Pierre Moscovici: "Les malentendus sur les accords Maroc-UE sont en train de se dissiper"

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Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et financières, était de passage à Marrakech le 25 mai. L’occasion de revenir sur les relations Maroc-UE, quelques mois après les tensions liées aux accords agricoles et leur application.

Dans une luxueuse salle du Palace Es Saadi de Marrakech, Pierre Moscovici, commissaire aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et aux Douanes de l'Union européenne, a été reçu le 25 mai par plusieurs centaines d’étudiants de la prestigieuse université Cadi Ayyad. "Le Maroc est un pays que je connais bien et que j’aime beaucoup", a-t-il lancé en guise d'introduction. Il intervenait lors de la conférence intitulée "Europe-Maroc: quels enjeux économiques face aux nouveaux défis" organisée dans le cadre des "Tribunes de Marrakech". Il y avait déjà assisté en 2013, en tant que ministre français des Finances. 

Européen convaincu, Pierre Moscovici a appelé les Marocains à faire confiance à l’Union européenne, certes en difficulté, mais qui reste un des premiers pôles économiques mondiaux, notamment grâce à un marché de 500 millions de consommateurs. "Les investissements européens sont à la traîne face à la consommation et à l’exportation. Nous souhaitons co-investir avec l’Afrique, et plus précisément le Maroc", a-t-il déclaré en rappelant que "l’Afrique est LE continent d’avenir", puisqu’il devrait "connaître une croissance annuelle supérieure à 5% d’ici 2025 grâce aux locomotives que sont le Nigeria, l’Afrique du Sud… et le Maroc".

Une opération séduction qui fait suite à quelques mois mouvementés entre le Maroc et l’Union européenne, dont les relations ont été bousculées par l’arrêt de la cour de justice du 21 décembre 2016 qui dit que "les accords d’association et de libéralisation conclus entre l’UE et le Maroc ne sont pas applicables au Sahara".

Telquel.ma: Un mandat de négociation, proposé par la Commission dont vous faites partie, est dans les tuyaux des institutions européennes pour amender les protocoles agricoles des accords d’association entre le Maroc et l’UE. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Pierre Moscovici: Quand la cour de justice de l’UE édicte un arrêt, il est du devoir des institutions européennes - à commencer par la Commission - de le respecter. Je comprends que cela ait pu créer des malentendus, voire des tensions ou du moins des irritations, mais les choses sont en cours de règlement après la rencontre très positive en février entre Federica Mogherini [vice-président de la Commission européenne et haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, NDLR] et Nasser Bourita, alors ministre délégué aux affaires étrangères. Je reviendrai à Rabat pour m’entretenir avec le ministre des Finances que j’ai eu le temps de rencontrer à Washington lors des réunions du Fonds monétaire international. Je pense que les malentendus sont en train de se dissiper. Laissez les Européens prendre leurs décisions.

Quel est l’enjeu de ce mandat, et qu’en attend la Commission? 

L’idée est en effet d’avoir un mandat pour négocier des tarifs préférentiels pour les marchandises en provenance du Sahara occidental et faire en sorte que la relation douanière soit fluide. Nos partenaires marocains comprennent que - dans le respect de nos principes et dans le respect de nos règles de droit - nous sommes en train de trouver des solutions qui conviennent à tous.

Dans une lettre de parlementaires européens qui vous est adressée, ces derniers reprochent à la Commission de vouloir contourner l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne par ce mandat et de ne pas inclure le "Front Polisario" dans les négociations. Que répondez-vous ?

Pour ce qui nous concerne, nous respectons nos propres règles et nous agissons en fonction des traités. La Commission applique les règles et respecte l’arrêt de la Cour, nous ne sommes pas en train de les contourner. D'ailleurs, je suis commissaire en charge des douanes. Je pense que ce dossier est traité dans le respect de nos principes du soutien que l’UE apporte aux efforts du secrétaire général des Nations unies à trouver une solution politique au Sahara occidental, ainsi que dans le respect des intérêts stratégiques qui passent par une relation étroite et positive avec le Maroc.

Les accords de pêche, eux, expirent à l’été 2018. Quel pourrait être l’impact de l’arrêt de la Cour sur leur renégociation ?

N’anticipons pas. Prenons les choses étape par étape. Encore une fois, nous souhaitons avoir une relation stratégique avec le Maroc qui est un partenaire spécial. Nous allons trouver des solutions, nous les cherchons, nous les trouverons et nos partenaires marocains l’ont bien compris.

Pourquoi le Maroc est-il un partenaire privilégié de l’UE?

Dans le Maghreb, le Maroc est un pays qui jouit d’une stabilité politique et économique, qui s’industrialise, qui connait un essor culturel et éducatif. Ce pays est pour nous un pont vers l’Afrique, en même temps qu’un débouché économique majeur. De la même façon, l’Europe est un débouché majeur pour le Maroc. Nous comprendrons que cette relation soit d’une importance particulière. Nous tenons vraiment à ce que l’UE ici tienne toute sa place. Le Maroc a une diplomatie mondiale et il peut arriver que des malentendus surviennent. Il est essentiel pour nous de les aplanir, car cette relation est essentielle.

Le Maroc est aussi un pays stable où l’investissement est sûr. Le fait de ne pas craindre d’aléa politique est un atout qui explique l’engouement des entreprises européennes et surtout françaises. Quand je suis venu en 2013, en tant que ministre des Finances, je me suis rendu à Rabat et à Casablanca avec le ministre Moulay Hafid Elalamy pour travailler sur l’implantation de PSA au Maroc. Le pays a des atouts uniques pour être une destination privilégiée pour les investissements européens, et nous faisons confiance au savoir-faire marocain et à ses talents économiques. Les fondamentaux sont là, comme un secteur bancaire en bonne santé qui rend possibles des financements qui manquent en Afrique.

Et que pouvez-vous dire de la coopération Maroc-UE en termes de lutte contre le terrorisme?

Les phénomènes terroristes sont des phénomènes mondiaux. Les terroristes ne connaissent pas de frontière. C’est la raison pour laquelle nous sommes en train d’adopter une approche de plus en plus intégrée en Europe qui passe par un échange de renseignements, qui est la clé de tout. On connait la qualité des services de renseignement marocains. Pour nous, avoir avec nos amis marocains une capacité à développer cette coopération est tout simplement vitale. En effet, les renseignements marocains ont déjoué des attaques et ont réussi à avoir des informations particulières. Cette coopération est absolument essentielle. C’est le renseignement et l’intelligence qui sont la clé de la victoire que nous finirons par remporter sur le terrorisme. Avoir des partenaires dans les pays arabes, qui soient des partenaires démocratiques, stables et informés, est un atout majeur.

Les électeurs français du Maroc sont appelés aux urnes le 4 juin pour les législatives. Quel regard portez-vous sur cette campagne alors que votre parti, le Parti socialiste, est en grande difficulté ?

Je suis toujours un homme politique socialiste. Je souhaite donc qu’il y ait des députés socialistes en nombre au parlement, car c’est un facteur d’équilibre démocratique. Mais le PS ne sera pas dans la majorité présidentielle, car le président Emmanuel Macron a fait le choix de ne pas faire de coalition. Cependant, il faut que le pays soit gouvernable. S’opposer de façon pavlovienne n’a pas de sens, car le président a des mesures progressistes et un engament européen que nous devons saluer. L'utilité des socialistes sera d’apporter une couleur sociale-démocrate de gauche, réaliste et européenne, dans la future assemblée.

Par Théa Olivier - Source de l'article TelQuel

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