En l'espace de trois semaines, plusieurs annonces de soutien économique à la Tunisie ont été faites, de la part de la France, des États-Unis, de l'Union Européenne et des pays du Golfe. Mais qu'y a-t-il vraiment derrière ces décisions?
L'aide de la France
Le 22 janvier, après plusieurs journées de troubles sociaux à travers le pays, le président français François Hollande annonce accorder une aide d'un milliard d'euros à la Tunisie, répartie sur 5 ans. En octobre dernier, la France avait également décidé d'accorder une aide militaire de 20 millions d'euros sur deux ans.
La décision de François Hollande intervient au terme d'une visite du chef du gouvernement tunisien, Habib Essid, à son homologue français Manuel Valls, à l'occasion de laquelle une convention a été signée pour permettre la conversion en investissements de 60 millions d'euros de la dette tunisienne envers la France, conformément à une décision annoncée en 2014.
Le 4 février, François Gouyette, ambassadeur de France en Tunisie, présentait à l'Institut français de Tunisie différentes mesures françaises destinées à appuyer la société civile.
Le Fonds d'investissement franco-tunisien
Vendredi 5 février, les autorités tunisiennes et françaises ont mis en commun 20 milliards d'euros dans un fonds d'investissement franco-tunisien d'une durée de 10 ans destiné à "accompagner le développement des relations économiques franco-tunisiennes à travers le financement de PME tunisiennes et françaises à fort potentiel de croissance, susceptibles de développer leurs activités respectivement dans les deux pays". La Caisse des Dépôts et Consignations de Tunisie et Bpifrance (filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations de France) s'associent donc pour dynamiser les entreprises tunisiennes travaillant avec la France et vice-versa.
L’ambassadeur de France en Tunisie a alors assuré que la création de ce fonds "entre dans le cadre de l’appui de la France à la Tunisie illustré par le plan de soutien massif sur 5 ans annoncé par le président François Hollande", rapporte L'Économiste maghrébin.
Mais comment se concrétisera l'action de ce fonds? En réalité, le scénario "le plus fréquent" sera celui d'une "augmentation de capital dans les entreprises identifiées, pour en renforcer la capitalisation, avant de revendre la participation au bout de 4 à 7 ans, que ce soit à une entreprise ou à un autre fonds d'investissement", précise au HuffPost Tunisie Khaled Ben Jannet, Investment officer à AfricInvest, capital-investisseur panafricain dont le siège est à Tunis, qui gèrera et animera le fonds, conjointement avec Siparex, capital-investisseur français. "On espère faire une plus-value à ce moment-là", ajoute-t-il, expliquant qu'il s'agit d'un "schéma classique de fonds d'investissement".
Ces deux sociétés financières, qui utiliseront leur carnet d'adresses pour faire de la prospection pour le compte du Fonds, se rémunéreront à l'aide de frais de gestion ainsi que de parts sur la plus-value réalisée. Les entreprises tunisiennes dont l'activité témoigne d'une "relation forte avec la France" pourront ainsi faire l'objet d'une augmentation de capital de quelques années.
À noter que Siparex est un "actionnaire minoritaire et administrateur d’AfricInvest dont il a supporté le lancement et le développement", précise le communiqué du Fonds d'investissement franco-tunisien.
L'aide américaine
Le 4 février, l'ambassade américaine a annoncé "un appel à propositions pour soutenir la croissance économique de la Tunisie grâce à un soutien direct à la société civile tunisienne ou aux organisations non gouvernementales".
Les propositions retenues bénéficieront d'un financement de l'ambassade, compris entre 50.000 et 150.000 dollars.
Cette décision avait été préparée quelques jours plus tôt par un déjeuner-débat à la chambre de commerce américaine entre Ridha Ben Mosbah, conseiller économique auprès du chef du gouvernement et Daniel Rubinstein, ambassadeur américain en Tunisie, sur le thème "Les défis de l’économie tunisienne". L'ambassadeur a indiqué que son pays "s’est engagé à soutenir la relance économique en Tunisie".
... et indemnisation exigée de 18 millions de dollars
L'impact financier de l'aide américaine peut être relativisé avec la décision de Washington de réclamer 18 millions de dollars d'indemnisation pour les dégâts causés par l’attaque de l’ambassade et de l’école américaine en 2012. L'accord bilatéral a été examiné jeudi 7 février par l'ARP.
L'aide de l'Union européenne
L'Union européenne a annoncé le 12 janvier avoir dépensé en 2015 la somme 217 millions d’euros en programmes de coopération. Avec 186,8 millions de dons directs, la Tunisie est le premier bénéficiaire de l’aide européenne.
Les fonds européens vont principalement à la relance économique (70 millions d'euros), à la sécurité (23 millions d'euros), aux soutiens institutionnels et à l’intégration (12,8 millions euros), à la culture (6 millions euros), ou encore aux investissements verts.
Une semaine plus tôt, l'ambassadrice Laura Baeza, chef de la délégation de l'Union Européenne en Tunisie, vantait les mérites des investissements européens en Tunisie:
"L'UE a fait un vrai effort pour mettre à la disposition de la Tunisie toute sa capacité financière. Un chiffre à avancer? Près de 3.000 entreprises européennes ont créé 300.000 emplois".
La dimension économique est d'ailleurs au cœur de la coopération UE/Tunisie, avec lelancement le 26 janvier dernier du Programme d’appui à la compétitivité des services (Pacs), visant à mettre à niveau le secteur des services en Tunisie, et pour lequel l'UE a déboursé 20 millions d'euros.
Le même jour, des dons de matériel médical décidés en 2012 dans le cadre d'une convention bilatérale financée à hauteur de 12 millions d'euros par l'UE ont été réalisés.
Dans un geste de soutien à la filière oléicole, l'Union européenne a également relevé le 17 septembre 2015 le volume d’huile d’olive tunisienne exportable dans l’UE hors droits de douane de 56.700 à 91.700 tonnes et ce jusque fin 2017. La mesure était motivée par le souhait "d'atténuer les difficultés économiques auxquelles la Tunisie est actuellement confrontée en raison des attentats terroristes".
Mais lundi 8 février, le président de l’Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur, a appelé l’Union européenne à faire davantage, l'invitant à "mettre en place un plan de sauvetage de l’économie tunisienne pour permettre de sortir des difficultés de la phase de transition que traverse le pays", rapporte l'agence TAP.
L'aide des pays du Golfe
Le prêt du FADES
Au Koweït, à l'occasion de la visite du président Béji Caïd Essebsi, le Fonds arabe de développement économique et social (FADES) a signé le 26 janvier 2016 l'octroi à la Tunisie d'un prêt de 323 millions de dinars remboursable sur 22 ans dont six ans de grâce, à un taux de 3%. Le prêt est destiné à la construction de deux barrages.
Le prêt de l'Arabie saoudite
Un mois auparavant, une autre visite du président Essebsi dans la région, en Arabie saoudite, avait été l'occasion de recevoir un prêt de Riyad de 659 millions de dinars pour financer une station de production d’électricité.
Par Antony Drugeon - Source de l'article Huffpostmaghreb
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