World economic forumA Davos, les dirigeants européens ont laissé éclater leurs divergences sur la question des migrations.
Le premier ministre grec Alexis Tsipras et la présidente d'Eni Emma Marcegaglia lors d'une session du WEF, ce jeudi à Davos. Image: Keystone/Laurent Gilliéron |
En 2015, l’Europe a accueilli un million de migrants. Un chiffre énorme pour le Vieux-Continent, qui ne parvient pas à digérer cet afflux d’êtres humains. Mais minuscule par rapport aux 60 millions de personnes déplacées en particulier en Afrique et au Proche-Orient. Comment gérer ces mouvements de vagues qui se sont transformés en tsunamis depuis l’éclatement de la guerre civile en Syrie ?
A Davos, tout le monde souhaite une «solution globale pour ce problème global», mais les pistes se brouillent dès que les projecteurs se concentrent sur un pays en particulier. «L’Europe doit investir dans les conditions de vie des réfugiés en Jordanie, au Liban et en Syrie. Les migrants se rendent en Europe car, faute d’argent, des programmes humanitaires ont été arrêtés sur place», a martelé le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel, en ouvrant mercredi soir le cycle de conférences de l’Open Forum, organisées en dehors de l’enceinte officielle et ouvertes au public. Un public venu en masse, une seconde salle ayant dû être ouverte pour les accueillir lors de cet événement organisé par LENA, alliance de journaux européens dont la Tribune de Genève fait partie.
Si cette proposition allemande a le mérite d’être claire, la question du financement reste à résoudre. D’autant plus que, jeudi matin, le ministre allemand des finances, dans une autre session, a été un tout petit plus précis dans les chiffres: «il faudra injecter des milliards d’euros pour les aider sur place». Dans son élan, Sigmar Gabriel a aussi souhaité que «les frontières de l’Europe soient mieux protégées» grâce, en particulier, à un accord avec la Turquie. «Cela ne fonctionnera pas! Nous ne pouvons déjà rien faire avec la Grèce», a réagi le premier ministre serbe Aleksandar Vucic. «Nous sommes prêts à accepter notre quota de migrants mais nous ne savons pas comment va évoluer la situation», a ajouté l’homme politique serbe, en évoquant ses deux voisins du sud, la Macédoine et la Grèce.
Représentant les milieux économiques, Hamdi Ulukaya, patron de Chobani, un fabricant américain de yoghourts, a demandé aux milieux économiques «de s’engager» pour tenter d’apaiser cette explosive question migratoire. Airbnb et LinkedIn ont déjà répondu à ce cri.
«Mettons-nous tous ensemble! Cassons les barrières entre les Etats, les entreprises et les ONG», a ajouté ce chef d’entreprise, un Kurde de Turquie ayant lui-même immigré aux Etats-Unis. Dans cette alliance triptyque, le premier ministre suédois Stefan Löfven a fait son choix: «impliquer la société civile, c’est crucial». Le problème de l’immigration doit être d’abord résolu sur le terrain des relations humaines. Et l’intégration des immigrés passe par le travail. Sur ce point, les orateurs sont unanimes. «C’est le job qui fait la différence», a résumé William Lacy Swing, directeur général de l’IOM (Organisation internationale pour les migrations). Deux réfugiés en Suisse, originaires d’Ouganda et du Sri Lanka, sont venus le témoigner. Ils représentaient, au fond, les véritables pays confrontés aux déplacements de population.
Ces régions n’avaient aucun orateur à cette conférence qui prenait parfois une drôle d’allure, celle d’un débat de bisounours égayé par quelques chamailleries.
Car ce sont d’abord les nations africaines et celles du Proche-Orient qui sont confrontées à la question migratoire. C’est le Liban, un petit pays déjà soumis à de fortes tensions internes entre ses diverses communautés, qui compte le nombre de réfugiés le plus important: sur dix habitants, plus de deux sont des migrants. La Jordanie, un Etat aussi fragile avec Daech à ses portes, est seconde sur le podium de ces efforts colossaux. La Turquie paie aussi son tribut. En revanche, mis à part la Suède, aucun pays européen ne figure dans le classement des quinze principaux Etats concernés. Il faudrait que l’Allemagne héberge effectivement un million de réfugiés pour qu’elle y apparaisse. Pour la France, la barre est fixée à 600'000 et, pour la Suisse, à 80'000.
Lorsque la chancelière Angela Merkel avait annoncé que son pays pouvait accueillir un million de migrants, les grands industriels allemands avaient applaudi. Après les Turcs, immigrés de longue date, pourquoi les Syriens ne pourraient pas serrer les derniers boulons des automobiles Made in Germany?
Revenons aux principaux intéressés. Mercredi à Davos, le premier ministre turc Ahmet Davutoglu a dit que son pays hébergeait 2,5 millions de Syriens. «Nous leur octroyons des permis de travail et leurs enfants vont à l’école», a-t-il ajouté, en soulignant encore que la Turquie évite l’hébergement dans des camps afin que les migrants s’intègrent mieux avec la population locale et ne basculent pas dans le terrorisme.
Afin d’enrayer les flots de réfugiés fuyant les agglomérations, Ahmet Davutoglu a aussi souhaité «que l’on cesse de bombarder les zones urbaines de Syrie».
Rejoignant l’avis exprimé à l’Open Forum par Sigmar Gabriel, la reine Rania Al Abdullah de Jordanie a déclaré que son pays «avait besoin d’investissements et non uniquement d’aide humanitaire». Amman entend créer des zones économiques spéciales et mettre en place des programmes de formation. Pour la reine Rania, cette question doit être «traitée de manière durable et non à court terme».
Les solutions au problème de l’immigration n’ont été qu’esquissées à Davos. Le problème migratoire? C’est d’abord une question. Dont les réponses sont multiples, complexes, fragiles et partielles. Quant aux idées, à l’exemple de l’appel du fabricant de yoghourts Hamdi Ulukaya, elles ont été émises sans que l’on sache encore comment ou quand elles aboutiront.
Source de l'article TGD
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