Le Maghreb, nouvel eldorado pour la RATP

En deux ans, RATP Dev aura pris les commandes du métro d'Alger et de quatre tramways au Maghreb, celui de Casablanca au Maroc, trois autres en Algérie. En inaugurant celui d'Oran le 1er mai, le patron de la RATP Pierre Mongin affichait ses ambitions de l'autre côté de la Méditerranée. 
Pour l'instant, le Français n'est pas challengé par les étrangers, ni par ses concurrents hexagonaux. Jusqu'à quand ?


En coulisses, ils se traitent de "nain" ou d’"ogre" qui grossit trop vite. Au bord du divorce en jour, meilleurs amis du monde le lendemain, les relations entre les trois mousquetaires français du transporteur public sont parfois difficiles à suivre… Surtout sur la scène internationale.
Au Maghreb, le groupe RATP n'est pas encore inquiété par ses concurrents français et continue de labourer l’Algérie et le Maroc, moins la Tunisie où les projets d’extension des tramways et de création d’un RER à Tunis sont au point mort depuis le Printemps arabe.
Le 1er mai 2013, la joint venture Setram qui compte 1 300 salariés et regroupe RATP Dev et des entreprises publiques algériennes inaugurait 18,7 kilomètres à Oran (25 rames, un projet de 400 millions d'euros), la deuxième ville économique du pays. Un an et demi après le métro d’Alger que les Algérois attendaient depuis trois décennies (7 km, 20 prévus en 2020), un an après le premier tronçon du tramway d’Alger (16 km, 23 prévus début 2014), et quelques semaines avant celui de Constantine attendu en juillet 2013.

Un métro et trois tramways en deux ans
Un métro et trois tramways (tous signés Alstom qui va bientôt ouvrir une usine d'assemblage de Citadis en Algérie) en deux ans ! Soit près de 500 millions d’euros de contrats sur dix ans pour RATP Dev qui emploient 3 000 salariés au Maghreb.
Trois autres chantiers de tram doivent démarrer cette année au pays d’Abdelaziz Bouteflika : à Sidi Bel Abbès, Ouargla et Mostanagem. Au total, plus de 15 villes devraient avoir leurs tramways dans les 10 prochaines années. C’est que les caisses de l’Etat algérien sont pleines, et que l’éclosion d’une classe moyenne séduite par l’automobile et le prix de l’essence bon marché (25 centimes d’euros) provoquent des embouteillages monstres dans Alger et les autres grandes villes algériennes.
Les pouvoirs publics ont décidé d’y remédier, tout en continuant à subventionner le prix de l’essence… Comparée aux 50 dinars  le ticket de métro (0,50 euro) ou 40 dinars le ticket de tram (0,40 euro), la voiture reste largement concurrentielle. "C’est vrai que ça reste cher, mais moi le métro, je l’ai pris dès le premier jour de sa mise en service", témoigne Adraria qui dit avoir gagné deux heures de trajet aller-retour pour aller travailler dans le centre d’Alger.
RATP Dev semble surfer sur sa carte d’identité "entreprise publique française" pour séduire les pouvoirs publics algériens qui ont annoncé 40 milliards de dollars d’investissements (31 milliards d'euros) consacrés aux infrastructures de transport – réseaux urbains, lignes ferroviaires, aéroports - à l'horizon 2018-2020. "Ils l’ont dit et ils sont en train de le faire, constate Pierre Mongin, président de la RATP. C’est un pays de planification, commente le patron du groupe venu inaugurer le tramway d’Oran."Nous devons équilibrer à terme les parts de marché que nous n’aurons peut-être plus en Ile-de-France quand le réseau de bus sera mis en concurrence sera en place (pas avant 2024 pour les bus et 2039 pour le métro)", justifie Pierre Mongin.

Pas encore de challengers étrangers
Le Maghreb est encore la chasse gardée de la RATP. Keolis qui a raté son entrée dans le tram d'Alger n'affiche pas d'ambitions de ce côté-ci de la Méditerannée. Transdev, en cours de repositionnement, exploite aujourd'hui le tram de Rabat-Salé. Mais étonnamment, aucun étranger n’est encore venu y challenger la RATP. Le groupe espagnol Alsa se contente des bus, comme à Marrakech au Maroc, ou des lignes de cars interurbains.


"Les Britanniques First ou Stagecoach sont trop marqués autobus, le seul qui pourrait nous faire concurrence, c’est MTR, estime Pierre Mongin. Le Hongkongais "a beaucoup copié la RATP, ils ont acquis un bon niveau technique et ont une ambition globale, on l’a vu en Australie et à Stockholm. Mais en Algérie, on sera seul encore longtemps", croit le patron du groupe.
En 2013, RATP Dev compte réaliser 14% de son chiffre d’affaires (objectif 950 millions d’euros consolidés) dans les pays émergents, dont 5 % rien qu’en Algérie (1).
Au Maroc, où la filiale exploite depuis décembre 2012 le tramway de Casablanca et où un projet de métro léger est dans les cartons, ce sera peut-être un peu plus difficile car le pays de Mohammed VI ne dispose pas de la manne financière liée au gaz et au pétrole de son voisin algérien.
Prochain terrain de chasse, les capitales du Golfe. A Riyad, l’appel d’offres pour la création d’un réseau d’autobus est en cours, et la RATP est sur les rangs. Et à Dubaï, où le groupe avait remporté l’appel d’offres du tramway en 2010 avant qu'il ne soit ajourné, il candidate à nouveau. Cette fois, Keolis est aussi sur les rangs.
Par Nathalie Arensonas (à Oran) – Source de l’article Mobilicites

(1) En 2012, RATP Dev a réalisé 750 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé, dont 35% en Grande-Bretagne, 33% en France, 14% dans les pays émergents (dont le Maghreb et l’Afrique du Sud), le reste en Italie et aux États-Unis.

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