Si les femmes du Maghreb ont tenté à plusieurs reprises d'obtenir une amélioration de leurs droits, les gouvernements et les pressions sociales continuent à leur faire obstacle. Telle a été l'une des conclusions d'un forum de deux jours qui s'est achevé le samedi 27 avril à Casablanca.
Ce rassemblement était organisé par la Fédération de la Ligue démocratique des droits de la femme (FLDDF) et réunissait des mouvements féministes et des juristes venus de tout le Maghreb.
Fouzia Assouli, présidente de la FLDDF, a ouvert le forum par un résumé des combats menés par les femmes et des progrès obtenus au Maroc. Elle a également salué les luttes remportées par les groupes féministes au Maroc au sein de la constitution marocaine, les qualifiant d'uniques dans le monde arabe, tout en remarquant toutefois que la pauvreté chez les femmes marocaines ne cesse d'augmenter.
"Ce débat a pour objectif de nous présenter le statut des femmes dans les pays du Printemps arabe", a déclaré Assouli à Magharebia en marge de la réunion. "Il y a eu de nombreux changements significatifs qui ont ouvert la voie à des gouvernements conservateurs, et les femmes ont malheureusement dû renoncer à certaines de leurs avancées, alors même que leur participation au sein des mouvements arabes était effective".
Amal Karami, chercheur tunisien en religion comparée, a utilisé le terme "mouvements arabes" dans son propos à la place de "Printemps arabe", affirmant ne pas avoir, pour sa part, assisté à un Printemps arabe. "Il y a un affrontement énorme dans la rue tunisienne entre les courants moderniste et salafiste", a-t-elle expliqué.
Selon elle, les universités tunisiennes ont été le théâtre de 600 cas de mariages coutumiers et des femmes tunisiennes se sont portées volontaires pour se rendre en Libye pour y épouser des moudjahidines. "Croyez-le ou non, c'est la situation dans la Tunisie d'aujourd'hui", a-t-elle indiqué.
Il n'y a pas un seul et unique discours en Tunisie, a-t-elle ajouté. "Il y a de nombreux discours qui vont dans la direction d'une islamisation de l'État. Il y a des tentatives qui visent à détruire les avancées que les femmes ont obtenues au fil des décennies. Le parti Ennahda veut éliminer cinquante années de progrès dans notre histoire, sous prétexte d'un conflit historique entre Rachid Ghannouchi et Habib Bourguiba."
Ce sont les femmes qui en paient le prix, déplore-t-elle, "sous le nom de retour à l'identité islamique et de restauration des valeurs familiales, ce qui est un programme wahhabite et moyen-oriental contre lequel nous lutterons".
Les récits en provenance de Libye offrent une perspective plus sombre encore.
"Malheureusement, la situation des femmes en Libye est devenue désastreuse", a indiqué à Magharebia la chercheuse Sahar Madiha al-Naas. "Malgré l'échec des mouvements religieux aux élections, ils se sont propagés à travers toute la société et dominent dorénavant notre quotidien".
"Il y a des plans qui ont pour objectif d'évincer les femmes libyennes, de les marginaliser et de limiter leur rôle. C'est malheureux, parce que les aspirations des femmes à améliorer leur situation tragique étaient grandes sous l'ancien régime", a noté al-Naas. "Elles voulaient des opportunités plus importantes, et voilà qu'à la place, elles perdent ce qu'elles avaient acquis".
Dressant le portrait du quotidien des luttes des femmes en Libye, al-Naas a ajouté : "Aujourd'hui, les femmes sont arrêtées et humiliées dans les rues parce qu'elles ne portent pas le hijab. Ce 'scénario Taliban' se répète tous les jours dans le pays. Ma présence ici, à ce forum international, s'explique par la nécessité de tirer la sonnette d'alarme concernant la situation des Libyennes et de coopérer avec nos sœurs au Maroc pour développer une stratégie de progrès et de lutte contre le discours extrémiste religieux".
Le juriste égyptien Islam al-Bahiri a évoqué la situation difficile vécue par les femmes face aux Frères musulmans, en expliquant : "Ces gens ont eu recours à la tromperie pour convaincre les Égyptiens de voter pour eux. Durant leurs campagnes, ils ont déclaré que ceux qui votaient pour eux votaient pour Dieu, et que ceux qui votaient pour d'autres votaient pour les ennemis de Dieu. A ce moment-là, j'avais rédigé une tribune dans laquelle je disais que nous ne voterions pas pour Dieu, parce qu'Il ne s'était pas présenté aux élections".
La première tentative d'abrogation des avancées réalisées par les femmes, a précisé al-Bahiri, a été l'abolition des lois relatives aux droits des femmes, notamment l'interdiction des mutilations génitales pratiquées sur les filles.
Les Frères musulmans ont souligné que toute jeune fille refusant la circoncision était adultère. Selon eux, "on doit l'obliger à se faire circoncire pour protéger la dignité de sa famille et pour préserver sa chasteté, de façon à ce qu'elle ne sombre pas dans le vice", a conclu al-Bahiri.
Par Mohamed Saadouni - Source de l'article Magharebia
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire