Selon les estimations du dernier Bulletin trimestriel d’information économique de la Banque mondiale consacré au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord (MENA), la croissance économique de la région a été inférieure aux attentes en 2015 : elle s’est établie à 2,6 % alors qu’en octobre les prévisions tablaient sur un taux de 2,8 %.
Assombries par la guerre, le terrorisme et, dans une certaine mesure, la chute des cours du pétrole, les perspectives économiques à court terme de la région MENA restent « teintées d’un pessimisme prudent ».
Le rapport étudie les différentes façons — y compris la crise des déplacements forcés de population — dont les guerres civiles mettent à mal les économies de la région. Il cherche aussi à savoir comment la situation économique se rétablirait au Moyen-Orient et en Afrique du Nord dans l’hypothèse du retour à la paix.
Le coût économique de cinq années de guerre en Syrie et de leurs retombées sur les pays voisins — Turquie, Liban, Jordanie, Iraq et Égypte — est estimé à près de 35 milliards de dollars de pertes de production (sur la base des prix de 2007), soit l’équivalent du PIB de la Syrie en 2007. Selon une évaluation provisoire, conduite par la Banque mondiale, des dommages survenus dans six villes syriennes (Alep, Dar’a, Hama, Homs, Idlib et Lattaquié) et sept secteurs (logement, santé, éducation, énergie, eau et assainissement, transports et agriculture), le coût de ces dégâts se situait dans une fourchette comprise entre 3,6 et 4,5 milliards de dollars à la fin de 2014. Enfin, le coût de la remise en état des infrastructures libyennes est estimé à 200 milliards de dollars sur les dix prochaines années.
« Non seulement les guerres civiles ont causé d’innombrables dommages humains et matériels, mais elles ont provoqué une des pires crises de déplacements forcés depuis la Seconde Guerre mondiale », constate Shanta Devarajan, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. « Le chômage est élevé chez les réfugiés, surtout parmi les femmes, et ceux qui ont un emploi travaillent souvent sans aucune protection dans le secteur informel. Au Liban, environ 92 % des réfugiés syriens n’ont pas de contrat de travail et plus de la moitié d’entre eux sont embauchés de manière saisonnière, à la semaine ou à la journée pour des salaires minimes ».
La persistance des conflits et des violences ont réduit à néant des années de progrès dans le domaine de l’éducation en Syrie, au Yémen, en Iraq et en Libye. En Syrie, la guerre civile a empêché plus de la moitié (50,8 %) des enfants d’âge scolaire d’aller à l’école en 2014-2015. Au Yémen, le nombre de pauvres est passé de 12 millions avant la guerre à plus de 20 millions aujourd’hui, soit 80 % de la population.
Les pays frontaliers des zones de conflit (Turquie, Liban, Jordanie et Égypte), dont beaucoup se trouvent déjà dans une situation économique difficile, sont soumis à une pression budgétaire considérable. Selon les calculs de la Banque mondiale, l’arrivée de plus de 630 000 réfugiés syriens coûte plus de 2,5 milliards de dollars par an à la Jordanie, soit 6 % de son PIB et un quart de ses recettes publiques annuelles.
« Un règlement de paix en Syrie, en Iraq, en Libye et au Yémen pourrait entraîner un rapide rebond de la production pétrolière, qui permettrait à ces pays de disposer d’une plus grande marge de manœuvre budgétaire, d’améliorer leur balance des paiements courants et de stimuler leur croissance économique à moyen terme — ce qui, en outre, aurait des retombées positives sur les pays voisins », estime Lili Mottaghi, auteur du rapport et économiste pour la région MENA à la Banque mondiale.
Si les conflits s’apaisent dans la région, un passage pacifique à la démocratie stimulera la croissance économique en encourageant l’investissement, la scolarisation, les réformes économiques et la fourniture de biens publics et en réduisant les troubles sociaux. Selon les estimations de la Banque mondiale, la mise en place de régimes démocratiques à part entière dans les pays de la région MENA — considérés comme les États les moins démocratiques au monde — porterait le taux de croissance moyen du PIB à 7,8 % en l’espace de cinq ans contre environ 3,33 % en l’absence de transition démocratique.
Source de l'article Banque Mondiale
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