"Atmosphère, atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ?" La célèbre réplique cinématographique d'Arletty pourrait bien être la devise de la quinzaine de scientifiques du projet Safmed, chargés de mesurer les particules fines de l'air du bassin méditerranéen. Car savoir quelle est vraiment la gueule de l'atmosphère, c'est leur boulot depuis 2008, dans le cadre de la vaste mission de recherche publique Charmex (CNRS, CEA, Ademe, Météo France...), qui planche sur la chimie atmosphérique et ses interactions sur le climat. Et il y a de quoi faire.
En 2013, 125 chercheurs et quatorze pays ont collaboré à Charmex. "Ce travail est important, il y a au moins dix ans qu'on n'a pas fait de campagne d'analyse de l'air en Méditerranée et les outils de mesure se sont beaucoup perfectionnés", explique François Dulac, chercheur au CEA et coordinateur de la mission.
Un cocktail explosif
On sait depuis longtemps que le réchauffement climatique est causé par les gaz à effets de serre "mais jusqu'à présent nos modèles d'analyse sous-estimaient l'impact de la concentration en particules fines et en aérosols", précise Eric Hamonou, chef de projet. Tous ces gaz émis par la végétation ou l'activité humaine se condensent, s'oxydent et interagissent jusqu'à se transformer en micro-particules organiques dites secondaires. En gros, les émissions végétales combinées aux émissions industrielles forment un cocktail explosif aux effets démultipliés.
"L'atmosphère agit comme un vrai réacteur chimique et nous, on étudie la transformation de ces polluants, on travaille sur leur cycle de vie pour mieux comprendre la formation de la pollution." Car eux aussi, à une moindre échelle, ont un impact sur l'évolution du climat, au moins localement. La Méditerranée avec son absence de pluie, son ensoleillement intense et sa concentration en particules est le laboratoire climatique idéal de l'Europe. "On sait déjà qu'en Méditerranée, le réchauffement climatique sera plus violent d'ici la fin du siècle avec des épisodes de pluies intenses et des vagues de chaleur récurrentes", prévient François Dulac.
Trois semaines de campagne
Sur le tarmac de l'aéroport, on s'active depuis le début de la matinée. Le vol de l'ATR42 prévu à 13 h pour aller renifler l'air de la Durance, aspiré par des capteurs et traité instantanément par la batterie d'ordinateurs et d'instruments de mesure embarqués, demande une longue et minutieuse préparation. L'équipe de la Safmed est à Avignon du 24 juin au 11 juillet, camp de base idéal pour survoler le sud, de Montpellier à Toulon et jusqu'au golfe de Gênes, un secteur où agglomérations, industries et forêts de chênes verts ou blancs envoient dans l'atmosphère énormément de composés organiques volatils qui deviendront des particules fines. Trois semaines de campagne au cours desquelles quarante vols sont programmés pour sniffer l'air pollué, le plier en courbes et en équations en temps réel. "C'est la chimie 2.0", sourit Eric Hamonou.
"Le train des gaz à effet de serre est parti et sera dur à freiner mais on peut encore agir sur les particules fines, explique Matthias Beekmann, chercheur au CNRS et responsable de la campagne Charmex 2014. Par exemple, quand on a supprimé le soufre dans les carburants dans les années soixante-dix, on a instantanément mesuré une amélioration de la qualité de l'air."
À terme, toutes ces données permettront de trouver des solutions à la pollution, mais ça c'est l'affaire des politiques, pas des chercheurs. Car si la pollution aux microparticules a un impact sur le climat - le rayonnement solaire, l'évaporation de l'eau -, elle provoque aussi des troubles respiratoires et cardiovasculaires. Il y a donc urgence à trouver des solutions.
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