas une question de violence, c’est une
question de timbre. Par exemple, la grosse caisse qui peut rappeler les
battements de cœur comme il peut rappeler les bombes. » Et le festival
Présences 2013 réserve bien encore d'autres découvertes méditerranéennes : « On
va entendre plusieurs pièces, dont Non, une pièce pour percussion et bande-son.
J’ai écrit cette pièce en hommage à Samir Kassir, un journaliste
franco-libanais [né d’un père d’origine palestinienne et d’une mère d’origine
syrienne, ndlr], assassiné en 2005. C’est une pièce un peu violente, mais qui
dit non à la violence. Et ensuite, il y a une autre pièce qui s’appelle Callara
I. Callara, cela veut dire « se taire » et j’avais envie de travailler sur la
notion du mutisme parce que je trouve qu’on est dans un monde un peu bruyant et
qui parle trop. J’ai envie de réfléchir sur la manière de se taire. »
Par Carmen Lunsmann - Source de l'article RFI
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