Transports : une gigantesque autoroute maritime
Le risque de pollution dû au transport maritime figurait déjà dans le rapport 2011 du sénateur Roland Courteau consacré à l'état de la Méditerranée. En 2006 (étude de la Lloyd's), on dénombrait déjà 31 000 routes maritimes effectuées par 13 000 navires par an, 250 000 escales de navires de plus de 100 000 tonnes et 10 000 navires en transit par an. Les pétroliers avaient effectué 4 229 voyages en charge, transportant 420 millions de tonnes de pétrole brut dont 72 millions de tonnes en transit.
Aujourd'hui, près du tiers des échanges mondiaux y transitent et la Méditerranée est devenue en quelques années la deuxième région de croisière du monde avec 27 millions de passagers par an. Ces activités qui sont appelées à se développer dans les années à venir, tant en raison de la multiplication du nombre de routes que de l'intensification du trafic (élargissement du canal de Suez), «vont inévitablement aggraver les pressions diverses exercées sur les environnements marin et côtier», indique le WWF.
«Le transport maritime est en effet responsable de nombreuses perturbations nuisant gravement aux espèces et aux habitats marins et littoraux : pollution, collision avec les grands cétacés, déchets marins, bruit sous-marin et introduction d'espèces non-indigènes, pour ne citer qu'elles».
À plus long terme, l'exploitation minière est un autre point noir. Des gisements de sulfure ont été identifiés à proximité des littoraux italien et grec, respectivement près de la Calabre et en mer Egée. Mais les fonds marins devraient aussi fournir nodules polymétalliques, cobalt, cuivre, nickel, plomb, zinc… Vous avez dit Mare Nostrum…
Les hydrocarbures exploités à outrance
20 avril 2010. Ce jour-là, l'accident de la plate-forme Deepwater Horizon fait 11 morts et laisse échapper pendant près de quatre mois, 4 millions de barils de brut. A toute chose malheur est bon dit-on et, de fait, cette catastrophe a marqué le début d'une prise de conscience sur les dangers qui menacent la Grande bleue. En 2011, le sénateur de l'Aude Roland Courteau présente un premier rapport de l'OPECST (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques) sur la pollution en Méditerranée. On y apprend que cette mer semi-fermée compte déjà une soixantaine de plateformes d'exploitation d'hydrocarbures (pétrole et gaz) en Italie, Tunisie et Lybie et que beaucoup de projets de forages à des profondeurs supérieures à 1 000 mètres sont dans les cartons. D'ailleurs, un projet de plateforme menace jusqu'aux calanques marseillaises au large des parcs nationaux de Port Cros où poussent les magnifiques herbiers de Posidonie et se reproduisent des espèces protégées.
En avril 2015, le constat global ne s'est pas amélioré : «40 % de la Méditerranée sont potentiellement ouverts à l'exploration d'hydrocarbures. C'est énorme, surtout lorsque l'on connaît les risques sismiques de la région», indique Pascal Canfin, directeur général du WWF France. Une énorme menace plane donc sur cette mer réceptacle de 4,6 % des réserves planétaires de pétrole et de gaz. Selon le WWF, la production pétrolière en mer pourrait progresser de 60 % entre 2010 et 2020 quand la production de gaz pourrait être multipliée par cinq entre 2010 et 2030.
En 2011, le premier rapport du sénateur Courteau sur le sujet ne disait pas autre chose. Cinq ans ont passé et la Méditerranée continue d'être pillée et saccagée.
Pêche : des fonds raclés jusqu'à l'os
La multiplication des bancs de méduses chaque année jusqu'à l'invasion ? Les scientifiques sont formels, ces phénomènes sont des signes vraisemblables d'une dégradation du milieu marin. Exploitation minière des fonds, extraction d'hydrocarbures, pollution terrestre et trafic maritime y sont pour beaucoup. Mais la surpêche pourtant seul domaine en perte de vitesse, a aussi sa part.
En Méditerranée, qui couvre 1 % des océans mondiaux et abrite près de 9 % de la diversité biologique marine (17 000 espèces recensées), plus de 40 espèces de poissons sont menacées. Pour le seul thon rouge, «il y a eu une baisse d'environ 50 % du potentiel de reproduction au cours des 40 dernières années en raison de la surpêche intensive», explique Kent Carpenter à l'UICN (Union Internationale pour la conservation de la nature). Les requins qui sont chassés pour leurs ailerons avant d'être jetés après découpe et les raies sont aussi durement menacés. Tout comme le mérou et le merlu. Quant au phoque moine, il a quasiment disparu et six autres espèces de mammifères marins sont menacées d'extinction.
Les lignes de pêche, filets de chalutage, et autres filets dérivants ont fait leur œuvre… Y compris sur la pêche artisanale qui peine à ramener de quoi remplir l'assiette. Mais un autre danger menace. La baisse des stocks de poissons pourrait en effet favoriser le développement de l'aquaculture. En France l'Ifremer s'attache à une aquaculture responsable. En Grèce, entre autres, antibiotiques et produits chimiques sont largement dispensés aux espèces élevées. Cette production est passée de 540 000 tonnes en 1990 à 1,4 million de tonnes, et dépasse la pêche.
500 millions de touristes en 2030
Le succès du bassin méditerranéen, qui reste la première destination touristique dans le monde, n'est pas près de se démentir. Entre 2015 et 2030 les arrivées de touristes internationaux devraient croître de 60 % pour arriver à 500 millions en 2030. Cet afflux constitue une source de revenus indispensable pour les cinq pays africains, les cinq asiatiques et les 11 européens, riverains du bassin. Mais sur cette côte où 90 % de la biodiversité se situe dans les 200 premiers mètres de la frange littorale, le succès se paie cash. 42 % du littoral est déjà bétonné et, «par rapport à 2005, 5 000 km de littoral côtier vont être artificialisés d'ici 2030, à l'échelle de toute la Méditerranée», indique le rapport du WWF.
En France, ce littoral qui s'étire sur 1 960 km, est le plus bétonné et artificialisé de France (61 %). Les concessions de plage, les ports et leurs marinas n'ont cessé de le grignoter provoquant ce que l'on appelle un mitage de la bande côtière. Et la côte d'Azur – 11 millions de touristes par an – n'est pas loin d'être comparée à un mur de béton.
À cela s'ajoute forcément la question de la gestion des déchets et des pollutions, à plus de 90 % d'origine terrestre : 250 milliards de microplastiques qui font de la grande bleue la mer la plus polluée du monde.
Enfin, le tourisme pose la question de l'eau : chaque touriste consommant environ 300 litres par jour (jusqu'à 880 pour le tourisme de luxe) soit le double des populations locales. Le Club Med, l'Espagne, Malte, et l'Égypte développent des process pour réutiliser les eaux usées. Ce qui ne reste, pour l'heure, qu'une goutte d'eau dans un océan de vie menacé.
Christine Roth-Puyo - Source de l'article LaDépeche
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