Malgré la crise qui le frappe, le textile tunisien reste un poids lourd de l’économie : il représente quelque 25% des emplois industriels du pays. Petite histoire d’un secteur qui s’est notamment développé à partir des années 70 en raison de la délocalisation toujours plus poussée des marques européennes…
Dans les années 70, la politique fiscale et douanière des autorités tunisiennes a facilité l’installation des entreprises étrangères dans le pays. «Au départ, les marques textiles européennes créaient leurs produits chez elles. Et la fabrication était assurée ici en sous-traitance. Mais par la suite, elles ont cherché à diminuer leurs charges en délocalisant de plus en plus. Et petit à petit, les Tunisiens se sont mis eux-mêmes à proposer des créations que les marques ont achetées», raconte Belhassen Gherab, président de la Fédération nationale tunisienne du textile (Fenatex), et PDG d’Aramys («Aramis, des trois mousquetaires, c’était le mousquetaire le plus élégant !», affirme-t-il en souriant), un groupe de 3000 personnes. Des bienfaits de la délocalisation européenne pour la Tunisie…
On a ainsi vu apparaître dans le pays des stylistes reconnus à l’international tels Hedi Slimane, directeur artistique de la maison Yves Saint-Laurent à Paris et Azzedine Alaïa. Ou encore Haytham Bouhamed et Mouna Ben Braham, créateurs qui se font notamment connaître à travers la Fashion Week de Tunis (première édition en 2009).
Conséquences de la crise en Europe
Pour autant, où en est l’industrie textile tunisienne aujourd’hui? Elle compte quelque 1800 entreprises, avec une majorité de PME, dont 90% travaillent pour l’export, pour un chiffre d’affaires global de 2,5 milliards d’euros par an. Le président de la Fenatex regrette que ces entreprises délaissent un marché local, fourni «par des fabrications asiatiques qui passent par la Libye sans payer de taxes».
Belhassen Gherab, dirigeant d'Aramys et président de la Fédération nationale tunisienne du textile (Fenatex), à Tunis le 23 juin 2015 © FTV |
A l’écouter, l’industrie textile tunisienne «va bien». «Elle possède un savoir-faire et des entreprises performantes. Ses petites unités savent se montrer flexibles et réactives face aux géants de la concurrence asiatique. Elle va bien. Mais c’est l’Europe, son principal débouché, qui va mal. Et notamment ses marchés traditionnels, la France et l’Italie. Cela a évidemment des conséquences sur le secteur», précise Belhassen Gherab. «L’Europe n’a pas le temps de s’occuper de nous à la fois au niveau politique et industriel. Ce qui a des conséquences sur les investissements. La Tunisie se retrouve ainsi seule par rapport à une Libye en pleine déconfiture et à une Algérie qui se referme sur elle-même».
Résultat : l’activité a connu une baisse de 6% de janvier à mai 2015 par rapport à la même période de 2014. Et en quatre ans, elle a perdu 10% de ses effectifs. Aujourd’hui, elle ne compte plus que 180.000 salariés.
Dans ce contexte, les industriels tunisiens s’efforcent de trouver de nouveaux débouchés en Europe du Nord et en Grande-Bretagne qui «sont des marchés prometteurs».
Mais le secteur textile est également gêné par les difficultés intérieures de la Tunisie, avec les blocages politiques et administratifs que cela a entraînés. Pour autant, le PDG d’Aramys reste confiant. «Après quatre années difficiles, le plus dur est passé». La situation pourrait ainsi se stabiliser, maintenant que les élections présidentielle et législatives sont passées (elles se sont tenues à l’automne 2014). Belhassen Gherab reste optimiste sur le retour de la confiance, garante d’une amélioration de la situation économique. «Les choses vont aller de mieux en mieux», pense-t-il. Ce n’est pas gagné, notamment en raison de la nouvelle attaque djihadiste à Sousse, le 26 juin 2015, qui a une nouvelle fois endeuillé la Tunisie…
Dans une usine du groupe Aramys à Tunis le 23 juin 2015 © FTV |
Source de l'article Francetvinfo
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