Mon dernier voyage à Tunis, post printemps, m'a encore renforcé dans ma conviction que l'union du Grand Maghreb est encore loin et en même temps à notre portée. Mon rêve, c'est de ne plus être invité à "bavarder" autour du Grand Maghreb à conceptualiser, mais d'échanger sur le Maghreb que nous aurons épousé et expérimenté.
Pourquoi, ne devrions-nous pas changer les axes de notre boussole? La terre est ronde et nous pouvons décréter à notre tour que nous sommes le Nord et se donner les moyens de l'assumer. Nous devons regarder plus latéralement et au sud de notre continent ce qui se crée, ce qui se fait de nouveau, pour en être rapidement des acteurs complices et complémentaires pour un mieux-être pour tous.
Le chacun pour soi de nos pays du Grand Maghreb est un cadeau du ciel pour nos concurrents, notamment asiatiques. Il nous affaiblit devant nos partenaires naturels que sont les Européens.
L'anecdote que m'a racontée un de mes amis cadre dirigeant d'une multinationale implantée au Maroc lorsqu'il a eu le désagrément de se voir refuser le visa américain pour complément d'enquête est édifiante. Il m'a dit en substance: "Il vaux mieux être SDF européen ou américain que notable maghrébin riche".
Nos décideurs de tous bords, notamment les acteurs de la société civile doivent donner le ton, comprendre et faire savoir que donner de la consistance au projet du Grand Maghreb, l'inscrire en haut de leur agenda, est la solution pour faire émerger un ensemble socio-économique viable, capable de négocier, de dialoguer avec d'autres ensembles régionaux.
Si le monde est devenu un village, les ensembles régionaux sont devenus les plus petits dénominateurs. L'oublier est déraisonnable et nous rend vulnérables.
La Banque mondiale dans son langage diplomatique nous le rappelle à travers l'étude du coût du Non-Maghreb estimé au bas mot à 1,4 milliard d'euros par an! Dit autrement, ce que nous ne sommes pas capables de capter comme richesses pour nos populations d'autres le font à notre place. Haram!
Quelques pistes de réflexion pour faire de ce vœux pieux une réalité avant qu'on ait perdu toutes nos dents.
Nous devons travailler en amont, intégrer au niveau de l'Éducation nationale dès le primaire des modules sur la vie et les mœurs de nos concitoyens maghrébins.
Cela passe par l'organisation d'échanges réciproques. Des jeunes iraient dans les autres pays du Maghreb et seraient reçus dans des familles. Le concept "Vis ma vie" est un plus pour être maghrébin de l'intérieur.
En parallèle, nous pourrons également lancer la réflexion pour démarrer le programme Ibn Batouta, à l'instar du programme Européen d'Erasmus.
Être Afro Maghrébin est une chance pour nous que nous devons saisir. L'École peut être un levier extraordinaire pour démocratiser le Grand Maghreb dans la tête de nos enfants. Il n'y a qu'à voir leur relation avec Internet qu'ils côtoient depuis leur premiers pas.
Osons leur donner un espace ouvert au sein du Grand Maghreb où la libre circulation serait effective et facilitée grâce à l'accélération des travaux d'infrastructures. L'autoroute et les chemins de fer intra-maghrebins donneront du sens à la complémentarité des États, en optimisant les frais de logistique.
Si comme pour un militaire, il faut regarder loin pour commander court, nous devons être pragmatiques et en parallèle du lancement de chantiers structurants au niveau de l'Éducation et de l'infrastructure, mettre en avant les expériences réussies.
La société civile, notamment les entrepreneurs des différents pays doivent utiliser les NTI pour capitaliser sur les bonnes pratiques et remonter aussi les difficultés rencontrées par les opérateurs intra-maghrébins.
Des think-tank virtuels sont rapides à mettre en œuvre et ne coûtent pas chers.
Un intranet dédié à cette thématique servira de support à travers le déploiement du baromètre des entrepreneurs opérant dans le Grand Maghreb pour donner envie et aussi pour interpeller les responsables économiques et politiques pour agir afin de lever les obstacles et rendre opérationnels la pléthore d'accords signés et classés sans suite.
Il ne tient qu'à nous de développer rapidement les synergies et coordonner nos activités pour se présenter comme un acteur unique régional. Cela nous donnera l'opportunité de présenter une vision partagée et un projet de société Win-Win pour les 80 millions de Maghrébins.
