Alors que tout le private equity mondial lève des fonds pour l'Afrique, Inframed, jusqu’ici dédié aux infrastructures sur le pourtour méditerranéen, participe au mouvement. Yousra Khayati, directrice associée d’Inframed, détaille les cibles de ce futur fonds porté par la CDC, la BEI ou la CDG marocaine.
Le fonds Inframed Infrastructure a été créé en mai 2010 par la Caisse des Dépôts (CDC) française, la Cassa Depositi e Prestiti (CDP) italienne, la Banque européenne d'investissement (BEI), la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) marocaine et l'egyptien EFG Hermes. Ce premier instrument de financement de l'Union pour la Méditerranée (UPM) cible les infrastructures dans les régions sud et est de la Méditerranée. Mais il veut créer un nouveau véhicule pour l'Afrique. Explications avec Yousra Khayati, directrice associée d’Inframed, et basée à Casablanca.
L'Usine Nouvelle : Avez-vous réussi à investir votre fonds Inframed dédié aux infrastructures en Méditerranée dans le contexte régional difficile que l’on connaît ?
Yousra Khayati : Nous sommes en phase d’investissement d’un fonds de 385 millions d’euros. Les trois-quarts sont déjà investis en Tunisie, Jordanie et Egypte sur des fonds levés en 2010, juste avant les révolutions. A l’origine, ce fonds devait s’élever à un milliard d’euros mais avec les évènements dans la région, nous avons préféré en rester là. Heureusement, Inframed a réussi à investir malgré les difficultés de la région.
Pour la première fois, Inframed s’intéressera au reste de l’Afrique. Comment abordez-vous le continent ?
Nous sommes en train de lever un nouveau fonds dédié à l’Afrique qui atteindra 80 à 150 millions d’euros. La BEI, Casa Deposity, la CDC, la CDG et des fonds nordiques nous ont accordé leur confiance. Le closing devrait se faire à l’été 2016. Nous nous appuyons sur le réseau I&P fondé par Jean-Michel Sévérino pour trouver des opportunités d’investissement. I&P indetitife un réseau de PME locales très développées.
Tous les fonds d’investissement internationaux s’intéressent aujourd’hui à l’Afrique. Dans ce contexte, quelle est la spécificité des deals que vous recherchez ?
Nous avons un pipeline de projets très important. Ce sont de petits porteurs de projets, de préférence privés, qui font du "early stage" pour des investissements allant de 50 millions à 80 millions d’euros avec un fort impact local. Nous nous intéressons à de petites infrastructures dans les secteurs de l’eau, de la santé, du traitement des déchets, voire de l’énergie, mais pas pour réaliser de grandes centrales.
Inframed réfléchit plutôt à des projets de production électriques adossés à un hôpital, par exemple, ou à un "mini-greed" dédié à un village. En somme, nous allons faire du capital risque en prenant des positions majoritaires sur ces projets pour contrôler leur développement.
Quelle est votre analyse du marché africain?
En Afrique, il y a beaucoup de projets qui sont bloqués en phase de préfaisabilité à cause des barrières à l’entrée du marché. Dans le lot, il y a des projets répliquables. Il s’agit d’une business de niche dans le domaine des infrastructures et dans ce contexte, nous cherchons la pépite : on veut être là au bon moment, au bon endroit, avec le bon développeur. Ça ne veut pas dire que notre management ne sera pas regardant sur les standards ESG [environnementaux, sociaux et de gouvernance, ndlr].
Avec des investisseurs institutionnels comme la BEI et l’AFD, Inframed va respecter les procédures de procurement et recruter localement.
Quel taux de retour sur investissement (TRI) visez-vous?
Nous visons un TRI moyen inférieur à celui que nos précédents fonds ont pu réaliser au Maghreb. Le contraire ne serait tout simplement pas réaliste. Les TRI que l’on peut attendre en moyenne au Maroc ne sont pas très élevés, environ 10%, mais ils sont sûrs, tandis qu’en Afrique subsaharienne on peut espérer plus autour de 12% mais ce sera moins sûr. Cette fois, nous allons être face à des opérateurs privés qui présentent nécessairement des problèmes de solvabilité. Il y aura forcément quelques pertes, d’où l’importance de diversifier nos investissements.
En amont, il est certain que notre équipe va écarter les projets qui ne seront pas du tout potentiellment rentables, mais nous ne nous interdirons pas de réaliser un investissement qui ne rapportera rien pour peu qu’il soit adossé à un investissement plus important qui, lui, sera rentable, dans la mesure où ce projet aura un fort impact économique et social local.
Par Julie Chaudier - Source de l'article l'Usine Nouvelle
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