Malgré un sous-sol richissime et des
eaux parmi les plus poissonneuses du monde, les pays du Maghreb ne valorisent
pas leurs atouts, notamment la jeunesse, faute de formation de niveau
international.
«
Il n'y a pas plus peureux qu'un million de dollars », s'exclame Abdel Khalegh
Chérif, jeune entrepreneur de Mauritanie, pour expliquer la faiblesse des
investissements étrangers dans les pays du Maghreb. Non pas que la situation
sécuritaire y soit objectivement plus préoccupante que dans bien d'autres régions
du monde, malgré les opérations d'Al Qaeda dans le désert près du Nord Mali.
Mais
des règles du jeu imprévisibles et partiales effarouchent les investisseurs,
comme l'illustrent les chiffres cités à Nouakchott, en conclusion de la
cinquième Conférence sur l'intégration économique des pays du Maghreb (Libye,
Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie). Ce marché potentiel de 90 millions
d'habitants, au sous-sol richissime (gaz, fer, or, phosphates) et aux eaux
parmi les plus poissonneuses du monde, n'a attiré en 2011 que 6,5 milliards de
dollars d'investissements directs étrangers (IDE). L'équivalent d'à peine 3 %
du PIB total du Maghreb, alors que les flux vers les autres régions émergentes
dépassent allégrement les 20 %.
Chefs d'entreprise absents
Le
FMI, participant pour la première fois à cette Conférence, a souligné par la
voix de sa directrice générale, Christine Lagarde, la nécessité absolue
d'instaurer « une réglementation impartiale sur les IDE, un régime fiscal et
douanier juste et prévisible, une justice équitable, des infrastructures de
transport et d'énergie correctes et un système financier qui donne accès au
crédit et soutiennent les investissements productifs ». D'autant plus que les
IDE sont indispensables au décollage d'une région qui, malgré une politique
monétaire et budgétaire plus raisonnable que celle de bien des pays occidentaux,
ne valorise pas ses atouts, notamment sa jeunesse, faute de formation de niveau
international ; on peinait dans les couloirs de la Conférence à trouver des
chefs d'entreprise ayant fait leurs études dans leur pays.
Dans
le Maghreb, 20 % des jeunes diplômés sont au chômage, a souligné le secrétaire
général de l'Union du Maghreb Arabe, Habib ben Yahia. Qui déplore un petit peu
qu'on « tourne en rond ». Les quatre précédentes conférences (celle-ci a été
décalée pour cause de printemps arabe), ont produit le cortège habituel de
feuilles de route, résolutions et instances de concertations, mais sans
résultats concrets. Les projets transfrontaliers de chemins de fer ou de
réseaux numériques sont rares, tout autant que les firmes à structure
capitalistique pan-maghrébine.
La
Conférence s'est bornée à annoncer la mise en place d'un comité de suivi de
l'intégration (lire ci-dessous). Les ministres des finances et gouverneurs
présents se sont toutefois engagés devant le FMI à ce que la Banque maghrébine
d'investissement et de commerce extérieur (BMICE), dont l'idée remonte à 1991
et le lancement à 2000, soit mise en place d'ici deux mois, à Tunis, avec
déblocage imminent de son capital de 100 millions d'euros (cinq fois moins que
prévu initialement), souscrit à part égale par les cinq pays. Si « le commerce
contribue aux bonnes moeurs », selon le mot de Montesquieu cité par Christine
Lagarde, il semble avoir l'éternité devant lui aux confins du Sahara.
Une intégration en panne
Les
dirigeants maghrébins estiment visiblement que les investisseurs viendront plus
nombreux si sont supprimés les obstacles au commerce intra-régional (2 % du
PIB, une misère) et ils ont donc réitéré leurs appels à l'intégration
économique, puisque « seuls les grands ensembles intégrés, Union Européenne,
Asie du sud-est, Amérique latine, zone nord-américaine de libre échange, ont
bien résisté à la crise mondiale », souligne Drombas Thiam, ministre
mauritanien des finances.
Certes,
mais la complémentarité de pays du Maghreb dénués pour l'essentiel d'industrie
manufacturière et tournés vers l'exportation de matières premières à
destination de l'Europe, ne coule pas de source. Il n'existe aucun code commun
des investissements ni projet de tarif douanier commun, mécanisme pourtant à la
base de la dynamique européenne. En outre, quelle dynamique politique espérer
quand deux des ténors de la région, le Maroc et l'Algérie, sont brouillés à
cause du Sahara occidental ? Leur frontière est fermée depuis 1994 !
Par
Yves Bourdillon – Source de l’article LesEchos
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