Le rapport de Davos dans sa dernière moisson a apporté plusieurs bonnes nouvelles.
Un "petit" pays Africain, l'Île Maurice pour ne pas la citer, est classé quasiment au coude à coude avec l'Espagne et le Portugal sur le plan de la compétitivité et la performance (39e sur 144 pays étudiés).
Nous devons être fiers d'être aussi Mauriciens et Africains. Et dire Yes We Can aussi au Maghreb!
C'est vrai, on peut toujours contester le poids de certains indicateurs retenus par ce rapport. Nous devons néanmoins nous rassurer en nous disant que cela s'applique à tous de la même manière. Le plus important c'est le Trend, nous avons parcouru du chemin et il reste beaucoup à faire.
Si nous entrepreneurs commençaient à commercer dans le Maghreb en constituant des joint-ventures, notre jeunesse pourra apprivoiser plus facilement ce nouveau marché.
Pour cela, il faudra communiquer par l'exemplarité en faisant témoigner des entrepreneurs Maghrébins qui ont réussi. Cela rassurera toute PME qui voudrait monter son projet en partenariat avec une société maghrébine pour gagner du temps et répartir le risque.
Il faut aussi agir sur les volets transverses.
Des expériences venant cette fois-ci de notre continent Africain, la zone du CFA, nous montrent la pertinence et l'intelligence d'avoir un cadre juridique, fiscal et financier commun. Les économies d'échelle et l'attractivité sont certaines. Nous pouvons en tirer des enseignements et y travailler au lieu de continuer chacun à son niveau à refaire le monde. L'Europe n'est pas née à 25, nous pouvons construire à 2 ou 3 au démarrage.
Regardons le couple franco-allemand qui porte le projet européen: deux ennemis il y a encore quelques décennies, ont su tourner la page et construire ensemble une zone de paix et d'échanges. Nous n'avons pas eu les mêmes blessures et continuons à nous ignorer.
Le plus important, c'est de rappeler que l'économique tire le social et crée de la richesse pour tous nos concitoyens, à commencer par nos jeunes, qui connaissent des taux de chômage des plus élevés de la planète.
Agir en amont, travailler sur un cadre légal commun sont des éléments déterminants pour accompagner l'appropriation du projet Maghreb par tous nos concitoyens.
Donnons confiance à nos jeunes en investissant dans la zone Maghreb. Quelque-uns l'ont fait en Tunisie (AWB) et au Maroc (Coficab, Servicom, Misfat...).
Nos jeunes ont besoin de rêver, de savoir que nos entreprises, par une démarche de développement durable, construiront le Maghreb de demain.
Les jeunes veulent qu'on les écoute, qu'on aille à leur rencontre et leur montrer en trois dimensions que le Maghreb n'est pas un leurre mais une réalité qui se fera avec eux et pour eux. Cette union sera le vaisseau amiral pour la création d'un ensemble encore plus grand.
C'est vrai que nous n'aimons pas les pionniers, alors qu'ailleurs ils sont adulés. Nous préférons les mettre sous quarantaine en les cataloguant d'opportunistes.
Où est passé le Ibn Batouta qu'il y avait en chacun de nous? Je reste convaincu que l'union du Maghreb (d'abord celui des entrepreneurs) est une étape pour un mieux-être pérenne pour une intégration Nord-Sud plus efficace. Encourageons les initiatives inter-maghrébines collectives ou individuelles de rapprochement.
Demain nous écrirons le Maghreb par nos réalisations dans un ensemble riche et libre et en paix. C'est possible, si nous commençons aujourd'hui en appliquant la résilience tout en ayant comme conviction que les petits ruisseaux font les grands fleuves.
Osons le Maghreb économique maintenant, nous n'avons que suffisamment attendu le politique.
Notre expérience sub-saharienne réussie peut alimenter les menus à préparer pour donner du contenu à ce Maghreb qui se cherche.
Agissons maintenant, nous lui faciliterons la tâche et contribuerons à donner du sens à son action et nous ouvrirons la boîte de Pandore pour être rejoints demain par d'autres sur tout le continent.
C'est connu, l'union fait la force.
Par Zakaria Fahim - Source de l'article HuffpostMaghreb
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