Françoise Sivignon, présidente de MDM, et Fabienne Lassalle, vice-présidente de SOS Méditerranée, ont raconté à Paris Match la genèse de l’opération de sauvetage et d'aide médicale en mer Méditerranée qu’elles lancent à partir du 25 février en mer Méditerranée. Mais SOS Méditerranée ne compte pas s’arrêter là. L'association souhaite pérenniser cette action, comme l’a fait la SNSM avant elle.
L'Aquarius débutera sa mission de sauvetage le 25 février |
Le partenariat des associations SOS Méditerranée, et Médecins du Monde(MDM) est né d’un constat : «les gens continuent de se noyer en masse» en fuyant leurs pays. En 2015, pas moins de 3.772 personnes ont péri, la plupart en tentant de gagner l’Italie. La mer Méditerranée constitue aujourd’hui la route la plus dangereuse pour les migrants. Face à cette réalité, on ne peut qu’en déduire qu’il y a «une carence» des pouvoirs publics, que «le dispositif mis en place par les politiques européens n’est pas suffisant», comme nous l’a fait remarquer Françoise Sivignon, présidente de Médecins du Monde.
Plus précisément : il n’y avait personne en haute mer, dédié au sauvetage des migrants en Méditerranée. Seule l’opération militaire Sophia (anciennement appelée EUNAVFOR MED), lancée par l’Union européenne en juin 2015, agit également dans le secteur, mais elle vise aussi, voire surtout, à lutter contre les passeurs. Tandis que le but de l’opération de sauvetage qui débutera le 25 février –une initiative citoyenne- est uniquement celui que revendique haut et fort SOS Méditerranée: «sauver des vies». «Tendre la main à quelqu’un qui se noie, comme le veut l’obligation maritime», souligne la vice-président de l’association, Fabienne Lassalle. Quoique MDM ajoute tout de même un volet médiatique : saisir cette occasion –et toutes les autres- pour «mettre la pression sur les politiques» afin qu’ils assument leurs responsabilités.
Des politiques qui vont dans le mauvais sens
«Notre objectif est aussi de témoigner, et de continuer notre plaidoyer sur les politiques migratoires inadaptées», explique Françoise Sivignon. «Nous voulons des voies d’accès légales et sécurisées pour ces personnes», a-t-elle poursuivi. Mais malheureusement, loin d’obtenir des réponses satisfaisantes, ce sont au contraire «des murs qui s’élèvent et ferment l’Europe, divisent l’espace Schengen», constate la radiologue de profession. Françoise Sivignon estime que nous sommes même dans «une phase de radicalisation, y compris dans les propos de politiques». «On n’est pas près de se taire», résume-t-elle.
Rappelons que l’abandon de l’opération Mare Nostrum (fin 2013-fin 2014) pour des raisons économiques, a été largement pointé du doigt par les défenseurs des droits de l’Homme. Cette mission de sauvetage, qui œuvrait jusqu'aux côtes libyennes, a été remplacée par l’opération «Triton», qui vise avant tout le contrôle des frontières et reste limitée aux eaux territoriales européennes, le long des côtes italiennes, donc. Gérée par l'agence européenne de contrôle des frontières européennes Frontex, Triton dispose d'un équipement plus modeste que Mare Nostrum, bien qu’il ait été largement renforcé depuis.
SOS Méditerranée voit loin
Les ambitions de SOS Méditerranée vont au-delà de l’urgence. L’association compte créer «une structure pérenne de sauvetage en mer». En fait, elle souhaite réinventer «ce qui existait au XIXe siècle lorsque nous, Européens, cherchions à rejoindre les côtes américaines, et nous noyions, raconte Fabienne Lassalle. La société civile s’était alors mobilisée, donnant naissance à des sociétés comme la SNSM (Société Nationale de Sauvetage en Mer)» «Le projet est né de la rencontre entre un capitaine de marine marchande allemand, Klaus Vogel, et de l’humanitaire française Sophie Beau, qui avait travaillé entre autres pour MDM, ce qui explique la suite», poursuit-elle. «Dès le départ, ils ont voulu faire porter leur projet par la société civile européenne. Vous n’êtes pas sans savoir que le droit européen ne nous permet pas de créer une association européenne, d’où la création d’entités nationales –le 9 mai 2015, journée de l’Europe, l’association allemande, puis le 20 juin l’association française, et dans quelques jours, le 23 février, l’italienne. L’idée étant d’élargir aux autres pays européens et pourquoi pas même au bassin méditerranéens.»
Si les deux fondateurs réunissaient des compétences maritimes et humanitaires, il manquait un volet indispensable: le médical. C’est ainsi qu’ils se sont naturellement tournés vers MDM, et que ce beau et ambitieux projet est né. Financièrement parlant, il s’appuie principalement sur la générosité du public* –une campagne de crowdfunding a été lancée en septembre dernier sur la plateforme Ulule. A ce jour, près de 275.000 euros ont été récoltés, ce qui a permis à l’équipe d’affréter un navire pour trois mois. C’est l’Aquarius, un ancien bateau de garde-côtes allemand de 77 mètres de long, qui inaugurera les opérations –après un passage au port de Marseille les 19 et 20 février. L’Aquarius présente l’avantage d’être très grand (il pourra accueillir jusqu’à 500 personnes) et bien équipé (avec notamment un intérieur et un extérieur). Il sera positionné en haute mer, à proximité des eaux territoriales libyennes.
«Il ne manque que l'argent»
Côté MDM, l’équipe sera composée de deux médecins, deux infirmiers, un logisticien, un chargé de communication et un interprète –qui informera les migrants sur leurs droits pour la suite de leur parcours. Côté SOS Méditerranée, il y aura cinq sauveteurs, dont le capitaine Klaus Vogel, des matelots formés au sauvetage, et un photographe. Un roulement aura lieu toutes les trois semaines environ. Les opérations se dérouleront en coordination avec le MRCC (Maritime Rescue Co-ordination Centres) basé à Rome, et qui reçoit tous les appels de détresse. L’Aquarius recevra l’ordre d’aller porter secours à une embarcation en détresse, puis, soit de débarquer ses occupants dans un port italien, soit de procéder à une opération de transbordement –dans un bateau de Frontex par exemple. Le but étant de limiter les allers-retours, afin d’être le plus possible sur zone, et de ne pas gaspiller de fioul.
Et SOS Méditerranée ne compte pas s’arrêter là. «Ce sera extrêmement difficile pour nous si on est obligé de rentrer fin avril», lâche Fabienne Lassalle. D’où l’urgence de l’appel aux dons. «Il faut que cette opération se maintienne !», insiste-t-elle, remerciant tous ceux qui se mobilisent pour cette cause –parlementaires, artistes, et bien sûr de tous les professionnels de la mer. Et de conclure : «Tout est prêt, il ne manque que l’argent ! Mais on y croit».
Pour faire un don, cliquez ici.
Par Marie Desnos - Source de l'article Paris Match
* de la société civile, des entreprises (la BNP a été la première à se manifester) –MDM souligne que pour sa part, ils n’acceptent que les fonds privés- et des collectivités publics.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire