Selon les professionnels du secteur, les investissements dans les œuvres d'art au Liban augmentent et la demande se démocratise.
Depuis plusieurs années, la notoriété et le succès commercial des œuvres d'art libanaises se confirment. Lors des ventes aux enchères de tableaux contemporains de la région, tenues par l'emblématique hôtel de ventes Christie's à Dubaï en mars 2015, les ventes d'œuvres d'artistes libanais avaient par exemple représenté 2,2 millions de dollars, en troisième position derrière les œuvres d'artistes égyptiens (2,8 millions de dollars) et iraniens (2,3 millions).
Mais le Liban pourrait-il s'affirmer au point de devenir le hub commercial de l'art au Moyen-Orient ? C'est la question qui a été posée lors d'une conférence tenue jeudi dernier à l'École supérieure des affaires, en marge du lancement d'un nouveau certificat sur le management de l'art par l'institution (voir encadré). Pourtant, le marché de l'art de la région reste relativement embryonnaire comparé au marché mondial. « En valeur, le marché de l'art du Moyen-Orient est relativement petit, il est d'ailleurs classé dans la catégorie "autres pays", qui représente 5 % des ventes mondiales, tandis que les États-Unis sont en tête avec 43 % des ventes mondiales, suivis par le Royaume-Uni (21 %) et la Chine (19 %), selon le rapport du Tefaf (The European Fine Art Fair) », explique d'emblée Diane Abela, consultante au sein du cabinet Gurr Johns.
Mais, au Liban, selon les professionnels du secteur, le marché suit une tendance plutôt dynamique. « Le Liban est déjà un hub commercial de l'art de la région. L'art libanais se tient très bien par rapport à l'art des pays voisins (Syrie, Irak, Jordanie) et les ventes de tableaux libanais sont florissantes, les tableaux se vendent aussi bien à Beyrouth qu'à Dubaï, et même à un meilleur prix », explique à L'Orient-Le Jour Nada Boulos Alassaad, conseillère en art. Et la demande se démocratise. « Désormais, la clientèle ne se limite plus aux grands collectionneurs, mais nous voyons aussi un appétit de la part de nouveaux arrivants, dans la trentaine, qui investissent des petites sommes, généralement à moins de 4 000 dollars », indique à L'Orient-Le Jour Raya Mamarbachi, cofondatrice de la plateforme de vente d'œuvres d'art Artscoop. « Il y a un intérêt croissant, mais les chiffres des ventes ont malgré tout atteint un certain plafond car nous passons par une période difficile, les prix ne flambent pas comme ils ont pu le faire auparavant », nuance auprès de L'Orient-Le Jour Valérie Arcache-Aouad, commissaire-priseur au Liban. Estimé à 63,8 milliards de dollars en 2015, le marché de l'art mondial a connu une baisse de 7 % par rapport à 2014, une première depuis l'année 2011, selon le rapport annuel du Tefaf publié en 2016.
Investissement financier
Reste que, pour de plus en plus d'acheteurs, l'art s'avère être un vrai placement financier. « Auparavant, les acheteurs se procuraient des œuvres d'art pour l'art, mais maintenant, de plus en plus le font dans une logique d'investissement, confirme Raya Mamarbachi. Par exemple, la célèbre présentatrice américaine Oprah Winfrey a récemment vendu un tableau de Gustav Klimt à 150 millions de dollars, alors qu'elle l'avait acheté il y a une dizaine d'années à 90 millions de dollars ! » « Il y a aussi certains artistes libanais qui sont une valeur sûre. On ne peut jamais garantir la prise de valeur d'un tableau, mais quelques artistes libanais sont extrêmement talentueux et ont prouvé leur longévité », explique Diane Abela à L'Orient-Le Jour. Or l'investissement dans l'art répond tout de même à des règles différentes des placements habituels. « L'art est un investissement sur le long terme, il faut au moins attendre deux ans pour que l'œuvre prenne de la valeur », estime Raya Mamarbachi. « Ce n'est pas un actif liquide, comme une action que l'on peut revendre en une fraction de seconde. Même le meilleur Picasso peut prendre 18 mois à trouver acheteur. Parfois, les acheteurs font ce qu'on appelle du "flipping" et tentent de faire de l'argent très vite sur de jeunes artistes qui montent, mais cela peut s'avérer risqué », prévient Diane Abela.
En attendant, aux dires des professionnels, le Liban peut, dans ce domaine aussi, prétendre à l'étiquette de Suisse du Moyen-Orient. « Le Liban n'aura probablement jamais les mégamusées des pays du Golfe, ni les grandes enchères de Christie's et Sotheby's, mais pourrait jouer dans la région le même rôle que celui de la Suisse en Europe en mettant l'accent sur l'expertise artistique, le fort niveau d'éducation et des services professionnels de pointe », conclut Diane Abela.
Un nouveau certificat en management de l'art lancé à l'ESA
En marge de la conférence sur le marché de l'art au Liban, tenue à l'École supérieure des affaires (ESA) jeudi dernier, Stéphane Attali, directeur général de l'ESA, a annoncé le lancement d'un certificat en management de l'art qui a pour objectif de fournir aux participants une expertise approfondie du marché. Développé en partenariat avec Gurr Johns, cabinet d'expertise largement reconnu dans le monde de l'art, la formation d'une durée de six mois permettra aux participants de comprendre les mécanismes et structures qui déterminent le prix et la valeur des œuvres d'art, et se conclura par un voyage d'études de quatre jours à Londres, comprenant des visites des principaux musées, galeries d'art et salles de vente.
Par Céline Haddad - Source de l'article l'Orient le Jour
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